L'ancien leader de Revolver se lance en solo sous le nom de Sage. Au croisement de la pop, de l'électronique et d'influences classiques, Ambroise Willaume se révèle dans un premier album sophistiqué à l'opposé de ce que son pseudonyme laisse entendre.
La pochette montre un visage et une silhouette déformés, comme dans un tableau de Francis Bacon. Pour son premier disque en solo, Ambroise Willaume s'est appliqué à déconstruire soigneusement son image de garçon propre sur lui. "Cela me plaît d'enfoncer le clou, confie l'ancien leader de Revolver, parce que souvent, les gens se font de moi, l'idée de quelqu'un de discret. Pour moi, l'enjeu de Sage, c'est au contraire qu'ils comprennent la folie de ce projet. Ce n'est pas une folie démonstrative ou de l'énergie, non, mais plutôt celle de la retenue."
Dans ces ballades mélancoliques tournant souvent autour des claviers et d'une voix aiguë, tout est dans les nuances de gris. Si cela paraît simple à l'écoute, cette sophistication émane en réalité de bricolages savants. Exemple à propos du titre August in Paris : "À part sur le refrain, il n'y a pas vraiment d'accords, ce sont des harmonies très bizarres, on est pratiquement dans la musique contemporaine. On a obtenu ces sons avec un pocket piano, un synthétiseur étrange qu'on croirait fabriqué par un fermier du Wisconsin. Il a un peu le son d'un thérémine et ne produit pas vraiment de notes." Pour mener à bien ces expérimentations, Ambroise Willaume s'est aussi entouré de Benjamin Lebeau, une moitié du génial duo The Shoes, rencontré alors qu'ils travaillaient tous deux sur le disque de Woodkid.
D'Elliott Smith à Purcell
Entre le musicien né à Neuilly-sur-Seine, formé enfant au sein des chœurs de la maîtrise Notre-Dame de Paris, et son titi de producteur, pilier de la scène de Reims, la rencontre n'allait pas de soi a priori, et pourtant. Ces deux "perfectionnistes maladifs" ont trouvé une véritable alchimie. À l'un, la rigueur mélodique, la connaissance harmonique, à l'autre, une culture musicale éclectique et un art du bidouillage de la matière sonore sans limites. "Quelque part, j'ai puisé dans la musique française, début XXe, chez des compositeurs comme Erik Satie, Debussy", assure celui qui retrouve en Elliott Smith des échos de Henry Purcell.
Plutôt sombre et orchestré, ce premier Sage est loin de la pop sixties de Revolver. Cette nouvelle couleur proche de la new wave est venue en plusieurs étapes, notamment à la suite d'un cambriolage de son local au cours duquel le musicien a perdu la plupart de ses guitares. "Cela s'est passé alors que j'étais en Australie. Je l'appris le dernier jour de la tournée de Revolver. On savait que le groupe allait s'arrêter. Je ne sais pas si c'est un signe mais d'un coup, je me suis retrouvé sans guitares et sans groupe", raconte-t-il. Obligé de se réinventer, Ambroise Willaume est devenu Sage en empruntant son pseudo à son signe astrologique, le sagittaire.
Un sagittaire qui vivra sur scène puisqu'il envisage ses concerts comme un moment quasi sacré. "Je serai seul au piano, il y aura deux batteurs. Je veux transcrire la richesse de l'album, l'ampleur du son sans qu'il y ait d'ordinateurs, ni de séquences préenregistrées. Les ordinateurs qui viennent grossir le son font partie du mal contemporain des concerts. C'est une chirurgie esthétique, un mensonge. Pour moi, un concert, c'est le moment le plus pur de la vie de musicien. Il y a une émotion, une adrénaline, qui font que chaque soir, on vit un moment intense. Alors qu'on a un rythme de vie merdique, être en tournée, c'est bon pour la santé", constate-t-il.
A ce moment-là, ses yeux bleu profond s'éclairent, on a bien compris alors toute la folie du personnage.
Sage (Green United Music) 2016
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En concert le 22 mars à La Cigale à Paris