Richard Desjardins, l’insoumis

Richard Desjardins, l’insoumis
© g. dutil

Légende vivante de la chanson au Québec, Richard Desjardins, interprète de Tu m’aimes-tu et de Quand j’aime une fois, j’aime pour toujours vient de sortir L’Existoire chez nos cousins d’outre-Atlantique. L’album y est déjà Disque d’or. En attendant sa sortie prochaine en France, l'artiste vient le chanter le 2 juillet à Paris, puis en province. Rencontre avec un trublion engagé jusqu’au bout de la plume.

RFI Musique : Au Québec, vous êtes comparable à un Léo Ferré. Pourquoi êtes-vous si peu connu en France ?
Richard Desjardins : Je l’ai été raisonnablement dans les années 1990 ! J’avais un tourneur plus connu que moi, Gérard Coullier (Johnny Hallyday, Bernard Lavilliers… ndlr), je faisais pas mal de spectacles. Mais en France, si tu veux percer, il faut demeurer sur place, ce que je n’ai pas voulu faire. J’ai aussi un accent très fort pour les auditeurs français, qui ne comprennent pas toujours mes paroles ! Mais je sais toujours m’organiser pour que le message passe et en général, ceux qui viennent me voir une première fois reviennent.

Vos disques ne sont pas distribués en France, cela n’aide pas non plus…
En 2005, une maison de disques française s’était portée acquéreur de tout mon catalogue et de l’album que je venais de sortir, Kanasuta. J’avais donné un concert à l’Olympia qui avait remporté un très bon succès. Mais pas l’album, qui ne s’était pas vendu à la hauteur des espérances du label, qui a neutralisé la distribution de tous mes autres disques… Mais c’est en train de changer, mon nouvel album devrait sortir ici bientôt.

Ce nouvel opus s’intitule L’Existoire. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Je ne sais pas encore ! Je n’avais pas de titre, je ne voulais pas avoir ma photo sur la pochette, alors j’ai étalé tous les textes de l’album sur la table et j’ai trouvé ce mot spécial. Chacun y entend ce qu’il veut. Moi, il me fait penser à existence, histoire, territoire, ex… On craignait que le mot rebute mais non : l’album est Disque d’or avec 40.000 copies vendues au Québec, qui compte six fois moins d’habitants que la France !
 
Vous y chantez beaucoup en joual, une langue qui vous est chère…
Elle résulte de notre histoire au Québec, de notre solitude, de notre contact avec le froid, le français, l’anglais, la manière de parler amérindienne… C’est une espèce de créole nordique français parlé qui m’arrange bien : il double mes possibilités de rimes !
Vous êtes reconnu pour votre poésie, souvent unique et surprenante. Quels sont vos secrets d’écriture ?
Je viens d’une petite ville située à 600 kilomètres au nord de Montréal, Rouyn Noranda. Une ville de mineurs et de fondeurs où j’ai grandi entouré de travailleurs polonais, ukrainiens, anglais, italiens… Dans ma rue, ceux qui parlaient français étaient minoritaires. Très jeune, j’ai donc été baigné dans toutes sortes de musiques linguistiques. Mon père était un bon conteur, ma famille une bande de rigolos, mes amis aimaient la littérature et la poésie... J’ai commencé à écrire tard, vers 25 ans, et depuis, je passe toujours beaucoup de temps sur mes textes. J’aime les contrastes, les oxymores, il faut que ça percute ! Avant de m’y mettre, je m’efforce de trouver un point de vue non-orthodoxe, un sentiment inexploré ou pas comme d’habitude. Par exemple Tu m’aimes-tu (son tube de l’année 1990, ndlr) parle de ces hommes étonnés d’être aimés par leur femme et qui se pincent tous les jours pour y croire. Personne n’avait encore pensé une déclaration d’amour ainsi.
 
En parlant de point de vue, vous adoptez sur la chanson Développement durable, le point de vue d’un anti-écolo, vous qui vous battez contre la déforestation depuis des années !
C’est la même logique ! J’engueule un écolo en me mettant du côté de ces têtes brûlées que je combats avec mon association l’Action Boréale. Je parle de ces utilisateurs de forêt incapables d’y marcher sans être motorisés, de ces braconniers qui ruinent les aires protégées que nous mettons en place, pour chasser les élans et les orignaux. Parfois je la chante alors que ce genre de types se trouvent dans la salle : ça rit, mais jaune !
 
Le titre Elsie évoque la situation des Inuits…
Je l’ai écrite pour la chanteuse Inuk Elisapie Isaac. J’y raconte l’histoire des filles de ces villages très reculés de 300 âmes, d’où il est difficile de prendre le large, où les relations sociales peuvent vite mal fermenter, où les hommes, qui ne sont plus chasseurs, perdent leurs repères... Alors les jeunes femmes se délivrent bien souvent en épousant un blanc, pour partir. J’ai enseigné un an la musique dans un village Inuit, alors je sais un peu comment ça se passe.
Allez-vous interpréter tout ce nouvel album lors de vos concerts français ?
Non, car je serai seul en scène avec ma guitare et certains titres country ou blues nécessitent un big band. Je tourne beaucoup comme ça au Québec, ça me permet d’aller jouer chez les Indiens, les Inuits, dans des bleds perdus magnifiques… J’aime occuper le centre d’une salle, ne pas être assis dans un coin derrière mon piano. Je rigole beaucoup avec mon public, je vais me payer quelques têtes de politiques comme Nicolas Sarkozy ou l’équipe du PS, plus occupée à des querelles de personnalités qu’à présenter son programme pour l'élection présidentielle !
 
Richard Desjardins L’Existoire (Foukinic) 2011

En concert le 2 juillet 2011 aux Bouffes du Nord, à Paris puis le 9 juillet à Albi et le 4 août à Barjac.

Site de Richard Desjardins