Bab El West, rencontre endiablée entre Maroc et Bretagne

Le groupe Bab El West. © Pierrick Guidou

Entre folk, soul et pop arabe, le groupe franco-marocain Bab El West ("la porte de l’Ouest") livre un premier album à l’énergie communicative : Douar. Calibrés pour donner du baume au cœur, les dix titres s’enracinent dans les montagnes de l’Atlas, au Maroc… et sur la Côte de granit rose, en Bretagne. Rencontre avec trois des musiciens du groupe : Habib Farroukh, parolier, guitariste et chanteur, Clément Vallin, bassiste, et Marc Dupont, batteur.

RFI Musique : "Douar", que vous avez choisi comme titre de l’album, est un mot particulier, puisqu’il existe à la fois en breton et en berbère. Quelle est sa signification ?
Habib Farroukh : Douar s’est imposé de lui-même comme titre du disque parce qu’effectivement, le mot veut dire à peu près la même chose en arabe, en berbère et en breton. "Douar" désigne la terre, un vieux village.
Clément Vallin : Pour l’anecdote, on jouait en Bretagne, comme tous les étés depuis quatre ans, et sur le bord d’une route, Habib voit un panneau avec l’inscription "Douarnenez" [ville du Finistère à l’ouest de la Bretagne, NDLR]. Il nous dit : "Tiens, c’est bizarre, c’est un mot arabe !" On lui a expliqué, il a cogité et Douar est devenu le titre de l’album.

La Terre, la nature, ce sont des thèmes qui reviennent souvent dans cet album…  
HF : On parle de tout ce qui donne la vie : la terre, les arbres, la nature, les femmes (rires)…

… Et d’une femme en particulier : dans Touria, vous rendez hommage à Touria Chaoui, une héroïne marocaine au destin tragique !
HF : Touria Chaoui vivait dans le Maroc des années 40-50. Elle a été assassinée à 19 ans par les bras armés d’une société misogyne qui lui a coupé les ailes, à elle, la première femme pilote de ligne de l’histoire marocaine. On a ressenti une injustice, que l’on veut réparer avec cette chanson.

Entre le Maroc au nord-ouest de l’Afrique, et la Bretagne dans l’ouest de la France, quels sont les points communs, musicalement ?
HF : Côté instruments, pour commencer, il y a de nombreux points communs : la bombarde, par exemple. On retrouve des flûtes dans l’Atlas, chez les Berbères également. Mais ce qui relie les deux peuples, pour moi, c’est le chant. Les Bretons chantent la mer, la nature et ça, on le retrouve aussi dans les chants berbères et amazighs de l’Atlas. Et puis, on sait que les Bretons sont de grands voyageurs… Et ça ne m’étonnerait pas d’apprendre qu’il y a longtemps, il y avait une ligne maritime directe entre le Maroc et l’ouest de la France !

À côté de la basse, de la guitare, de la batterie et des claviers, Bab El West intègre un instrument très étrange, le qanun, dont joue Nidhal Jaoua. Comment décririez-vous cet instrument ?
Marc Dupont : Le qanun est l’ancêtre du clavecin. C’est une sorte de harpe posée à plat, une cithare orientale à 78 cordes. On peut jouer des huitièmes de ton. Le qanun est riche en nuances. C’est un instrument très sensible qui a une tradition millénaire puisqu’il date du VIIIe siècle. Le qanun est presque sacré dans la musique arabe traditionnelle. Nidal le détourne… tout en respectant la tradition. Son qanun est électrifié, il peut ajouter des effets… C’est toujours un plaisir de l’entendre jouer.

Le groupe Bab El West a écumé les cafés-concerts et les bars en Bretagne. Est-ce là que vous avez acquis cette capacité à faire danser les gens ?
CV : C’est venu naturellement. On cherche presque à développer une sorte de transe. Dans ces cafés, on est en communion avec le public, il n’y a pas de limite. Les gens viennent sur scène, prennent les percussions, ça nous remplit de joie.
MD : Dans certains bars, le public fait encore plus de bruit que nous ! On l’invite à chanter, à danser. Les concerts peuvent durer 3 ou 4 heures, contrairement à d’autres scènes où nous sommes limités dans le temps.

La transe, c’est aussi ce qui relie les cultures berbères et bretonnes ?
HF : Personnellement, j’ai grandi avec le souvenir d’un père qui profitait de chaque évènement dans le village, mariage ou naissance, pour enregistrer les musiques et les danses. J’ai grandi avec des femmes et des hommes qui dansaient en cercle… et j’ai retrouvé ça chez les Bretons. Alors quand on joue sur scène avec les gars, on a besoin de retranscrire cette ambiance et de voir les gens danser !

Bab El West Douar (Big Banana Musique / In Ouïe Distribution) 2017 

Site officiel de Bab El West
Page Facebook de Bab El West
Bab El West en concert au Centre Fleury Goutte d’Or – Barbara, 1 rue de Fleury, 75018 Paris, le 18 mai 2017 à 20h30