Sziget festival, vingtième édition
Le festival de Sziget célébrait du 5 au 13 août sa 20e édition, sur fond de tensions politiques en Hongrie. RFI Musique raconte ce festival hors normes qui transforme durant une semaine une île de Budapest en camping international et qui a accueilli cette année, environ 5000 Français.
Le vent de Budapest retient que c’est grâce à un photographe français, Alain Dodeler, que le festival de Sziget a gardé son nom. C’était il y a quelques années et aujourd’hui, sur l’île du Danube qui accueille le Sziget, peu de monde se souvient encore de cet épisode. "Il y a eu une réunion avec les patrons du festival qui voulaient changer le nom de Sziget, qui veut dire île en hongrois, en Island, île en anglais, raconte son principal protagoniste. Je leur ai dit : 'Si vous changez de nom, vous allez perdre l’esprit du festival. Sziget, c’est hongrois.'" Celui que tout le monde surnomme "Tonton" garde aujourd’hui la fierté d’avoir eu raison et celle d’avoir contribué à la notoriété du festival hongrois en France – il a été le premier photographe français du Sziget.
Festival "hors de la société"
Avant de gagner la France et progressivement toute l’Europe en notoriété, le festival de Sziget a été à sa création en 1993 une affaire hongroise. Alors que la Hongrie découvre l’ouverture après la chute du mur de Berlin, sa jeunesse s’ennuie et elle organise une semaine de vacances "tous ensemble" pour combler le vide laissé dans l’été, par l’arrêt des camps de vacances communistes.
Le premier festival de Sziget réunit 43.000 spectateurs sur un programme libertaire. Le journaliste hongrois Béla Jávorszky qui a écrit la chronique (1) du festival constate : "Au départ, le Sziget était un lieu hors de la société hongroise, c’était un endroit où l’on retrouvait tout l’underground. Aujourd’hui, quand on passe le pont qui relie l’île du Sziget à la ville de Budapest, il n’y a plus grande différence entre le Sziget et la ville autour."
Le Sziget a en effet rapidement attiré la curiosité des étrangers. Sa deuxième édition en 1994 est un Eurowoodstock où sont programmés les géants de la génération Woodstock : Ten Years Afters, The Grandmothers of invention, le groupe de Frank Zappa, ou Eric Burdon des Animals. MTV se déplace et bientôt, c’est la marque de soda Pepsi qui rachète le festival. Porté par les sponsors, Sziget est devenu un grand festival international qui accueille les stars : John Cale, Iggy Pop, le guitariste de Guns’n’Roses, Slash, David Bowie… "Il faut préciser que tout ceci s’est fait avec ce qu’on était, ce qu’on savait. J’ai attendu 1998 pour aller dans mon premier festival à l’étranger", note Károly Gerendai, l’un des deux fondateurs du festival.
Une entreprise "baroque"
L’esprit du Sziget a changé et le festival hongrois –11 millions d’euros de budget l’an dernier- est aujourd’hui une grosse entreprise. C’est selon la formule de Béla Jávorszky, un "grand camping international" où l’on trouve des gens de partout : 61 nationalités étaient représentées au Sziget l’an dernier et cette année, ce sont 5.000 français et pas moins de 10.000 francophones qui ont fait le déplacement.
Autant qu’un festival de musique pop, Sziget est un assemblage baroque de musique, de théâtre, de cirque, de cinéma et de fête. Il réunit depuis pratiquement 5 ans plus de 380.000 spectateurs à chaque édition et il faut voir les alignements de tentes pratiquement au pied des scènes pour réaliser ce que tout ce monde représente.
Le Sziget reste aussi une expérience musicale étonnante. Il y a des têtes d’affiches anglo-saxonnes (Placebo, Snoop Dog, Stone Roses, The Roots…) mais l’intérêt est plutôt dans les parcours improbables que l’on peut faire toute la nuit. Ou comment passer de l’électro italien à un concert tzigane, d’un set de musique traditionnelle hongroise à un groupe de rap hollandais.
Dans les forêts de tentes cette année, on trouvait ainsi des adeptes de l’électro, des punk happés par la scène musiques du monde (lire ci-dessous) ou des fêtards qu’on imagine plus au bar qu’ailleurs… Mais la tranquillité d‘Alain "Tonton" Dodeler et l’équilibre du Sziget pourraient bien être troublés à court terme. La montée en Hongrie d’une droite populiste incarnée par le premier ministre Victor Orban a déjà freiné le public étranger et dans les travées du festival, Károly Gerendai, clamait que le vent du Sziget restait plus que jamais celui de l’ouverture d’esprit.
(1) Béla Szilárd Jávorszky, 1993-2012 Sziget 20 év HEV, Livre non disponible en France.