Le Mali de demain vu par Africa Express
Né tout près des rives du fleuve Niger, à Bamako, l’album Africa Express Presents Maison des jeunes s’inscrit dans la logique artistique que tente de développer depuis plus d’une décennie, le chanteur britannique Damon Albarn : réunir en un lieu et pour un temps assez court, des acteurs des musiques occidentales et africaines, venus d’univers variés sinon très éloignés, afin de casser les barrières et stimuler la création.
Pour le nouvel épisode de ses aventures musicales en terre africaine, Damon Albarn est revenu là où tout a commencé, il y a près de quinze ans. A l’époque, celui qui est alors le chanteur de Blur, un des principaux groupes de rock outre-Manche, fait un premier séjour au Mali en juillet 2000 pour le compte de l’ONG Oxfam, qui souhaite lui confier un rôle d’ambassadeur de ses actions entreprises sur le terrain.
Le Britannique accepte mais fait comprendre qu’il serait dommage qu’il quitte son costume d’artiste, avec lequel il pense qu’il est plus efficace. Le pressentiment s’avère vite exact : sur place, au gré de ses déplacements, des rencontres informelles sont organisées avec des musiciens locaux tels qu’Afel Bocoum, Lobi Traoré, Toumani Diabaté… Il écoute, dégaine parfois son harmonica pour se joindre à la fête, enregistre et surtout tombe dans la marmite.
Des 40 heures de sessions sur lesquelles il se penche pendant près d’un an, une fois rentré en Europe, il tire l’album Mali Music, qui parait en 2002. Comme Paul Simon et Peter Gabriel en leurs temps, il cherche à tisser un dialogue entre le Nord et le Sud.
C’est sur cette base qu’est né le concept Africa Express : un collectif à géométrie variable dans lequel Damon Albarn facilite les échanges entre producteurs et musiciens occidentaux avec les artistes du continent africain, que ce soit à travers des voyages de découverte (Nigeria, Congo…) ou des concerts-événements aux allures de "bœuf" pour all stars.
La Maison des jeunes
Fin 2013, une tribu principalement anglo-saxonne de professionnels de la musique débarque donc dans la capitale d’un Mali en pleine convalescence. Parmi les producteurs présents, il y a le vétéran Brian Eno (David Bowie, Talking Heads…) mais aussi des valeurs montantes comme Two Inch Punch, ou encore le guitariste new-yorkais Nick Zinner, membre de la formation rock, Yeah Yeah Yeahs.
L’équipe investit pendant une semaine la Maison des jeunes et transforme en studio ce lieu institutionnel tourné vers la jeunesse locale. L’objectif est justement de se focaliser sur ceux qui peuvent faire figure de relève pour la musique malienne.
Fort de ses contacts à Bamako, Marc-Antoine Moreau, producteur d’Amadou et Mariam ou plus récemment de Jupiter et Okwess international, a été chargé au préalable de procéder à un casting local omnidirectionnel en ne négligeant aucune piste. Au final, une douzaine de chanteurs et de groupes ont trouvé leur place sur le CD (la version dématérialisée du projet compte 16 titres, soit quatre de plus).
Kankou Kouyaté, la nièce du maître du ngoni Bassekou Kouyaté, y reprend Yamoré, l’un des titres phares du répertoire de Salif Keita : une version dépouillée, sobre, comme si l’original avait été déshabillé de ses arrangements. Le rap de Tal B Halala côtoie le rock-blues du désert des Songhoy Blues, un trio contraint de quitter sa ville de Diré, au nord du pays, lorsque les groupes islamistes ont pris le contrôle de la région.
Entre les mains de David Maclean, du groupe londonien psyché Django Django, le Lobi Traoré Band livre une prestation enflammée sur Deni Kelen Be Koko. Un son rock, une guitare qui tourne en boucle, des percussions qui ajoutent leur punch, des bidouillages électro qui se mettent au service du morceau : le cocktail aboutit à six minutes de transe.
S’il avait procédé de façon similaire en République Démocratique du Congo en 2011 pour l’album Kinshasa One Two, cette fois Damon Albarn a su établir des rapports musicaux équilibrés entre les acteurs de ce nouveau projet.
Africa Express Presents Maison des jeunes (Transgressive Records) 2014
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