dEUS, le bruit et la douceur

dEUS, le bruit et la douceur
© olaf heine

dEUS continue de jouer les explorateurs. Mais après presque vingt ans d’une carrière éclatée, que pouvait trouver "le" groupe de rock belge des années 90 ? Un équilibre, peut-être, un rythme apaisé, sans doute, mais aussi quelques facilités qui font malgré tout de Keep you close, un bon dEUS. Tom Barman parle avec un franc parlé et une autodérision réjouissants de ce sixième album.

RFI Musique : À quoi ressemble le jardin intérieur de dEUS ?
Tom Barman : Oh, je ne sais pas. Chez dEUS, il y a très peu de nature, en fait. Il n’y a que des rues, du bruit, des bars, et puis des vieilles Peugeot des années septante (rires).

C’est de là qu’est issue votre musique. Comment fait-on pour se remettre au travail quand on a écrit des disques comme Worst Case Scenario (1993) ou The Ideal Crash (1999), considérés comme des albums cultes du rock indépendant des années 1990 ?

Au moment où on fait un disque, on a peut-être en tête l’album précédent, mais le reste, ce n’est plus notre souci, cela appartient au passé. Bien sûr, on a un bagage et le bagage peut être lourd à porter. Le truc, c’est quand même d’essayer d’éviter cela, de garder comme on le dit en football, un œil sur le ballon. Moi, quand je fais quelque chose, il n’y a que ça qui compte, je me vide complètement, c’est comme si je perdais 20 kilos. Si tu ne fais pas ça, alors, qu’est-ce que tu fais ? Tu te répètes et tu es un cynique.

Pour dEUS, il n’y a donc pas une seule et même manière d’écrire des chansons. Comment Keep you close s’est-il construit ?

Depuis nos débuts, le parcours a été chaotique (rires) mais cette fois-ci, je m’étais dit : "Le prochain album, on le fera tous ensemble." On a donc commencé à jouer à cinq immédiatement après la dernière tournée. C’est une méthode qui prend du temps, il faut aussi avoir un studio à sa disposition car il y a des semaines où rien ne vient. Mais c’était important de faire ça ensemble : je le vois comme un acte de consolidation puisque nous avons la même formation depuis sept ans maintenant.

De ce fait, votre rôle de leader et de songwriter de dEUS a changé ?
Comme je le disais au groupe il y a quelques semaines : "La prochaine fois, je ne veux plus avoir à écrire un morceau de dEUS." (rires)  Les premiers mois, je n’ai fait qu’écouter. De temps en temps, je passais un peu dans le studio, je jouais de la guitare, je cherchais surtout des mélodies pour chanter, c’est comme cela qu’au fur et à mesure, on a commencé à construire des morceaux. Ce disque est dense, il y a neuf chansons, quarante-trois minutes de musique, mais nous avions beaucoup plus de titres : nous avons choisi ce qui est le plus typique du dEUS que l’on connaît actuellement, le reste sortira en EP et sous d’autres formats. Cet été, on a testé l’album dans les festivals et on a remarqué que ces chansons passent bien en live.

L’album est pourtant assez orchestré...
C’est vrai, on a choisi de baisser le volume et on a eu une approche plus analogique. C’est peut-être moins bien pour passer en radio, mais on voulait quelque chose de plus chaud, de plus doux. Quand tu fais un album, c’est très proche de ta vie, c’est une réaction immédiate à ce qui s’y passe.

La place de la voix, n’est plus tout à fait la même non plus. Vous avez mis beaucoup de chœurs et on a le sentiment que votre voix est plus travaillée…
Ben oui, je suis un grand fan de chœurs, j’ai appris cela de mes disques préférés de jazz, ceux de Max Roach, de Donald Byrd, de Charlie Parker. J’adore les mélodies très simples chantées par six, sept, huit personnes. Quant à mon chant, j’espère qu’il a changé. Comme ce n’est pas un disque facile à chanter, je vais prendre des leçons de chant pour la première fois de ma carrière. Vu que je fume toujours, que j’aime bien boire une bière, je dois commencer à faire gaffe… Cela dit, je ne sais pas si c’est comme cela pour les autres chanteurs, mais moi, j’ai un rapport étrange avec ma voix : je ne me sens jamais en sécurité avec elle.

Revenons au bruit. Vous continuez à suivre la scène rock d’Anvers ?
Non, ça, c’est fini depuis longtemps. Le bar du Cartoon (ndlr : salle rock anversoise dont Tom Barman était programmateur) où il y avait toute cette scène vibrante des années nonante a implosé en 2000. Maintenant, tout est régulé, régularisé, c’est de la merde. Tous les petits bars sympas ont fermé parce qu’ils ont eu des problèmes avec les voisins et les flics. Un peu partout en Europe, ils sont en train de détruire les centres villes par trop de règlements. Pour revenir à Anvers : je ne suis plus du tout la nouvelle génération, qui est plus rave et électro car je suis tout le temps en tournée ou en studio, je partage mon temps entre la Belgique et le Portugal.

Et si l’on devait résumer Keep you close ?
Regardez la pochette. Elle dit tout sans mots.

dEUS Keep you close (Pias) 2011

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