Baaba Maal sait cultiver sa différence
Si Baaba Maal reste à 60 ans passés, un artiste singulier, c'est en partie pour sa capacité à transporter sans heurts, les chansons de son Sénégal natal dans des univers inattendus. Pour The Traveller, il a fait appel au savoir-faire musical du producteur suédois Johan Hugo, du groupe électro The Very Best, et aux mots de Lemn Sissay, un poète anglo-éthiopien.
RFI Musique : Comment faut-il entendre le titre de votre nouvel album, The Traveller ?
Baaba Maal : Toute la vie se résume à un voyage. Si nous voulons savoir quelle est la leçon la plus adéquate pour comprendre le monde, il faut voyager. Sur le plan physique, et sur le plan mental : on peut rester chez soi, regarder des documentaires, recevoir des gens qui viennent d'ailleurs et qui ont voyagé vers vous, échanger et apprendre beaucoup de choses.
Quel est le point de départ concret de ce projet ?
Pour comprendre l'album, il faut repartir à la base de l'écriture des chansons : c'est venu après une discussion avec Johan Hugo dans le train, lors du projet Africa Express de Damon Albarn. Il m'a fait écouter ses compositions, avec la participation de musiciens qui viennent de Namibie, du Malawi, et encore d'autres endroits. Je lui ai fait écouter certains de mes titres et après, il m'a fait rencontrer Winston Marshall. Je les ai invités tous les deux au festival Le Blues du Fleuve, à Podor, au Sénégal. Quand ils sont arrivés là-bas, ils m'ont dit que c'était un choc – c'était la première fois qu'ils venaient en Afrique. Mais c'était un choc très positif parce qu'il y avait tellement de couleurs, tellement de sons autour d'eux, tellement d'odeurs, de choses qu'ils n'avaient pas prévu de voir en un seul jour pendant le voyage entre Dakar et Podor, chez moi. On a commencé à parler de voyage et on savait qu'après le festival, on allait rester là pour écrire des chansons sur le voyage. On sait combien c'est nourrissant, comment ça peut rapprocher les gens.
Quand vous avez rencontré Johan Hugo, quelle connaissance de votre musique avait-il ?
La première rencontre a d'abord eu lieu chez lui. On lui avait demandé de remixer un de mes albums pour en faire quelque chose qu'on entend dans les boîtes de nuit. Il connaissait ma voix, il connaissait le nom, mais pas beaucoup la musique. Il m'a fait un deal très intéressant, parce que la condition sine qua non pour faire ce remix, c'était de venir chanter sur un des titres de The Very Best, son projet. C'est comme ça qu'on s'est connus, et l'étape d'après, c'était Africa Express, dans le train.
Qu'est-ce qui vous a attiré, dans son univers musical ?
Quand je l'ai entendu pour la première fois mettre de la réverb, sachant que lui vient de Suède, qu'il a grandi en Angleterre, qu'il est beaucoup plus dans la musique qui s'écoute dans les boîtes de nuit, je me suis dit que c'était seulement son environnement. J'ai appris à connaitre The Very Best et je me suis rendu compte que c'était un projet avec des gens de la diaspora africaine et qu'il avait compris qu'aller vers les autres est bien pour la musique. Et il allait très souvent vers la musique américano-latine, algérienne, celle de l'Afrique noire. Je me suis dit que c'était peut-être une oreille qui pouvait être attentive à ce que j'aimerais bien faire.
Baaba Maal The Traveller (Palm Recordings) 2016
Site officiel de Baaba Maal
Page facebook de Baaba Maal