Christine Salem, maloya spontané
Parce qu’elle refuse en bloc, au nom de l’émotion vraie, ce qui pourrait relever du formatage commercial artificiel et téléguidé, la Réunionnaise Christine Salem réussi paradoxalement à marier le maloya traditionnel à l’esprit plus pop du groupe Moriarty, invité sur son nouvel album Salem Tradition, en référence à son ancien groupe.
RFI Musique : Au cours des dernières années, on vous a vue à plusieurs reprises aux côtés du groupe franco-américain Moriarty avec lequel vous avez enregistré deux titres sur votre nouvel album. Etait-ce si évident de réunir vos deux univers musicaux ?
Christine Salem : Dans le maloya, on n’a pas d’instrument harmonique, donc pour moi automatiquement, c’est quelque chose qui allait marcher. C’est vrai qu’ils ont eu un peu de mal par rapport au rythme ternaire, qui est difficile à comprendre, à aborder lorsqu’on ne le connait pas. Heureusement, j’ai des super musiciens, très pédagogues, parce que moi, je le fais au pif : je suis dans la musique, mais je n’arrive pas à lire une partition.
L’enregistrement a été décidé en juin pour juillet. Tout ça est dû à un a concert qu’on venait de faire à La Réunion dans le cadre du Iomma (Marché des musiques de l’océan Indien, NDR) où il y avait plus de 150 professionnels. Les programmateurs ont flashé sur la musique et, au niveau de mon environnement professionnel, mon producteur et ma manageuse sont venus me dire qu’il fallait que je profite de cette occasion. Pourquoi pas ? Un mois après, on était en studio. Et c’est allé très vite. En sept jours, on a fait quinze chansons.
J’aime bien la spontanéité. C’est comme ça que les belles choses arrivent, en fait. Même en concert : tout d’un coup, je sors une chanson qui me passe par la tête, sans que je sache d’où elle vient, et je la chante. Pendant le concert qui vient d’avoir lieu au Kennedy Center, à New York, à la fin de Kadjembawé, je chante une autre chanson qui n’a rien à voir, puis je reviens à la première. Ça m’arrive souvent. Ça dépend de la salle, du public, de mon état d’esprit. Mais il y a aussi certaines chansons que je prends le temps d’écrire.
Avec ces musiques traditionnelles, les gens ont l’impression qu’on parle aux esprits. C’est ce qui revient le plus souvent. Le live donne une autre dimension. On le voit à travers la musique, sur mon visage. Comme si la voix sortait du fond de la terre et remontait. On n’arrive pas vraiment à l’expliquer mais on le vit.
J’ai arrêté depuis le 1er octobre 2012. Continuer allait poser beaucoup de problèmes. Tant que je pouvais gérer, ça allait, mais depuis quelques années je réfléchissais au choix que j’aurais peut-être à faire. Et le moment est arrivé. Tout le monde n’a pas cette chance de vivre sa passion. Il faut la saisir. Il faut foncer, y aller et on verra après.
Non, pas du tout. Même pas avec un chanteur ! Les choses ont beaucoup évolué : il y a pas mal d’artistes qui commencent à s’exporter. Aujourd’hui, quand on voit que Danyel Waro reçoit le prix du Womex (Marché international des musiques du monde, NDR), ça représente quelque chose pour un chanteur traditionnel de La Réunion. En fait, il faut obtenir la reconnaissance à l’extérieur pour l’avoir ensuite chez nous. Pourtant, on a l’habitude d’entendre cette musique – pas forcément sur les radios de l’île, mais là, c’est un autre débat.
C’est un rêve que j’ai dû faire deux fois quand j’étais petite. J’étais sur scène, il y avait beaucoup de monde, beaucoup de lumières. Mais je ne chantais pas forcément. Et en 2003, quand j’étais au Paleo festival, en Suisse, au moment où on a arrêté une chanson, ça m’est revenu comme un boomerang. Le rêve était devenu réalité.
En tournée et en concert à Paris au Théâtre des Abbesses le 16 mars