Destins liés, le second album de S-Crew s'est vendu autant en première semaine que son 1er album sur toute la durée de son exploitation. C’est l’effet Feu, du nom du solo de Nekfeu, qui a permis au talentueux rappeur de 1995, L’Entourage et, donc, S-Crew, de se faire connaître bien au-delà du cercle des amateurs de rap français. Revue de détail de la dernière œuvre du collectif.
Ce Destins liés contient de quoi satisfaire les fans tout en se gardant quelques cartouches pour le grand public. Déjà entendu en fin du générique de Creed, le film avec Sylvester "Rocky" Stallone, Jusqu’au bout est l’archétype du morceau efficace, avec un refrain scandé qui reste gravé dans le crâne. Les titres Fausse note et son cri de guerre formaté pour déclencher le chaos durant les concerts, ou Démarre et sa fausse nonchalance sont autant de possibles singles qui parsèment ce disque intégralement produit par Hugz Hefner, à l’exception de Démarre, dont le son est signé Kezo.
La grosse voix de Mekra est immédiatement repérable ("Reste dans ta tristesse, j’reste dans mon égoïsme" et "Je vois tout ce qu’il se passe, je ne suis pas Daredevil" dans Sereins) mais tout au long des 16 plages, Nekfeu reste le plus inventif et le plus versatile des quatre MCs, plaçant des refrains d’apparence matérialistes comme celui de Sereins, conclu par un lancinant "ayayayaille" qui tourne en boucle.
Tel David Bowie dans son éphémère groupe Tin Machine, Nekfeu refuse le statut de leader et essaie de rester un artiste comme les autres au sein du Crew, mais il a toujours une longueur d’avance.
Pour autant, on trouve une unité de ton dans ce second album assez soigné, mais un peu trop long. C’est un grand classique du rap français : on charge les sillons (plus d’une heure ici pour 16 titres, sans compter le morceau bonus Labo offert à ceux qui ont précommandé l’album sur iTunes).
Le deuxième single On va le faire, variation sur l’absence d’inspiration, la flemme et le passage du temps, semblait être un hit évident, et a contribué à faire de Destins liés, la deuxième meilleure vente de l’année après l’Anarchie de SCH. Précision aux cinéphiles : "Bresson" n’est pas un hommage à l’austère cinéaste Robert Bresson mais juste le verlan de "Sombre". Car sur l’album de S-Crew, pas ou peu de références littéraires et culturelles comme sur Feu, mais plutôt des textes carrés racontant un monde parallèle, celui d’une jeunesse entre la rue et le biz (2Zer dans L’Art et la manière : "Je squattais les bancs de gardav’/ Tu squattais les bancs de la fac"). On notera une référence à Marion Maréchal-Le Pen sur Démarre, qui sans en faire un morceau politique ajoute une petite touche anti-FN sympathique.
"Pas de meilleure toiture que le firmament" : c’est la façon qu’a le Crew de tutoyer les étoiles. Une nouvelle tournée prévue à la rentrée 2016 permettra de constater si le groupe en live est à la hauteur de ce qu’il propose sur disque.
S-Crew Destins liés (Polydor/Universal Music) 2016