Pierre Akendengue, orfèvre de la chanson
S’il assure avec une touchante humilité appartenir à une autre époque en tant qu’artiste, le Gabonais Pierre Akendengue demeure un fabuleux faiseur de chansons. Simples en apparence, efficaces, elles n’en sont pas moins riches, conçues avec une redoutable précision par cet ancien élève du célèbre Petit Conservatoire de la chanson. Son vingtième album Destinée sort l’année de ses 70 ans.
RFI Musique : Au cours de votre carrière, depuis quatre décennies, de nombreux musiciens réputés ont joué sur vos albums. Comment choisissez-vous en général vos collaborateurs ?
Pierre Akendengue : Le choix de mes musiciens a toujours été en situation. Je ne cherche pas forcément les musiciens dont on me parle. Je regarde autour de moi. Quand j’ai commencé, je chantais seul avec ma guitare. Puis j’ai jugé utile d’avoir un percussionniste. J’ai demandé à un ami, Alphonse-Marie Toukas, qui m’a présenté Prosper Nkouri. Je n’ai pas cherché à savoir si c’était le bon percussionniste. Il est congolais, moi je suis gabonais. Bien que nous partagions la même culture, chacun a ses particularités. Donc il a fallu le mettre à l’école de ma sensibilité musicale et il s’y est employé. Ça ne veut pas dire que je dédaigne travailler avec des musiciens confirmés, mais j’ai toujours fait une sorte de mélange d’amateurs et de professionnels.
Par le passé, vous avez aussi été accompagné par d’autres Congolais, comme le guitariste Maika Munan. Cette fois, c’est son compatriote Olivier Tshimanga qui est à vos cotés. Les musiques du Gabon et celles du Congo sont-elles proches ?
Vu de l’extérieur, ou entendu de l’extérieur, on peut trouver qu’il y a des similitudes mais si on se plonge dans la musique telle que vécue, il y a beaucoup de différences. Le Gabon est un peuple de forestiers, et la forêt a des limites naturelles. Chaque ethnie développe une certaine forme de musique qui n’est pas forcément celle de l’ethnie d’à côté. Mais globalement, nous sommes des Bantous, on appartient à une même famille qui est sensible aux mêmes sonorités. Maika Munan et Olivier Tshimanga étant du Congo-Kinshasa, je les ai invités à venir manger à ma table en quelque sorte et ils m’ont apporté ce qu’ils ont. C’est un enrichissement et non une sorte d’inféodation de ce que les autres sont.
Avec François, c’est une longue histoire : quand je résidais en France, il avait déjà commencé à arranger une de mes premières chansons qui s’intitulait Olando. Après, rentré au Gabon, j’allais souvent le voir, pas pour arranger tout un album mais pour un titre ici ou là. C’est une collaboration qui me ravit. Il s’intègre parfaitement à ma vision musicale des choses. C’est un professionnel extraordinaire doué de beaucoup de sensibilité. En tout cas, ce qu’il m’apporte est toujours au-delà de mes espérances.
Je ne peux en aucun cas le laisser faire ! D’abord, je lui envoie des maquettes où il y a déjà toute la structure, des indications des instruments et les arrangements de chœurs. Car notre chanson ici se chante en groupe, en polyphonies. C’est dans le cadre de cette structure qui est rigoureuse qu’il s’ingénie à avoir une très bonne place, à en juger au résultat.