Rapattitude

<i>Rapattitude</i>
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Une anthologie de trois disques accompagnés d’un livre sur l’histoire du hip-hop en France : la compilation Rapattitude replonge avec bonheur aux sources du rap hexagonal.

"Je ne suis pas un leader/simplement le haut-parleur/D’une génération révoltée/Prête à tout ébranler" : dans son Monde de Demain (1991), le Suprême NTM donne le La d’une révolution musicale, qui allait dynamiter l’hexagone.

Back in the 90’s : le hip-hop en France fait ses premiers pas… Sur les platines, une nouvelle société scratche, étrenne sa poésie du béton, clame ses rêves sous le tournis de ses mots, l’énergie de ses breaks. A la suite de Dee Nasty, père fondateur du rap français au début des années 80, toute une armée de MCs débarque, de Paris à Mars(eille), pour repeindre leur cité aux couleurs de la Zulu Nation, soul et funk au poing, "peace, love, unity and having fun", pour devise.

 

Surtout, la compilation Rapattitude, dont le premier volume sort en 1990 sur Delabel (Virgin) cimente le mouvement, donne corps au collectif, divulgue le visage de ses héros : ils se nomment Assassin, NTM, Les Little, IAM, Ministère A.M.E.R., Doc Gyneco, Booba, Lunatic, 113, La Cliqua… A coup de beats et de rimes, ils déversent dans leur micro leurs rages, convoquent l’espoir, chamboulent le son… Aujourd’hui, EMI sort une anthologie Rapattitude en trois CDs, accompagnés d’un livre luxueux, signé Olivier Cachin sur l’histoire du rap hexagonal, illustré des photos d’Alain Garnier.

Quel plaisir, alors, de réécouter ces archives, de plonger toutes oreilles ouvertes dans cet âge d’or du rap français, cette musique "boycottée par les radios, cotée par les Négros, écoutée par les Renseignements Généraux" (Ministère A.M.E.R.). De 1984 à 2003, de DeeNasty à Mafia K’1 Fry, cette épopée chronologique voit évoluer le son sur des messages restés intacts.
 
On redécouvre ainsi l’énergie de NTM et d’IAM, inaltérable, les tubes effacés de nos mémoires, mais que l’on fredonne dès les premières mesures (Peuple du Monde de Tonton David, Viens voir le docteur de Doc Gyneco, Je danse le MIA d’IAM)… Il y a les titres old-school, et ceux toujours neufs, du rap hard-core, du ragga, du reggae… En trois CDs, émerge alors le visage d’une époque, une grande fresque sociologique, qui lève le voile sur les aspirations et les colères d’une génération.
 
L’anthologie prend fin au début des années 2000. A cette époque, paraît-il, le rap s’est déjà fourvoyé avec l’argent, exhibe ses paillettes et ses dollars, troque son âme d’enfant contre l’appel du commerce. "Le rap, c’était mieux avant" ? Assénée dès le début du mouvement, cette idée sert surtout à garder le cap : ne jamais baisser la garde, viser le futur, se renouveler pour exprimer l’urgence, une énergie brûlante… Voici ce dont témoigne cette anthologie, trois disques précieux et généreux, qui donnent envie de croire la révolte toujours possible, et positive. 
 
Compilation Rapattitude (EMI) 2012