South by South West 2013

"Ici c’est comme chez nous : il y a le vent chaud, les étoiles et le son du désert. C’est une musique rock qui porte loin et qui te fait te sentir libre" analyse Diara, leader de Terakaft qui vient d’arriver au Texas, état gigantesque du sud-ouest américain. Le groupe touareg vient jouer pour la première fois à Austin, "Mecque" culturelle qui se targue d’être la "capitale mondiale de la musique live", notamment pendant le mythique Festival South by South West (SxSW) qui ouvre ses 112 scènes à plusieurs milliers de groupes venus de 58 pays.

Pendant que la rébellion change de visage au Mali, le vieil homme libre du désert, qui a jadis chanté une autre rébellion avec Tinariwen, a donc enfin touché la terre des libertés : l’Amérique. Les Terakaft auraient pourtant dû être plus nombreux, mais l’un des membres du trio de Kidal n’a finalement pas eu son sésame à cause de son patronyme. "Notre bassiste s’appelle Ibrahim Ag Mohammed, explique le guitariste et chanteur du groupe, Sanou Ag Ahmed. Mais pour les Américains, c’est aussi le nom d’un terroriste recherché. Alors son visa lui a été refusé. Pourtant, nous n’avons rien à voir avec les terroristes qui nous empêchent de sourire ou de jouer, au contraire. On veut juste chanter notre culture."

Le coup est dur pour Terakaft qui a traversé le désert et l’Atlantique pour venir jouer pour la première fois sur le continent américain, et notamment à Austin, un des rendez-vous les plus importants de leur tournée. Avec plus de 300.000 spectateurs et des milliers de professionnels venus du monde entier, ce festival de musique (qui célèbre aussi le cinéma et les nouvelles technologies) est devenu un carrefour incontournable.

C’est là que bruissent toutes les rumeurs des tendances à venir. Cette année, une grosse dizaine de programmateurs français sont d’ailleurs venus prêter l’oreille. Faire six concerts à Austin était donc un défi et une aubaine pour ceux que la presse locale a décrits comme un "groupe qui transporte l’atmosphère de son Sahara natal (…) dans une transe incarnée par de puissantes lignes de basse, des solos de guitare et des harmonies vocales envoutantes".

A la hâte, ils ont donc remplacé leur bassiste par un des nombreux musiciens que compte Austin, Mani Flores, un jazzman qui a réussi à porter leur groove Tamachek. "C’était unique, on sent que leur musique est libre et ça colle à Austin" s’enthousiasme le bassiste intérimaire d’origine mexicaine. Il faut dire que la ville fait figure d’exception libertaire dans cet état désertique souvent associé aux cow-boys et au pétrole. Elle a été l'un des bastions du rock psyché et a accueilli Janis Joplin ou Willie Nelson, avant que le SxSW ne se monte en 1987.

Jumelage avec Angers, la Française

Depuis trois ans, Austin, dont le slogan municipal officiel veut que cette ville "reste bizarre", est jumelée à la ville d’Anger, capitale culturelle du Maine-et-Loire en France. "Je ne sais pas si Angers est bizarre, mais j’ai eu la chance de visiter la maison des Lo’Jo, là-bas, raconte Todd programmateur du SxSW, et c’est un lieu de musique incroyable ! Il y a pas mal de gens bizarres et géniaux qui y passent."

Issues de ce cousinage culturel, les soirées Austin-Angers Music du SxSW avaient bien un air psyché. Angers, bizarre ? "Je ne sais pas si une ville française pourrait porter un tel slogan, le but n’est pas de copier cette ancienne ville hippie qui devient 'hipster' (ndlr : bobo). On cherche plutôt à tisser des liens avec des clubs et des artistes" explique François Delaunay, directeur de la salle le Chabada, venu avec Arno Gonzalez, Daria, le Titi Robin Trio et Terakaft, puisque les rockers du désert ont enregistré leur dernier disque en Anjou. Il invitera plusieurs groupes d’Austin à jouer au Chabada.

Avec la Mano Negra, Titi Robin avait été un des premiers Français à tenter l’expérience Austin aux débuts de ce festival étrange qui se vit comme une parenthèse unique, où malgré une offre culturelle impressionnante rock, punk hip hop ou électro - qui va cette année de Snoop Lion à Nick Cave en passant par Prince - l’ambiance reste étonnamment détendue.
"Il y a vingt ans, c’était plus modeste, concède Titi, mais la ville était déjà à part. Je me souviens d’une virée en voiture dans le désert autour et la ségrégation était féroce. On n’avait pas envie de rester dans certains bars, car les clients nous regardaient bizarrement. Avec ma culture gitane, j’ai souvent subi le racisme, et l’avantage des voyages, c’est qu’il y a toujours un moment où l’on est l’étranger de quelqu’un, ça enrichi !"

Daria sous le soleil d'Austin

C’est d’ailleurs à l’étranger que le rêve américain de Daria a pris forme, dans un festival en Espagne où les musiciens angevins ont rencontré les Américains de Keep On et Office of Future Plane. Une amitié et un disque en commun ont permis aux Angevins, qui ont tous un "boulot en dehors de la musique", de prendre un congé pour faire cinq concerts américains avant d’arriver à Austin, étape ultime d’un voyage dont ils ne reviennent toujours pas.

"Pour nous, groupe de rock français, venir ici, c’est jouer chez les patrons !" résume Etienne, enseignant et guitariste qui sable le champagne pour célébrer leur troisième concert détonnant sous le soleil d’Austin. "Après la grisaille de la Côte Est, finir ici, c’est l’extase ! sourit Cam le chanteur. Austin, c’est entre le Printemps de Bourges pour le côté pro et la Fête de la musique pour l’ambiance !"

De prime abord, le festival peut ressembler à une énorme machine où plus de 2000 groupes s’installent souvent juste quelques minutes avant le concert, mais la vibration demeure. Et bizarrement, tout fonctionne. La magie de cette oasis TexMix étrange opère encore.

Le site officiel de South By South West d’Austin
Page MySpace de Terakaft
Page Facebook de Titi Robin
La tournée vue par Daria