Peter Solo ressuscite le voodoo funk
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Découvert en 2008 avec l’album Miadomé, puis aux côtés d’Erik Aliana et Chiwoniso dans le spectacle Sukiafrica, le chanteur et guitariste Peter Solo change d’univers sur Analog Vodoo en assumant avec force son goût pour l’afro-funk qui a rythmé son enfance au Togo.
Quand il est tombé sur les premières compilations du label Analog Africa, spécialiste ès-grooves oubliés d’Afrique de l’Ouest, Peter Solo a soudain été transporté à cette époque où il écoutait les 45 Tours que son père, commissaire central à Lomé, passait sur son tourne-disque, à la maison.
Un déclic. "Ça m’a réveillé", confie le chanteur quadragénaire. Une discussion avec ses "grands frères" béninois de l’orchestre Poly-Rythmo, qu’il croise sur l’île de Zanzibar au large de la Tanzanie où il est venu jouer avec la création afro-asiatique Sukiafrica, finit de le convaincre : "J’ai trouvé mon chemin, quinze ans après mon départ du Togo", assure celui qui est devenu lyonnais d’adoption depuis une décennie.
La ligne directrice de son nouvel album s’impose naturellement, comme le titre, Analog Vodoo. Eloigné de la démarche calibrée pour le marché des musiques du monde qui avait présidé – avec succès – à la conception de Miadome paru en 2008, il sonne comme un retour aux sources, avec un son proche de celui que les musiciens tiraient de leurs instruments rafistolés de toutes parts : pour la batterie, deux micros suffiront, au lieu de séparer les différents éléments. Des orgues, des cuivres, des guitares pour le côté funky.
Le chant, lui, s’inspire de la tradition dans laquelle Peter a baigné, sa maman étant une "pratiquante vaudou". "Il y avait beaucoup de cérémonies chez moi. Les malades venaient pour la guérison. On chantait tous les jours, avec des tambours et des cloches. Puis mon frère a apporté la guitare."
Premiers pas artistiques
A l’école, ses camarades sont alors persuadés que c’est lui qu’ils entendent jouer, le soir, dans le quartier. La rumeur parvient même aux oreilles du directeur qui le convoque à l’approche de la semaine culturelle : tout l’établissement compte sur lui pour briller. Il a beau assurer que tout cela n’est qu’une terrible méprise, rien n’y fait ! Le lendemain, après une nuit blanche passée à apprendre "avec deux doigts", il vient à l’école en ayant pris l’instrument, un modèle que son frère à déniché au Nigeria.
La scène reste gravée dans sa mémoire : "Dès que j’ai touché les cordes, c’était la folie. Tout le monde criait, comme si je jouais du Hendrix." De quoi motiver le collégien de 15 ans à s’investir sans retenue. Les deux morceaux prévus pour la semaine culturelle sont vite assimilés. Avec un bidon et des câbles de frein, il se fabrique sa première guitare et choisit de se consacrer à sa nouvelle passion. La progression est rapide. "A 18 ans, je tournais déjà au Ghana avec les grands orchestres togolais comme Sassamaso", raconte le guitariste soliste qui choisit le nom de Peter Solo.
En cheville avec le Centre culturel français de Lomé, il est sollicité par les stars du continent telles que Miriam Makeba ou Papa Wemba à l’occasion de leurs concerts en Afrique de l’Ouest. Chez Roger Damawuzan, disciple local de James Brown, il enregistre en 1998 son premier album Sodabi Agbana et obtient le trophée du meilleur artiste dans son pays.
Une tournée est organisée au Royaume-Uni, où il doit faire un nouveau disque. Mais sur place, le Togolais change les plans et préfère approfondir ses connaissances musicales. Les groupes d’Afrique anglophone qu’il fréquente outre-Manche l’emmènent du côté de l’afrobeat, de la juju music, du reggae… : toute une diversité de styles que possédaient aussi ceux qu’il admirait et dont il revendique l’héritage. A juste titre.
Par : Bertrand Lavaine
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