Surnommée "la Dangereuse" en raison des effets que sa voix pouvait produire sur certains, la chanteuse malienne Kandia Kouyaté vit une renaissance artistique avec son nouvel album justement baptisé Renascence, plus d'une décennie après l'accident vasculaire cérébral qui avait soudainement mis fin à sa carrière.
Elle ne voulait plus faire d'effort pour la chanson. Elle était découragée, abattue, diminuée par les séquelles de ce sérieux problème de santé dont elle a été victime alors qu'elle avait réalisé, quelques années plus tôt, tout ce qu'elle pouvait retirer d'une exposition internationale. Car durant presque vingt ans, Kandia Kouyaté a préféré rester dans un circuit traditionnel où les bienfaiteurs, les diatiguis, entretiennent les griots, voire même financent leurs enregistrements destinés uniquement au marché africain, comme ce Amary Daou présente Kandia Kouyaté, fait à Abidjan en 1983 (dans le studio utilisé la même année par Alpha Blondy, pour Brigadier Sabary).
Les propositions émanant des acteurs de l'industrie musicale étaient systématiquement refusées. Seul le producteur sénégalais Ibrahima Sylla, personnage clé dans l'ascension de nombreux artistes africains hors de leur continent, ne se faisait pas éconduire de façon définitive. Et il finit par convaincre la chanteuse qui n'avait plus grand-chose à prouver sur le plan local, à la fin des années 90.
Que ce soit le même homme qui lui ait remis le pied à l'étrier, pour ce
Renascence, n'est donc guère étonnant. Ibrahima Sylla, emporté entretemps par la maladie, n'aura pas écouté le projet finalisé, repris par François Bréant pour le terminer. L'arrangeur et musicien français, remarqué pour son travail avec
Salif Keita, s'était aussi illustré avec Bako Dagnon, une autre célèbre
djelimousso (griotte) disparue en juillet 2015.
Son approche, son savoir-faire, s'entendent sur les dix morceaux de cet album. Joués par des musiciens de référence, parmi lesquels le guitariste Diely Moussa Kouyaté, le koriste Djeli Moussa Condé ou encore Makan Badje Tounkara au ngoni, ils sont fidèles à l'esprit griotique, que ce soit pour conter l'histoire des Kouyaté (Koala Boumba), rendre hommage à son pays à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'indépendance (Mali Ba) ou honorer un diatigui (Mogoya Douman).
Difficile d'imaginer qu'à l'entame de l'enregistrement, Kandia Kouyaté, en manque de confiance, disait avoir tout oublié. Celle qui avait pris dans son groupe le jeune Ballaké Sissoko dans les années 80 et qui a développé le rôle des chœurs féminins dans la musique malienne a vite retrouvé ses repères.
Kandia Kouyaté Renascence (Sterns) 2015