Valérie Louri dans les mots d’Edith Lefel
Edith Lefel avait 39 ans quand elle a rejoint le panthéon du zouk, en 2003. Dix ans plus tard, animée par la volonté de trouver la bonne distance par rapport aux versions originales, la Martiniquaise Valérie Louri reprend sur son nouvel album, Tribute to Edith Lefel, quelques titres emblématiques de celle qui a marqué les esprits tant par ses albums solo qu’à travers ses collaborations avec Malavoi ou Philippe Lavil.
Jusqu’à présent, aucun artiste n’avait encore osé s’attaquer à un tel projet discographique basé sur le répertoire d’Edith Lefel. Une forme d’autocensure, sans doute, par crainte d’égratigner l’image de la chanteuse guyano-martiniquaise dont le souvenir est encore si présent dans la mémoire collective des Antilles.
Bien que déjà bardée de deux albums chaleureusement accueillis et de quelques distinctions, Valérie Louri le savait. Se confronter à une telle "icône" était un peu ambitieux, reconnaît-elle, consciente du côté "casse-gueule" d’un tel disque, et des éventuelles conséquences préjudiciables que cela aurait pu avoir pour sa propre carrière dans le cas d’un scénario défavorable.
"Quand j’ai voulu présenter ce qu’on avait fait, ça n’a pas raté : je sentais un peu de réserve de tout le monde, et surtout de ceux qui la connaissaient." Et de citer cette figure du journalisme culturel antillais qui avouait avoir laissé le CD encore sous cellophane au fond de son sac pendant quelques jours avant de vaincre ses appréhensions et se décider à l’écouter… puis de rédiger une tribune dithyrambique !
Loin de chercher à revendiquer la maternité de l’idée de cet hommage, Valérie raconte que c’est davantage son entourage qui lui en a fait la suggestion, et que le moment pouvait être venu puisque 2013 correspondait au dixième anniversaire de la disparition d’Edith Lefel.
Les deux femmes ne se sont croisées qu’une seule fois, mais la lauréate 2006 du concours "Neuf semaines et un jour" n’oublie pas de mentionner que leurs histoires sont pourtant bien liées : c’est en étant invitée à participer en 2003 au rendez-vous annuel du Chant des sirènes, dont cette édition fut dédiée à l’étoile du zouk qui venait d’être emportée par un infarctus, que Valérie s’est fait repérer par un producteur local, à une époque où elle évoluait au sein du groupe Bélya. Ainsi s’est amorcée sa carrière solo.
"Quand j’ai pris la décision de faire ce disque hommage, je me suis dit que j’allais vraiment respecter le travail d’Edith", affirme-t-elle. Elle se concentre sur le sens des textes, découvre au passage le contraste "entre la force des mots et la musique plus festive", censée répondre à des objectifs commerciaux. Gamine, elle avait acheté La Klé, le premier album d’Edith Lefel paru en 1988, et s’est donc "naturellement jetée" sur les chansons qui lui parlaient le plus. Pour l’épauler dans cette entreprise, elle s’est tournée vers le contrebassiste allemand Daniel Thieme, enrôlé, tout comme elle, pour la comédie musicale Le Roi Lion.
Entre les représentations, ils discutent, elle lui expose sa démarche pour ce Edith Lefel Tribute qu’elle imagine, lui demande s’il sait faire des arrangements pour quatuor à cordes. Le musicien d’outre-Rhin ne connait rien du zouk, mais relève le challenge. Les morceaux possédant un potentiel harmonique sont privilégiés.
Un premier test est effectué sur Somnifère, un titre paru en 1995 sur la compilation Jeux de dames réalisée par Ronald Rubinel, pygmalion d’Edith Lefel. "Ça nous a quand même pris deux mois, parce qu’on ne savait pas par quel bout démarrer ! On a commencé par définir le tempo, plus lent ou plus rapide que l’original. Et aussi ce qu’on voulait garder de la chanson et ce qu’on allait pour sûr, zapper." Une fois la méthode de travail mise au point, le chantier a trouvé son rythme de croisière. "C’est aussi comme si, quelque part, Edith était là et chapeautait les choses", souffle Valérie.
Sur cet album qu’elle considère comme "une parenthèse musicale", en complément des six reprises, elle a aussi glissé des chansons plus personnelles. "J’ai profité de l’occasion pour revisiter d’anciens titres de mon répertoire. Ou pati est une chanson que j’avais écrite pour le départ de ma tante et qui se trouve sur le deuxième album, Fanm lanmou. Je me suis dit que ce serait bien de la reprendre spécialement pour Édith, donc j’ai ajouté un pont et des paroles pour elle", confie-t-elle.
Son titre emblématique Bay lanmen, écrit et composé par le bassiste Marc Elmira décédé en 2011 est également repassé en atelier. "En français, ça veut dire 'tendre la main', et je voulais lui donner un côté plus universel, donc musicalement je fais des clins d’œil à différentes cultures. J’aime bien me qualifier de citoyenne du monde et c’est ce que j’ai voulu marquer avec cette nouvelle version." Un "message d’unité" qui se prolonge avec l’Hymne à la Martinique, une création destinée, en toute humilité, à combler un manque : comme un drapeau qui fédère et rend fier.
Valérie Louri Edith Lefel Tribute (Aztec Musique / Rue Stendhal) 2013
Page Facebook de Valérie Louri
A noter : Concert hommage "Edith Lefel éternelle" avec Valérie Louri, Tony Chasseur, Jocelyne Béroard, Tanya St Val, etc. au Cabaret Sauvage le 18 janvier 2014.