Lo Còr de la Plana, du quartier à New York

Lo Còr de la Plana, du quartier à New York
© Olivier Santi

Dix ans après ses débuts, Lo Còr de la Plana signe Marcha !, son troisième opus. Ce chœur marseillais de langue occitane se produisait le 24 mars dans une des salles du fameux Carnegie Hall (New York), avant, une semaine plus tard, d’ouvrir pour Zebda dans un Olympia (Paris) plein à craquer. Rencontre un samedi midi à la terrasse d’un bar marseillais avec ces “Còristes” en occitan qui se produisent sur toute la planète.

La Plaine est en effervescence. Comme chaque jour de marché, la place Jean-Jaurès au cœur du quartier la Plaine sur les hauteurs de la Canebière grouille de monde. Entre "tombés du camion", fins de série et produits frais, tout se vend ici "moins cher que pas cher". Dans une rue non loin de là, sur un bout de trottoir, en terrasse du Bar des Maraîchers, Rodin Kaufmann, Sébastien Spessa, Benjamin Novarino-Giana et Manu Théron se préparent à célébrer avec les collègues du quartier la sortie de Marcha !, leur troisième opus.

Denis Sampieri, le cinquième "Còriste", les rejoindra plus tard. Etudiant en deuxième année de Licence d’Occitan, il révise avant quelques partiels prochains. La journée sera longue. Après l’apéro et l’interview, petit concert sur la scène étriquée de ce bar de quartier cher à Jean-Claude Izzo, puis rebelote en fin d’après-midi pour un nouveau concert, à l’Ostau dau País Marselhés cette fois-ci. Lo Còr  y a ses habitudes. Ce temple de la culture occitane à Marseille est devenu en quelques années un lieu incontournable de ce quartier.
 
Spiritualité, fête et contestation
 
"Ça fait dix ans maintenant" lâche Manu Théron quand on lui demande quand le Còr a commencé à balbutier ses premiers airs. "Dix ans de bonheur" ajoute-t-il avant de préciser : "On a tenu ce qu’on avait dit, on a rien lâché". Chanteur, compositeur et auteur, directeur de chœurs et directeur artistique de la Compagnie du Lamparo, Manu Théron se souvient des débuts du Còr : "Nous souhaitions nous réapproprier le patrimoine polyphonique occitan, en essayant de le tordre pour qu’il corresponde à ce que nous sommes. Nous ne sommes pas des chanteurs trad’. Nos référents musicaux sont autres et très disparates" explique-t-il citant dans la foulée trad’, classique, électro, jazz…
 
"On s’était fixé trois étapes, trois spectacles et trois disques" explique-t-il. "Nous avions démarré avec Es Lo Titre, un album de chants issus de la spiritualité populaire, suivi de Tant Deman aux chants de fête ou à danser. Marcha ! s’attaque, lui aux chants politiques en faisant part égale entre patrimoine et création. L’album s’ouvre par La Despartida, le seul chant issu du répertoire traditionnel. Tous les autres ont des auteurs crédités, des poètes marseillais ou nous-mêmes" explique le chef de chœur. "C’est la véritable histoire du peuple qui y est racontée, une histoire souvent plus foisonnante, intéressante et éclairante que l’histoire officielle" commente-t-il parlant même d’effet "agit-prop" pour ces textes écrits entre La Commune et la Première Guerre Mondiale, quand ils ne l’ont pas été hier par ces nouveaux hérauts de la langue d’Oc.
 
"Chaque langue est un monde"

Chanteurs enracinés dans une langue et une tradition ouverte aux vents musicaux méditerranéens, Lo Còr de la Plana aime son quartier et adore le monde. Tous deux le lui rendent bien. Local et global. Parler d’ici pour toucher l’universel, le propos n’est pas nouveau et plus d’un musicien sur les cinq continents sont arrivés à transcender leur particularisme pour émouvoir des publics qui ne connaissent souvent rien des univers qu’ils découvrent, pour partager avec eux leurs visions du monde. "Le problème de la langue n’en est pas un. Quand on accueille un groupe de musique du monde, on ne se demande pas s'il chante ou non dans la langue officielle du pays dont il est originaire. Il n’y a que lorsqu’on est là qu’on nous en parle ! Contrairement à d’autres, nous ne pensons pas qu’il y ait de hiérarchie entre les civilisations."
 
Leur contrat moral en trois étapes étant rempli, Lo Còr de la Plana pense à voix hautes, en ce début d’après-midi ensoleillé, à demain et aux dix prochaines années : "On ira vers plus de création, vers d’autres horizons, en cherchant à se dégager de l’aspect patrimonial, sans s’en défaire pour autant" explique Manu. Un programme long courrier qui devrait conduire ces chanteurs occitans dans de nombreux pays.
 
Lo Còr de la Plana, Marcha ! (Buda Musique) 2012
En concert le 26 mai à Marseille et en tournée en France