Marsatac lance la collection Mixatac

Originellement hip hop, la programmation concoctée par Dro Kilndjian pour l’association Orane a su au fil des années s’ouvrir à toute la gamme des musiques actuelles : beats électro, rock, musiques du monde… se positionnant de fait comme le festival incontournable de la rentrée alors que la majorité des grands raouts musicaux sont déjà plongés dans leurs bilans quand ils ne sont pas déjà en train de finaliser les détails de leurs programmations futures.

 

 

Petit retour en arrière : en 2008, Dro impulse deux résidences de création (à Bamako puis à Marseille) réunissant une quinzaine d’artistes des deux villes avec le soutien d’un go-between du nom de Stéphane Moginot, promu depuis chef de projet Musique et Cultures Urbaines au sein de Marseille-Provence 2013.

 

Ahmed Fofana, Massaran Kouyaté, Issa Bagayogo, le regretté Mangala Camara, David Walters, Alif Tree… sont de la partie. "J’ai vécu un temps au Mali" se souvient Dro qui y a exercé son premier métier : concepteur rédacteur pour une agence de pub. Une dizaine de titres d’inspiration électro-mandingue voient ainsi le jour sous l’appellation Mix’Up. Interprétés pour la première fois à Bamako, puis à Marseille à l’occasion de la 10e édition du festival, ils seront enregistrés en mars de l’année suivante au studio Bogolan (Mali).

 

En 2010, le programmateur d’origine arménienne réitère l’opération pointant sur la carte une nouvelle destination : Beyrouth au Liban. "Cette ville m’a toujours fait rêver" explique Dro Kilndjian. Un premier voyage lui permet de repérer une poignée d’activistes locaux (Rayess Bek, Youmna Saba, Fadi Tabbal) qui entre hip hop, pop folk et rock seront à même de se frotter à Marseille aux sonorités rock, post-rock et slam de Rodolphe Burger et du Marseillais Fred Nevchehirlian.

 

Une ébauche de spectacle sera présentée durant l’été 2010 à l’affiche du pluridisciplinaire Festival de Marseille, la création définitive étant elle, programmée au Dock des Suds lors de la douzième édition du festival. Dans ce vaste hangar à l’acoustique pas encore repensée, la représentation vire au fiasco, même si on devine sous la bouillie sonore de louables intentions au croisement des genres rock, post-rock, hip hop et folk oriental.

 

 

Dernière destination en date : Essaouira avec une création qui lie le trio électro-rock marseillais Nasser, le Maâlem (maître de musique dans la tradition gnaoui) Hassan Boussu et ses musiciens et le rappeur marocain Komy. Réalisée en 2012, cette rencontre révèle le rappeur marocain qui avec une énergie et un ingénieux sens du calage, impose son flow sur le beat souvent martial du combo.

Créés dans l’urgence comme souvent dans le cadre de rencontres croisées, ces spectacles trouvent désormais un prolongement sur disque, avant de revenir sur scène avec l’aide de Marseille-Provence 2013, lors de la prochaine édition du festival, désormais à cheval entre Nîmes et Marseille.

 

"Inventer ces créations était pour nous une façon de sortir de la simple diffusion pour se frotter aux logiques de la création. Les accompagner dans le temps, faire naître cette collection, n’était pas dans nos plans, sinon nous aurions sûrement soigné d’entrée de jeu, les traces" explique le programmateur.

En effet, peu de photos viennent illustrer ces recueils, rappeler leur genèse. Largement retravaillées en studio, les compositions de chacune de ces trois créations prennent le recul nécessaire pour passer le cap du simple témoignage et donner sens et direction aux différents assemblages. Ainsi, Essaouira, massivement électro-rock à sa création sonne aujourd’hui plus hip hop, un hip hop teinté en superficie et non dans la masse par le son des karkabous et du guembri (instruments des Gnaoua).

 

"Pour nous, c’est une façon de d’imprimer notre marque en dehors de la scène" confie Dro qui a confié à Cédric Claquin, l’ex-manager de K2R Riddim et initiateur du projet de distribution numérique CD1D, les destinés du label. Rebaptisée Mixatac, cette collection est une nouvelle aventure pour le festival qui s’était timidement et sans grand succès essayer à la production discographique par le passé (juste un E.P. sans lendemain). "L’envie est de continuer l’aventure" commente le nouveau label manager qui inévitablement devra se poser la question des moyens, alors que le festival connaît une baisse de subventions tout juste compensée cette année par la manne Marseille-Provence 2013.

Dro Kilndjian aimerait bien s’atteler à de nouvelles productions de rencontres. Après avoir pensé à l’Afrique du Sud, il aimerait tenter l’aventure à Diyarbakir, une ville arménienne devenu aujourd’hui majoritairement kurde du sud-est de la Turquie avec entre autres, le Marseillais joueur de duduk, Levon Minassian.

 

Mais pour l’instant, l’équipe du festival est massivement concentrée sur la préparation de la 15e édition et de ses 90 concerts en 11 soirées… à Nîmes et Marseille du 19 au 29 septembre prochain, avec en guise de final, la reprise sur la scène du Théâtre de la Criée de ces trois créations. "Notre satisfaction est de savoir qu’aujourd’hui, elles trouvent des prolongements sur d’autres scènes et dans d’autres villes que celles de notre festival (Africolor, Festival de Jazz d’Amiens…), que les collaborations entre ces artistes se poursuivent en dehors de notre cadre" conclut-il.