Tunisiano, marqué par le rap

Tunisiano, marqué par le rap
Tunisiano © DR

Il a été un tiers (puis une moitié) d’un des groupes les plus attaqués du rap français, Sniper, devenu au fil des ans synonyme de polémique, trainé en justice à plusieurs reprises pour en ressortir la tête haute et les mains propres. Tunisiano revient en solo avec le solide Marqué à vie, un album riche qui oscille entre dénonciation, virtuosité linguistique et détente. On retrouve Tunisiano au studio Masterdisk où il a finalisé son projet. Le MC de 34 printemps au "faciès mitigé" n’a pas dit son dernier mot. La preuve.

RFI Musique : Le hip hop a beaucoup changé depuis vos débuts. Vôtre écriture aussi ?
Tunisiano :
En fait, ta vie évolue, tu vois les choses différemment et ça se traduit dans les écrits. La nouvelle génération arrive et tu as envie de montrer que tu es là, que tu n’es pas mort, que tu es toujours opé pour les botter si tu dois le faire. Il y a toujours cette niaque. Après, ça reste de la compèt’. L’âge fait que tu t’assagis par rapport à certaines thématiques, à la virulence de certains mots bruts de décoffrage. J’ai un peu plus de sagesse, mais toujours cette même envie.

Sniper a connu les procès et la controverse. Ça compte dans une carrière ?
Ça ne compte pas, mais ça ne se gomme pas. Une fois que c’est là, on fait avec, je n’ai pas à en rougir. Mon rap a toujours reflété mes convictions, j’ai toujours été contre les injustices. Ça peut paraître démago mais c’est comme ça que je fonctionne. Forcément, les procès, je m’en serais bien passé. Certes, il y a eu le remue-ménage médiatique, mais ce que les gens ne savent pas c’est que derrière ça, nous avons été interdits de concerts, une tournée a été annulée. En 2014, on est toujours interdits dans certaines communes parce qu’on est le groupe qui a eu des problèmes, fut un temps, avec le ministre de l’Intérieur. Ils s’arrêtent à ça, ils nous mettent la petite étiquette : premièrement, c’est du rap ; deuxièmement, ce sont des jeunes de banlieue ; troisièmement, c’est un groupe qui peut être amené à créer la polémique. Alors qu’il n’y a jamais eu de problème dans les concerts et qu’on a gagné nos quatre procès. On a toujours eu gain de cause même si on a été attaqués à plusieurs reprises sur différents chefs d’inculpation, d’abord par la Licra puis par le ministère de l’Intérieur, pour Jeteur de pierres et La France. Ils ont fait un package avec ces deux titres et ont dit que Sniper était un groupe raciste et antisémite. Ce qui est totalement faux : on dénonçait nos vérités à nous. Peut-être que ce n’est pas à leur goût, mais c’était les nôtres. Ça a fait couler beaucoup d’encre, mais la justice a tranché, ça veut dire qu’on a toujours été innocents.

De quoi parle le morceau Jeune de tess qu'on trouve dans ce nouvel album, Marqué à vie ?
Pour moi, tout ce qui est extrême est dangereux. Je fais le parallèle entre un jeune de banlieue, black ou beur, et je montre qu’autour de ça, quand on caricature la chose, il y a pas mal de similitudes entre un mec de quartier assez barré, qui ne connaît que l’exclusion, qui part dans une parano, et l’extrême-droite. Je fais ce parallèle, j’emploie tous les codes propres à la banlieue pour au final, dire que la banlieue n’est pas qu’à Gennevilliers ou à Montfermeil, mais aussi à Neuilly-sur-Seine.

Tu es en duo avec Lino sur Val de Zoive. C’est stimulant de croiser le mic avec un lyriciste de cette carrure ?
C’est le meilleur exercice pour un rappeur ou un MC. Là, tu es vraiment dans la compétition, face à un rappeur de haut niveau, il se passe quelque chose. Tu n’es plus rappeur, tu es compétiteur. Et forcément, le morceau a de l’impact. C’est un de mes coups de cœur de l’album. On l’a écrit en studio, en plusieurs séances. Nous sommes revenus dessus plusieurs fois. On a changé le refrain, c’était un bon exercice. Quand je dis "Rare comme un com positif sur Booska-P", c’est assez significatif de ce qui se passe quand tu vas sur les sites de rap ou les blogs, c’est rare qu’il y ait des vraies critiques positives et judicieuses. C’est souvent "Ça pue la merde, t’es vieux, passe à autre chose, on t’écoute pas, ça ressemble à tel ou tel"… Toujours les mêmes débats.

Finalement, tu n’es pas trop porté sur les clashs ?
Je clashe les choses qui me révoltent, je n’ai rien contre les autres rappeurs, chacun fait son truc. Ce qui m’affecte humainement, c’est de voir que le coût de la vie augmente, qu’on tire la langue, que mes proches sont dans des situations problématiques. Ce sont ces choses-là qui me fâchent. Après, que tels ou tels rappeurs se "branlent" sur la plus grosse voiture… tant mieux pour eux, mais moi, je m’en fous.

Tunisiano Marqué À Vie (Believe Recordings) 2014. 
En concert le 20 mars à la Boule Noire
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