Nawal, naturelle mystique

Nawal, naturelle mystique
© akwa betote

Pour mettre davantage en relief la spiritualité au cœur de son nouvel album Caresse de l’âme, la Comorienne Nawal a choisi la sobriété. Une démarche artistique osée qui répond aux préoccupations actuelles de cette chanteuse et musicienne installée en France depuis de nombreuses années.

RFI Musique : Vous vous rendez assez régulièrement aux Comores. Ces voyages produisent-ils encore des effets sur votre musique aujourd’hui ?
Nawal : C’est déjà en moi, depuis toujours. Les Comores sont vraiment une partie de mon identité. Une grande partie, même ! Donc tout cela est très présent dans mes créations. Mais quelque part ça continue à me nourrir : quand je vais là-bas, j’ai tendance à aller écouter les musiques traditionnelles, voir ces anciens, ces personnes âgées qui respectant les traditions mais ne sont pas reconnues.

La transmission de ces traditions est-elle réellement en train de se perdre ?
Oui. Ça fait déjà quelques années que les plus jeunes s’intéressent beaucoup plus au hip hop et à la sono mondiale. Je le dis sans jugement. Si j’étais là-bas, j’aurais peut-être fait pareil. Comme dit la sagesse indienne : le lait de la vache de mon voisin a meilleur goût. Mais on peut faire un hip hop avec des influences des musiques traditionnelles des Comores, ce serait plus original, plus identitaire et mieux porté par ces artistes qui auraient plus de chances de trouver des acheteurs à l’extérieur.

Grandir en France à partir de l’adolescence vous-a-t-il aidé à trouver votre voie ?
Dans ma banlieue, la Zup de Fontbarlette à Valence, dans la Drôme, il fallait ressembler à tout le monde. Quand on me traitait de Française, je pleurais. Ça voulait dire qu’on reniait d’où je venais. Et à l’école, on me traitait de "Comorienne-qui-ne-comprend-rien", alors j’étais un peu perdue. Du coup, pour se forger une identité, c’est très difficile. J’en ai payé, des thérapeutes !

Quel a été le déclic ?
La musique m’a beaucoup aidée. Elle m’a emmenée dans des lieux où je ne serais jamais allée, m’a fait rencontrer des gens que je n’aurais jamais rencontrés. Des textes que j’ai chantés et qui m’ont beaucoup apportés : Boris Vian, Barbara, Brassens, même du Maxime Le Forestier à l’époque du Parachutiste. C’est ma génération. Entrer dans le scoutisme, aussi : on nous lâchait en pleine campagne avec nos tentes et notre boussole et il fallait se débrouiller. Finalement, on apprenait à s’autogérer et avoir confiance en soi.

Comment voyez-vous l’évolution de votre musique au fil des années ?
Ma première chanson, Moina, était très proche de Joan Baez. Ensuite, en 1986, après une année passée aux Comores où j’ai découvert la richesse de cette musique afro-arabe, j’ai commencé à composer en mettant du reggae mélangé à la salsa, avec des danses traditionnelles. J’ai toujours voulu faire une musique en relation entre ma France et mes Comores, entre mon enfance et mon âge adulte. A l’époque, j’avais douze musiciens, puis huit. Beaucoup trop. J’ai gardé mon concept mais il a évalué en même temps que moi. Aujourd’hui, j’enlève des instruments pour qu’il y ait du silence dans ma musique. De l’espace. Plus je prends de l’âge, plus je pratique le soufisme, la méditation, et plus ma musique recherche cette spiritualité.

Le nouvel album, en solo, est encore plus épuré. Qu’est-ce qui a guidé ce choix ?
D’abord, un des deux partenaires musicaux, avec qui j’ai travaillé pendant plus de cinq ans, ne peut plus jouer. Et l’autre a décidé de faire autre chose. Ensuite, il y a cette nouvelle ère qui arrive sur notre planète depuis le 11/11/2011. L’ère de la féminité, du Verseau. J’ai eu envie de participer à cela, de donner le meilleur de moi-même au niveau spirituel, d’apporter de l’apaisement. Parce qu’en attendant que le monde soit beau dans quarante ans, il y aura des moments difficiles. C’est comme une prière. Caresse de l’âme est un album qui coule tout seul, même si il y a deux titres politiquement très engagés, parce que je suis à la fois rebelle et sage.

Aux hommes dignes, la première chanson du CD, fait référence au Printemps arabe. Quel était votre regard sur ces événements ?
J’aime les gens qui se battent pour la dignité, qui risquent leur peau pour défendre des valeurs humaines. Qu’aujourd’hui ils ne soient pas suffisamment organisés, peu importe. C’est ce courage que j’avais envie de louer. Ça méritait une chanson. J’espère qu’on va continuer à défendre nos droits avec le plus de paix possible, mais quelquefois on n’a pas le choix.

Après vous avoir vu jouer à New York, la chanteuse franco-comorienne Imany dit avoir été conforté dans son envie de passer du mannequinat à la musique. Est-ce une artiste dont vous suivez le parcours ?

Je la suis discrètement. J’aime beaucoup sa volonté d’être qui elle est. Elle a une voix particulière et intéressante. Quand elle est venue en France, mon frère et un ami – qui étaient mes musiciens – ont fait ses premiers concerts, l’ont accompagnée. Au tout début, elle m’a demandé mon avis et je lui ai donné. De temps en temps, je vais écouter pour voir comment elle évolue. Il y a un travail qui a été fait et son répertoire lui correspond mieux. Le jour où elle va vraiment ouvrir son cœur, ça va être génial.

Site de Nawal

Nawal Caresse de l'âme (Jade/Universal) 2011