Autrefois réservé à l’industrie musicale, le festival M pour Montréal a poursuivi son impressionnante expansion en cette neuvième édition qui vient tout juste de se conclure. Du 19 au 22 novembre, quatre jours de belles découvertes en tous genres, qui laissaient encore plus de place à la musique francophone qu’auparavant.
C’est sous un froid glacial, dans un Plateau-Mont-Royal enrobé de la première neige de l’année, qu'ont été lancées les festivités de M pour Montréal mercredi dernier. Les Montréalais étaient nombreux à avoir répondu à l’appel de la mythique scène de la Sala Rossa, qui présentait une soirée pop indé.
Même si les artistes étaient tous plus excentriques les uns que les autres, seules les chansons inventives de Tei Shi ont su faire leur marque. Désormais établie à Brooklyn après avoir vécu un peu partout en Amérique, la charismatique chanteuse Valérie Teicher a livré une courte prestation portée par sa voix structurante, qu’elle enregistre live, rejoue et superpose par jolies couches. Le résultat minimaliste, aérien et futuriste était un excellent début pour cette neuvième édition.
Un doublé Québec/Acadie réussi
Le jeudi, c’était au tour de Canailles et de Lisa Leblanc d’animer une belle fête au Club Soda. Tant le groupe que la chanteuse méritent un succès grandissant au Québec ces dernières années, et c’était une excellente idée de les programmer sur le même plateau.
Alors que Canailles a continué à délivrer de façon de plus en plus maîtrisée ses habituels morceaux folk-bluegrass-trash, l’Acadienne Lisa Leblanc a présenté non seulement les chansons folk-rock que ses fans connaissent par cœur, mais aussi des nouveautés de son récent mini-album en anglais, Highways, Heartaches and Time Well Wasted.
Leblanc aurait même livré au banjo une reprise de Motörhead qui a bien fait rigoler ses fans, mais nous avions déjà traversé la rue vers le Café Cléopâtre, cet étrange cabaret de danseuses nues qui loue son second étage pour des événements culturels plus marginaux.
De cette vitrine à dominante rock des plus éclectiques, nous retiendrons la formation canadienne Weaves, qui a complètement volé la vedette avec son inimitable chanteuse Jasmyn Burke et son interprétation musicale solide et variée, qui va du surf-rock à la pop, avec parfois quelques détours r'n'b.
Fête hip hop à la Société des arts technologiques
Le lendemain, dans une salle comble, les membres de The Posterz ont inauguré une énergisante et chaotique soirée, célébrant le hip hop local. Appuyés d’un batteur, les deux rappeurs et le producteur musical ont fait preuve d’une belle efficacité qui leur manquait pourtant quand on les avait aperçus la veille au Café Cléopâtre. Vendredi à la S.A.T., ils semblaient vraiment se nourrir de l’énergie du public, qui en redemandait. Un peu moins généreux ont toutefois été Loud Lary Ajust, avec une prestation bien reçue, mais beaucoup trop courte. Forts du lancement récent de Blue Volvo, et portés par un succès grandissant à Montréal, on aurait espéré mieux.
Qu’à cela ne tienne, puisque Dead Obies (aussi présents l’an dernier) ont bien su reprendre le flambeau avec leur spectacle Montréal $ud étoffé, toujours délirant et bien accueilli par une foule joyeuse – et de plus en plus hors de contrôle ! C’était juste avant l’arrivée de BadBadNotGood, de jeunes virtuoses de Toronto ayant séché les cours de jazz pour créer ensemble des versions instrumentales de tubes rap et des compositions originales. Aussitôt la dernière note posée, plusieurs ont quitté les lieux pour se rendre à un afterparty non officiel où plusieurs DJs se succédaient. Y compris "l’invité mystère" tant attendu, Win Butler d’Arcade Fire, qui a donné à la fête nocturne une trame sonore antillaise.
Vitrine franco du samedi après-midi
Chaque année, M pour Montréal regroupe au Café Campus des artistes francophones pour les présenter aux labels et diffuseurs potentiels. Il faut souligner que cet exercice (toujours hétérogène) semble parfois être une épreuve pour les groupes, dépourvus de leur public habituel et se produisant dans un contexte diurne peu idéal. Parmi les six projets en vitrine, trois ont toutefois relevé le défi avec brio cette année.
Nouveau venu sur la scène montréalaise, Bernhari livre un rock orchestral puissant, sombre et atmosphérique, qui s’est notamment fait remarquer en première partie des spectacles de Fontarabie. Le quatuor est mené par un chanteur-batteur-claviériste efficace qui impressionne en live. À surveiller de près en 2015, le groupe a démontré sa puissance lors des chansons plus musclées comme dans les passages plus intimistes.
Seconde révélation : Eman x Vlooper, nouveau duo formé par des membres du populaire collectif Alaclair Ensemble. Avec une complicité musicale visible, le rappeur et le producteur proposent un hip hop maîtrisé qui prend des couleurs soul avec la jolie voix de leur invitée Modlee (chantant en anglais). On aime les rythmes innovateurs et bien dosés de Vlooper (qui officie aussi en solo ou avec Modlee), sur lesquelles s’appuie le phrasé agile et expérimenté d’Eman, qui fait sa marque depuis plus de 15 ans.
Puis, une confirmation : Klô Pelgag, qui est montée sur scène plus assurée que jamais, avec son batteur et sa section de cordes. Tant l’excentrique musicienne-chanteuse que les compositions pop orchestrales soignées de L’alchimie des monstres nous ont paru avoir acquis de la maturité au cours de cette dernière année de tournée. Avec tous les trophées remportés récemment à l’ADISQ, 2014 était décidément une grosse année pour cette artiste avec une extraordinaire présence sur scène. Bonne nouvelle : son spectacle sera de retour en France à compter du mois de janvier.