Les femmes au secours du reggae?

Les femmes au secours du reggae?
LMK, Mo'Kalamity, Mounia. © DR

Quelque chose pourrait bien être en train de changer sur la scène reggae, et cela concerne aussi bien la Jamaïque que la France ou les autres territoires conquis par la musique de Bob Marley. Si elles restent encore très largement minoritaires dans un milieu masculin, les chanteuses se font plus visibles et n’entendent pas se limiter à de la figuration. Simple trompe-l’œil ou véritable phénomène ?

"Il y a très peu de femmes qui chantent le reggae. On pourrait croire qu'il est destiné aux hommes, mais pas du tout !" tient à préciser Mounia. Ce 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, la chanteuse martiniquaise va présenter son nouvel album Reggae Afro Carribean Groove au ministère des Outre-mer, à Paris. Et elle compte bien se saisir de l’opportunité pour montrer non seulement que ce genre musical peut être "chanté élégamment, sympathiquement" par une voix féminine, mais qu’il est aussi, à ses yeux, le moyen le plus approprié pour "faire ressentir et exprimer certaines émotions qui sont difficiles à émettre".

Celle qui fut l’un des mannequins vedettes du couturier français Yves Saint-Laurent, dans les années 80, pense en particulier à "ceux qui croient que leur vie est gâchée, alors qu’il y a un espoir : au bout du couloir, brille toujours une petite lumière". Aider les enfants défavorisés est devenu sa "devise", et d’ailleurs une partie des recettes réalisées par les ventes de son CD sera reversée à l’orphelinat-école Étoile de Mounia, en Haïti, dont s’occupe l’association humanitaire qu’elle a montée et pour laquelle elle multiplie les actions de charité.

Si elle est une des rares, aux Antilles, à conjuguer le reggae au féminin, encouragée par le chanteur dominicain Jeff Joseph disparu en 2011 à qui cet album est dédié et dont elle a partagé la vie, en Jamaïque, une nouvelle génération de chanteuses s’est petit à petit, imposée sur le devant de la scène au cours des dernières années.

Féminisation en Jamaïque et en Europe

Avec un style musical, un discours et une attitude en rupture avec le rôle et l’image façonnés depuis plusieurs décennies dans les studios de Kingston : après avoir été "chosifiées" par les mêmes clichés véhiculés par le rap -et pour un résultat très similaire –, elles sont quelques-unes sur l’île de Bob Marley, comme la trentenaire Etana, à prôner certaines valeurs, y compris sur le plan spirituel ou religieux, mais surtout en prenant la défense des femmes, demandant à être respectées et rappelant aux intéressées qu’elles doivent se respecter elles-mêmes.

Ce féminisme, ou tout au moins cette féminisation, ne laisse pas la scène reggae européenne sans réaction, bien que le contexte sociétal y soit très différent. Là aussi, de jeunes chanteuses modifient la donne, créent des liens avec celles qui font un peu office de modèle de l’autre côté de l’Atlantique, à l’image de Jah9, une des figures de ce mouvement qui a pris le nom de Reggae Revival en Jamaïque, invitée à partager le micro sur l’album de l’Allemande aux racines portoricaines, Sara Lugo.

Mo'Kalamity et LMK

Hyperactive, la Britannique d’origine indienne Soom T s’est fait entendre sur les récents albums des Français Tom Fire, Naâman et Manudigital, avec son flow entre ragga et rap, tandis que sa compatriote Hollie Cook (fille de Paul Cook, batteur de l’emblématique groupe punk Sex Pistols) enchaîne les projets roots.

En France, Mo'Kalamity tire les bénéfices du travail et des progrès accomplis dont témoigne son troisième album Freedom of The Soul, paru en 2013, qu’elle continue à défendre sur les scènes hexagonales et qui lui a permis de passer souvent les frontières, allant jouer en Bulgarie, en Allemagne, en Angleterre et bientôt en Côte d’Ivoire.

Pour le prochain, la grande Monica, arrivée à Paris à l’âge de 6 ans en provenance du Cap-Vert, aimerait bien aller "sentir" cette Jamaïque qu’elle ne connait pas et qui reste une "influence majeure", avec ces références féminines : le trio des I-Threes (Judy Mowatt, Marcia Griffiths et Rita Marley) pour leurs harmonies dans la musique de Bob Marley & The Wailers, et Hortense Ellis, interprète de quelques classiques de la musique jamaïcaine dans les années 60 et 70.

C’est à travers des chansons d’une tout autre époque que LMK, chanteuse-toasteuse d’à peine plus de vingt ans, découvre le reggae : celles de Damian Marley, de l’Italien Alborosie, de l’Américain Collie Buddz. Eve-Line, son prénom à l’état civil, vient d’entrer au lycée quand elle est emportée par ces sonorités, très éloignées de l’univers classique dans lequel la jeune fille évolue depuis près d’une décennie en jouant de la harpe au conservatoire.

À Annecy, puis à Lyon, elle fait ses armes dans le milieu des sound systems et se met rapidement à être sollicitée par des beatmakers, à l’exemple de l’inventif Bruno "Patchworks" Hovart, pour son projet dénommé Taggy Matcher. Avec Musical Garden son premier album paru fin 2015, elle leur rend la politesse et confirme que la catégorie "espoirs du reggae", dans laquelle on a pris l’habitude de ranger Naâman et Biga Ranx, n’est pas ouverte qu’aux hommes.

Mounia Reggae Afro Carribean Groove (Mounstarlite Orosemane) 2016
LMK Musical Gardens (Soulbeats Records) 2015
Mo'Kalamity Freedom of The Soul (Sofia Label) 2013

Mo'kalamity en concert le 14 avril et LMK le 10 mars au Divan du Monde à Paris.

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