Rachel des Bois, la liberté retrouvée

Rachel des Bois, la liberté retrouvée
© b. jacquot

En 1995, elle raflait avec Au cœur des foyers, son premier album, la Victoire de la révélation féminine et le grand prix de l’Académie Charles Cros. Après la sortie de Tidam, son deuxième disque, le vent tournait. Quatorze années se sont écoulées avant que Rachel des Bois ne nous revienne, Un peu plus à l’ouest, et solide comme le rock.

RFI Musique : Votre nom de scène n’est pas votre vrai nom, d’où vous vient-il ?
Rachel des Bois :
A dix-huit ans, j’étais remplaçante dans une compagnie de rue pour ma première participation au festival off d’Avignon. Comme on n’avait pas d’argent, je dormais sous la scène, faite de planches. Mes amis m’ont surnommée Rachel des Bois ! J’ai été virée la veille de la première représentation parce que la vraie chanteuse était revenue, mais j’y ai gagné un nom !

Vous avez sorti vos deux premiers albums en 1993 et 1997, puis plus rien jusqu’à aujourd’hui…
Barclay m’a rendu mon contrat après ces albums. Les labels se plaignaient déjà, le monde du disque allait mal. J’ai arrêté de chercher ailleurs après deux rendez-vous qui m’ont complètement minée. Quand on est signé dans un gros label, on peut vivre toutes les folies mais on doit rester modelable. J’arrivais du cirque Zingaro et je n’écoutais pas beaucoup ce qu’on me disait, j’avais besoin d’être autonome. Maintenant je m’autoproduis. Etre artiste c’est comme une histoire d’amour, on ne peut travailler qu’avec des gens qui croient en nous.

Qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ?
Trois enfants, et beaucoup de scènes ! Puis comme les morceaux ne passaient pas en radio, ça s’est épuisé. C’est après être devenue coach vocale que j’ai compris qu’il fallait que je reste qui je suis vraiment. Je suis une laborieuse, j’avais été virée à cause de ça et j’en avais perdu mon identité musicale. Aujourd’hui, avec mes musiciens, je me sens très heureuse, très libre.

Vous avez effectué un véritable virage musical, votre nouvel album est très rock…
J’ai décidé de faire un album rock parce que c’est ma vraie nature. Mon premier groupe, Marquise des Anges, était un groupe de rock. A l’époque, le rock français a cru que la légende était plus importante que le fond : à l’image de ce qui se passait en Angleterre ou aux Etats-Unis, tout le monde se défonçait, ça n’était pas constructif. Je n’aimais pas cette ambiance et le milieu était très macho.

Qu’est ce qui vous a ramené sur cette voie ?
Je me suis redécouverte sans réfléchir, en travaillant avec Kris Sanchez, qui est la personne la plus rock que je connaisse. On a écrit et composé ensemble, c’est devenu un laboratoire assez magique. Gilles Martin, avec qui je voulais travailler depuis des années, a réalisé l’album. J’ai trouvé la route pour ce disque-là mais je pense aussi pour l’avenir. Sur scène, je refais même les anciens morceaux à cette sauce, et je m’éclate ! Je n’ai plus peur, c’est moi.

L’album et l’une de ses chansons portent le même titre, Un peu plus à l’ouest, mais leur connotation diffère…
On m’a toujours considérée comme une fille un peu fofolle. J’ai décidé d’assumer, d’être encore plus à l’ouest que l’image que je véhiculais. Puis ma musique est devenue vraiment américaine, même si j’ai gardé mon côté un peu bastringue. On est loin de la musique de l’Est presque orientale que je faisais avant ! La chanson du même nom est l’histoire de la folie amoureuse d’une femme, qui attend ce qui n’arrivera jamais jusqu’à en perdre le nord.

Vous abordez l’amour de façon incisive dès les deux premiers morceaux…
Je ne connais pas d’amour idyllique. Dans le disque, Sorry my love est l’antichambre de Mon Amour, je rentre. Je n’aime pas le romantisme français, je trouve que c’est une valeur morbide qui véhicule beaucoup de douleur et de noirceur. L’amour est dans le quotidien, dans la façon dont on se réalise en laissant l’autre se réaliser aussi.

Votre franc-parler ne manque pas d’humour dans Bon D… Bon Diable, la complainte blues de Satan…
J’ai rencontré beaucoup de personnes laïques plus intégristes encore que certains croyants… Ils parlent de la religion comme de l’opium du peuple, alors qu’ils ne supportent pas la moindre culture qui ne soit pas celle de la République. Ca m’a donné l’idée d’inventer ce petit dialogue où le Diable a le blues et n’a l’impression de ne plus servir à rien car Dieu est devenu une vraie terreur.

A l’écoute de Félin ou de certains arrangements, on pense à votre expérience au cirque Zingaro. Qu’en avez-vous gardé ?
Tout m’est resté. De l’importance de la lumière à l’autonomie dans le travail, mais surtout le côté tribu de la compagnie. Au cirque, il y a tout un rituel dans l’organisation des convois, dans les exercices, les filages, les débriefings entre les spectacles. Aujourd’hui encore, chaque chanson que je fais sur scène est comme un numéro ! Je répète beaucoup, et cela crée des liens entre les gens. Je suis très attachée à mes musiciens, avec qui je travaille même les enchaînements scéniques. Je suis devenue une chef de compagnie, et j’avance comme cela.

Rachel des Bois Un peu plus à l’Ouest (Roy Music) 2011
En tournée en France à partir de l’automne 2011