Aline, la pop revient

Aline, la pop revient
Aline © P.Rousteau

Aline n'a pas débranché les claviers, ni rangé ses gimmicks. La vie électrique, le deuxième album du groupe marseillais d'adoption, évoque toujours furieusement les Smiths et ceux qui, dans les années 1990, ont pris le chemin de la brit-pop dans l'Hexagone. Le chanteur Romain Guerret et le guitariste Arnaud Pilard nous parlent des chansons populaires de leur enfance, de leur adolescence baignée de rock anglo-saxon et de leur collaboration avec Stephen Street, le producteur de la bande à Morrissey.

RFI Musique : Quels sont les thèmes qui vous touchent ? 

Romain Guerret : Le premier album parlait de mon adolescence, de mon enfance, j'ai tout craché parce que j'en avais besoin. Pour La vie électrique, je me suis dit : "On a fait une tournée, y'a rien eu de vraiment marquant. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter ?" Au final, tous les textes parlent de moi, peut-être de façon beaucoup plus cachée, plus rentrée. J'ai beaucoup de mal à écrire sur des choses imaginaires, parce que je ne trouve pas d'angles. Là, je parle de moi de façon plus ouverte. J'avais envie de faire un truc sur l'astrologie, je l'ai fait, une chanson coquine, sensuelle, je l'ai faite, je voulais écrire sur la figure du Diable, je l'ai fait aussi. Ce sont des envies qui traînent dans ma tête et puis, je me laisse guider par la musique, la mélodie, le tempo, les textes viennent après.
 
Vos influences viennent surtout d'Angleterre, de la brit-pop ?
R. G. : Pas que… Mais tout ça vient de l'adolescence. Çavient du punk, des Clash, des Ramones, des Buzzcocks. Ça vient des Beatles, des Kinks, des Byrds, du Velvet Underground, de toute cette culture musicale anglo-saxonne qui faisait front face à notre culture musicale française de variété, de chansons populaires. La variété, c'est notre pop à nous, en France, c'est aussi notre culture, ce n'est pas un truc qu'on renie. Yves Simon, Michel Delpech, Alain Souchon, Joe Dassin, dans un registre plus chanson française, Barbara, Reggiani, mais aussi Julien Clerc, Daniel Balavoine, Véronique Sanson...

Arnaud Pilard :
On a grandi avec ça, c'est la musique de nos parents, c'est dans notre ADN.
 
Quand on écoute votre musique, on pense avant tout aux Smiths. Pourtant, ce groupe n'a pas été une évidence pour vous. 
R. G. : Dans les années 1990, j'étais à fond punk, j'écoutais un peu de musique électronique, les Smiths ne viennent pas de suite, en effet. Ils arrivent sur une compil' que m'avait fait un pote, mais je n'en étais pas hyper fan. La voix de Morrissey me gavait, la guitare, je ne comprenais pas les structures, c'était peut-être un peu trop intelligent pour moi. Mais quand je m'y suis mis, j'ai compris.

A. P. :
Moi, c'est la musique de ma grande sœur, j'étais carrément en opposition avec ça.

R.G. :
This Charming Man, quelques singles, des chansons comme Panic ont été des déclics. Je me suis acheté la compil hyper connue, avec le gamin de dos (The World Won't Listen, NDLA.), j'ai écouté ça en boucle et surtout, j'ai lu les paroles de Morrissey. J'aime beaucoup cette distanciation qu'il a, son côté éthéré, on ne sent pas l'affect même si les paroles sont très affectées. C'est un spectateur, il s’assoit, il regarde les gens, il regarde la vie.
 
Pour ce disque, vous avez travaillé avec Stephen Street, qui a été le producteur des Smiths et de Blur. Comment la rencontre s'est faite ?
A. P. : Quand on a fait une liste de producteurs potentiels, on avait mis Stephen Street comme un fantasme, comme un rêve de gosses. Il a fait plein d'albums qu'on a beaucoup écoutés. On l'a contacté via son site Internet, pensant qu'il n'allait jamais nous répondre. On lui a filé un lien Soundcloud du premier album et il nous a répondu le lendemain, au taquet, nous disant qu'habituellement, il ne travaillait pas avec des Français, mais que quelque chose le touchait. Le surlendemain, il nous a mis en contact avec son agent, et ça s'est fait. C'est un peu comme une bouteille à la mer qui aurait été trouvée par Stephen Street.
 
R. G. : Le mec est très pointilleux, un peu maniaque sur les bords. Passé les premiers moments, où on est un peu stupéfaits et intimidés de se retrouver avec lui, on a oublié la légende, et puis, il fallait que ça file droit, car on avait peu de temps.
 
A. P. : Dix jours pour enregistrer treize titres, c'était un peu un challenge, mais aux studios ICP, à Bruxelles, c'était de très bonnes conditions.
 
R. G. : Nous, on cherchait à se confronter au mythe et on voulait sortir de France, on voulait voir comment un Anglais, étranger à tout le buzz, pouvait appréhender Aline. Pour nous, c'était aussi intéressant de devoir se confronter à des méthodes de travail... très anglaises. C'était : "Vous allumez vos amplis. Vous êtes Aline, vous me faîtes du Aline. Moi, j'enregistre." Les Anglo-saxons sont beaucoup plus pragmatiques au quotidien, il y a moins de circonvolutions.
 
On vous a assimilé à une nouvelle scène pop française. Est-ce que cette scène vous parle ?
R. G. : Oui, ça a fait sens cette scène pop puisque des gens ont eu la même idée, au même moment, dans tous les coins de France. C'est vraiment un mouvement collectif de Français qui veulent se réapproprier leur langue, qui l'assument, et qui ne veulent plus singer les Anglais, en faisant une pop assez racée, avec des influences eighties, rock, new-wave, punk. Je trouve que ça a servi tout le monde, parce que, quand il y avait un article sur La Femme, on parlait d'Aline, ou on parlait de Lescop, c'était cohérent. Maintenant, on a plutôt envie d'en sortir et c'est logique, tout le monde veut faire son propre chemin.
 
 
Aline, La vie électrique (Pias) 2015
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