Figure de proue de la scène antillaise du dancehall, Admiral T s’autorise un album hors-série avec Face B, dont le positionnement musical et sociétal s’inscrit dans une forme de filiation avec ce que faisait le Jamaïcain Bounty Killer, il y a quinze ans.
En matière de communication, Admiral T est bien le produit de son époque, et pas seulement parce qu’il joue en permanence les hommes-sandwichs pour sa marque de vêtements et d’accessoires bling-bling. En janvier de cette année, une rumeur fait le tour des Antilles à la vitesse Twitter : l’artiste trentenaire aurait été interpellé, placé en garde à vue, son domicile perquisitionné… Ne jouait-il pas un délinquant dans Nèg Maron, le film de Jean-Claude Barny ? L’émoi que suscite la nouvelle est vite stoppé, car rien n’est vrai, et c’est l’intéressé lui-même qui a monté la manipulation. "Il faut choquer l’opinion, la sensibiliser, car ça n'arrive pas qu'aux autres. La violence est l'affaire de tous !" explique-t-il le lendemain sur les réseaux sociaux.
L’opération sert surtout de lancement au clip de son nouveau titre Gansgta, stigmatisant la banalisation des armes à feu – et annonçant l’album commercialisé cinq mois plus tard. Le jeune père de famille joue encore la carte de la sagesse sur Trop real : ne pas vendre son âme pour de l’argent, même si on en a évidemment besoin pour vivre. Avec Lanmou Danjere, c’est de violence conjugale dont il est question.
Présenté par son auteur comme un "hors-série" pour le distinguer de ceux qui ont jalonné sa carrière depuis Mozaik Kreyol en 2004, Face B était à l’origine pensé comme un de ces street albums que l’on voit surtout dans le monde hip hop.
Artiste prolifique (en moyenne quatre titres par semaine, selon ses dires), Admiral T voulait donner plus de visibilité à ces morceaux qui sont souvent mis de côté sur des projets académiques. D’où un côté assez
hardcore, sur le plan musical. Arides, axés autour du débit ultra rapide du
toaster guadeloupéen et de son énergie, ces 22 titres sont taillés pour ceux qui y ont déjà des repères, mais ils n’offrent guère de prise aux autres pour entrer dans cet univers à mi chemin entre le rap et le ragga. De la logique qui consiste à se faire plaisir à celle qui conduit à rester entre soi, il n’y a qu’un tout petit pas.
Admiral T Face B (Don’s Music/Socadisc) 2012