Les gourmandises douces-amères de Nathalie Natiembé

Les gourmandises douces-amères de Nathalie Natiembé
Nathalie Natiembé © S. Portier

Avec Bonbon Zetwal, son quatrième album, celle que l’on surnomme la "punkette maloya", la chanteuse réunionnaise Nathalie Natiembé, se livre encore plus qu’à l’accoutumée… En résulte un disque à fleur de peau, qui surfe sur des musiques seventies au cœur maloya.

Cheveux enturbannés, lunettes noires, sourire-soleil, tee-shirt orné de cet explosif slogan "Maloya is not dead"… Avec ses musiciens, la bien-surnommée "punkette du maloya", Nathalie Natiembé, débarque tout juste de la Réunion, telle un doux cyclone, pour offrir à la métropole, son quatrième opus.

Sur son smartphone, en préambule de l’interview, elle cherche une photo : celle d’un petit sablé à cinq branches, curieux, gourmand, poétique. C’est un "bonbon zetwal", gâteau typique de la Réunion, pétri d’épices – curcuma, poivre, paprika…–, qui donne son nom à l’album. "Avec la mort de mes parents en 2011, cet événement fondateur de l’album, alors que j’errais, perdue, dans ma "case", je me suis projetée dans mes souvenirs d’adolescente de 15 ans. Parmi les éclats de mémoire, me revenait avec insistance le goût de cette friandise", raconte-t-elle.

L’effet d’une "petite madeleine de Proust" ? Dans le titre inaugural, la chanson éponyme, aux rythmiques reggae, elle met en musique et en poésie l’envolée de ses parents pour l’autre monde. Un bonbon, une étoile : "C’est à la fois le gâteau terrestre et le gâteau céleste", résume-t-elle.

Exorciser ses démons

Pour composer, Natiembé se met un peu entre ces deux états, à mi-chemin entre ciel et terre. Tout part d’une douleur, d’un blues, de démons à exorciser. Lorsqu’elle commence à chanter maloya, à près de 40 ans, elle cherche à se guérir d’une vie, jusqu’ici tourmentée : une thérapie en musique.

Depuis, elle n’a de cesse de perpétuer ce processus créatif, né de blessures vives. "Avant d’écrire, je me place toujours dans une situation désagréable, une source d’énergie négative, dit-elle. J’essuie des angoisses, des douleurs, des peurs, je combats des fantômes… Les mots arrivent avec leur musique, la chanson tourne en moi jusqu’à l’obsession : je deviens infréquentable ! Enfin terminée, je la couche sur le papier. C’est la libération. Je reprends ensuite le cours de ma vie, jusqu’au prochain bouleversement…"

Pour que jaillisse la poésie, la chanteuse ne s’économise pas : "Sur cet album, sûrement la fin d’un cheminement, j’ai repoussé mes limites. Je m’y suis dévoilée. Plus qu’avant. Peut-être parce que mes parents avaient disparu. Je n’avais plus ces réserves de grande enfant quinquagénaire vis-à-vis d’eux. Comme je le chante dans X Parano, pour créer, j’étais dans ma case, 'en tricot de peau et short à carreau', l’esprit imbibé de toutes sortes de substance…"

L’amour amer

De ces échappées poétiques, de ces aventures à l’intérieur d’elle-même, Nathalie remonte des histoires : celle de son oncle paranoïaque, aux rituels maladifs (La Parol na pwinkoulèr) ; Nwar 72, aux accents reggae, convoque, quant à elle, du haut de ses 56 ans, les promenades de son adolescences, les montées dans les rivières avec ses petites robes à fleur, les fruits des ravines…

Dans Bwalé ou Rèv, elle chante l’amour, aussi. Pas l’amour "mielleux", non ! Plutôt "l’amour poison, dont tu n’arrives plus à te débarrasser, qui te colle au corps, au cœur. Ces passions qui te rendent malades, te débloquent, qui t’entraînent dans des tourbillons de sentiments incroyables. Rèv commence par la description d’une fellation : cet amour au goût salé, cet amour que l’on boit…" Nathalie conclut toujours ces phrases importantes par un éclat de rire…

Maloya Seventies

Dans sa tête, les histoires surgissent toujours en musique. La bande-son pour Bonbon Zetwal rebondit ainsi sur son adolescence : les années 70, le psychédélisme, le rock, des réminiscences vers les Doors, Pink Floyd, toutes ces influences qui la nourrirent... Une couleur qui tient aussi à ses acolytes musiciens, Yann Costa aux claviers, Cyril "Fever" Faivre à la batterie, Boris Kulenovic à la basse : "Il y a entre nous une osmose, une confiance grandissante. Ma voix s’installe, naturelle, parmi les instruments".

Bonbon Zetwal s’impose-t-il alors comme un disque de maloya ? Stricto sensu, non ; mais dans l’esprit, tellement ! Assurément, Nathalie épouse le blues de son île, incarne sa liberté, bouleverse jusqu’à ses carcans pour mieux le sublimer : "J’entends du maloya partout, jusque dans les petits tambours de la musique irlandaise ! Le maloya, c’est un état d’esprit, une façon de vivre, une philosophie, que j’espère exprimer par ma poésie créole, et cette façon d’être de ma terre : anglaise, j’aurais été punk. Réunionnaise, je suis maloya…". Ce quatrième album, l’œuvre d’une écorchée vive, pleine d’humour et de tempérament, vient sans aucun doute confirmer le talent et la sincérité d’une grande artiste.

Nathalie Natiembé Bonbon Zetwal (Sakifo Records) 2013
Page Facebook de Nathalie Natiembé

A écouter : Nathalie Natiembé sera en live Samedi 23 Novembre
                      dans Musique du Monde.