Habib Faye, super étoile de la basse

Habib Faye, super étoile de la basse
© Les Branchés

Partenaire de Youssou N’Dour depuis plus d’un quart de siècle, membre d’une fratrie qui a marqué la musique sénégalaise, le bassiste Habib Faye s’est enfin décidé à jouer une partition plus personnelle sur H2O, avec une formule désaltérante, inspirée par un jazz fusion au goût d’Afrique.

Il avait envoyé quelques signaux, comme ce concert hommage à l’Américain Jaco Pastorius, figure de Weather Report, enregistré en 2005 à Central Park mais auquel il n’a pas voulu donner le caractère officiel d’un premier album personnel. Chez lui, au Sénégal, on sait depuis longtemps qu’Habib Faye défend une vision avant-gardiste de la musique et qu’une certaine forme de jazz lui tient à cœur. Et ceux qui ont vu la prestation londonienne de Youssou N’Dour filmée en 2002 à l’Union Chapel, se souviennent probablement des solos de ce bassiste qui sait être très percussif et apporter d’autres nuances à la musique du Rossignol de Dakar.

Le bandleader du Super Étoile aura finalement pris son temps pour effectuer, à 45 ans passés, ses vrais débuts discographiques sous son nom avec H2O, invitant à ses côtés son patron mais aussi Angélique Kidjo, Manu Dibango, Idrissa Diop… "Pureté", "diversité", sont quelques-uns des maîtres mots de ce projet.

Il avait envie d’un album qui lui ressemble mais cela ne s’avère pas si simple quand on est un musicien aux multiples facettes. Quelle direction prendre ? Il faut savoir arbitrer. Sa longue expérience de réalisateur l’a aidé dans cette tache, autant que sa connaissance du terrain afin de s’adresser à un public au-delà du cercle de ses compatriotes : "Il y a des choses que je peux me permettre dans la musique sénégalaise, mais qu’il faut éviter si tu veux que ce soit plus international. Un morceau avec plein de percus ne dérange pas un Sénégalais, c’est même mieux ! Alors que pour certaines oreilles, ça dérange beaucoup", constate-t-il.

Le résultat de ce travail en étroite collaboration avec le pianiste Lionel Fortin rappelle le son de cette scène jazz-world sur laquelle se sont illustrés des groupes comme Ultramarine ou Sixun. "On n’est pas très loin les uns des autres. On a aimé les mêmes choses", concède Habib, rappelant au passage que Mokhtar Samba, batteur d’Ultramarine, est venu jouer sur son disque.

Débuts difficiles

Cette ouverture à d’autres styles musicaux que ceux qui prédominent au Sénégal a été favorisée par un père prof de lettres, guitariste à ses heures perdues. Sur le tourne-disque familial, Habib, encore gamin, regarde "émerveillé" les vinyles d’Otis Redding, de Wilson Pickett qu’écoutent ses grands frères. Pas question, en revanche, de pratiquer la musique. Si les aînés s’en affranchissent lorsqu’ils échappent à la surveillance paternelle, ils interdisent à leur cadet d’en faire autant. Ils ne verront donc jamais les débuts de leur petit frère qui essaie de reproduire ce qu’il a observé, une fois que le reste de la fratrie a le dos tourné.

Après avoir trafiqué une guitare électrique et espacé les cordes, le jeune Habib âgé d’une douzaine d’années emprunte une basse. "On me l’a prêtée pour deux jours, je l’ai gardée quatre mois !" Passé le temps d’apprivoiser l’instrument – "les cases étaient tellement énormes, mes mains tellement petites..." – vient celui du premier concert, au lycée.

nterdiction lui a été faite de s’y rendre. Il passe outre. "Quitte à ce qu’on me tue après." Il a gardé ces instants en mémoire : la scène, le décompte, "1, 2, 3, 4" et le grand frère auquel il a désobéi, juste derrière, qui tout à coup saute de joie en entendant les cordes vibrer. "C’est à partir de ce jour-là que j’ai eu mon indépendance", considère Habib.

Demandé, évoluant de groupe en groupe, il ne se voit pourtant pas faire de la musique son métier. Jusqu’à ce que Youssou N’Dour, qui emploie déjà son frère Adama dans son orchestre, vienne convaincre Monsieur Faye père. Au milieu des années 80, le jeune bachelier part pour sa première tournée internationale… et se retrouve aux claviers ! Les fausses notes le découragent mais le chanteur lui renouvelle sa confiance, alors il fait de son mieux chaque soir. "Regardez, Habib est en train de jouer sans regarder les touches" finit par remarquer le percussionniste du Super Etoile lors d’une répétition.

Le bassiste reprend vite son instrument préféré, sur lequel il s’entraîne environ "15 heures par jour". Les félicitations de Branford Marsalis, Mark Knopfler, Peter Gabriel, croisés sur la route, sont autant d’encouragements. Dans un coin de sa tête, il se met à accumuler les idées, au fil du temps, en vrac. Un jour, il aurait bien l’occasion de les mettre en forme et de les partager.

Habib Faye H2o (Odaras productions) 2012
En concert au New Morning, Paris, le 14 mars 2012.