Dani
Fille de commerçants, Danièle Graule voit le jour à Castres dans le Tarn, le 1er octobre 1944. A Perpignan, où ses parents sont installés, la jeune fille fréquente les Beaux-Arts. Pourtant, sa véritable vocation semble découler naturellement d’une révélation qu’elle eut à l’âge de dix ans, le jour où elle écouta une chanson d’Elvis Presley…
Comme tant de provinciales en quête de sensations, Danièle monte à Paris tenter sa chance en 1963. Sa silhouette élancée, androgyne, son élégance et sa sensibilité, séduisent vite les noctambules du Tout-Paris. Le diminutif de son prénom est adopté par les gens de la nuit. Dani pose bientôt pour les plus grands photographes: Helmut Newton, Jean-Loup Sieff ou Richard Avedon, qui en font un des mannequins-phares des années soixante.
En 1966, paraît son premier 45 tours, mais c’est deux ans plus tard avec "Papa vient d’épouser la bonne", que Dani connaît le plus grand succès de sa carrière : plus d’un million d’exemplaires vendus en 1968, un chiffre considérable à l’époque. Sur la lancée de cette reconnaissance populaire, elle part en tournée avec Claude François et Alain Chamfort.
Reine des nuits parisiennes
En 1970, son premier album obtient le prestigieux Grand Prix de l’Académie Charles-Cros. Elle s’installe pour quatre saisons à l’Alcazar (1970-1974), où elle imprime sa personnalité en tant que meneuse de revue. Chanteuse et comédienne aux multiples facettes, elle incarne aussi bien Mistinguett dans le célèbre cabaret parisien que Madame Sans-Gêne, pour la comédie musicale à succès de l’époque "La Révolution française" (de Alain Boublil et Jean-Max Rivière sur une musique de Claude-Michel Schönberg et Raymond Jeannot).
Le concours Eurovision de la chanson ne porte pas chance à Dani. Sélectionnée en 1974 pour interpréter "La vie à 25 ans", elle doit renoncer à porter les couleurs tricolores. La France, en deuil après la disparition du président Georges Pompidou, se retire de la compétition. L’année suivante, Serge Gainsbourg lui écrit "Comme un boomerang" et cette fois-ci, c’est le jury français qui trouve la chanson déplacée, trop osée. Il faudra attendre un quart de siècle pour qu’Étienne Daho exhume ce dernier titre pour un duo inattendu aussitôt plébiscité par le public.
Dans les années 1970, le physique et la grâce de Dani ne pouvaient qu’attirer les regards des plus grands cinéastes. Si Roger Vadim l’invite sur le plateau de "La ronde" pour son premier rôle, elle doit à François Truffaut une de ses plus belles apparitions à l’écran. Le cinéaste la rencontre dans la rue, l’invite dans ses bureaux tout proches et, séduit, lui offre le rôle de la fiancée de Jean-Pierre Léaud dans "La nuit américaine", un désormais classique du cinéma français, couronné en 1973 par l’Oscar du meilleur film étranger.
Désormais incontournable, Dani, sur les conseils d’Alain Delon, prend la direction d’une discothèque, L’Aventure, haut-lieu de la jet-set. La reine de la nuit côtoie alors les stars mondiales, Mick Jagger, David Bowie et tant d’autres. Une période faste en trompe-l’œil, qui cache le début de la descente aux enfers. L’égérie des nuits parisiennes brûle sa vie par les deux bouts et sombre dans des paradis artificiels destructeurs. Son image se ternit à la fin des années 1970 et la Marianne Faithfull française, comme certains l’ont surnommée, disparaît des scènes parisiennes. C’est dans un univers inattendu que Dani s’épanouira quelques années plus tard.
Au nom de la rose
C’est le retour à l’ombre du jour, l’oubli de la nuit et la traversée du désert pour Dani. Une autre passion lui offre l’occasion de décrocher de la drogue, les fleurs. Elle ouvre le magasin Au nom de la rose, rue de Tournon dans le très chic VIe arrondissement, et fait partager sa passion aux clients qui reconnaissent souvent la chanteuse derrière son nouveau rôle de marchande. En 1987, elle signe un livre-témoignage "Drogue, la galère". Une première tentative de retour sur le devant de la scène a lieu en 1993, avec "N…comme Never again", produit par Jean-Jacques Burnel (The Stranglers), mais l’album passe inaperçu.
Les roses ont des épines et l’aventure tourne court, les dettes fiscales s’accumulent et Dani se retrouve ruinée. Elle s’inscrit au RMI, pour toucher le revenu minimum consenti par l’état aux plus démunis, et se décide à quitter la capitale pour un retour aux sources dans sa région natale.
Les disparitions rapprochées de son père, de sa sœur Jane Renoux, journaliste à l’Humanité et de Benjamin Auger, ancien photographe de Salut les copains et père de ses deux fils, Emmanuel et Julien, ont durement éprouvé Dani. Avec l’énergie qui la caractérise, Dani, désormais grand-mère de trois petits-enfants, refuse de s’abandonner à la dépression. Une rencontre lui permet de rebondir au soir d’une des périodes les plus sombres de son existence.
Retour gagnant avec des booms et des bangs
"Comme un boomerang" annonce l’improbable résurrection de la diva underground. Le duo Dani-Daho s’impose dans les radios et le titre de Serge Gainsbourg est nommé dans la catégorie meilleure chanson de l’année aux Victoires de la musique 2002, une belle revanche pour ce titre jugé subversif autrefois et pour Dani, à nouveau sous les feux de la rampe.
Dès lors, une nouvelle carrière démarre avec la sortie d’une compilation de ses plus grands succès, "Best of Boomerang", écrits autrefois par Jacques Lanzmann ("La Fille à la moto"), Alain Souchon ("Les Sales Mecs"), Francis Lai ("Lady Lune") ou encore Pierre Vassiliu ("La petite qui revient de loin"). Dans cet album du retour, Dani remercie son nouveau mentor Étienne Daho, en reprenant son tout premier tube "Mythomane".
2003 : "Tout dépend du contexte"
Une nouvelle profession de foi pour Dani qui fonctionne à l’instinct et qui s’entoure de nouveaux complices : Christophe Miossec, Daniel Darc, Alain Chamfort, ou encore Philippe Poirier (Kat Onoma). Le cinquième album de sa carrière sort en automne 2003 : "Tout dépend du contexte", du sur mesure, fruit de rencontres et de rendez-vous avec de véritables fans.
Après un passage remarqué dans le cadre du festival des Inrockuptibles, le 7 novembre 2003, et avant une tournée dans l’Hexagone début 2004 (avec deux dates à Paris, les 10 et 11 février, à La Cigale), Dani s’offre un peu de répit dans l’ancien atelier d’artiste qu’elle habite du côté de Pigalle. C’est un automne pas comme les autres pour Dani, mais aussi sur grand écran, puisqu’elle joue aux côtés d’un autre enfant du rock, Jacno, dans le premier film de Claire Doyon "Les Lionceaux".
Elle sort en 2005 "Laissez-moi rire", qu’elle fait réaliser par une pointure de l’électro française, Philippe Verdin, alias Readymade FC. Jacques Duvall et François Bernheim signent les paroles du titre d’ouverture "Laissez-moi rire", lequel a donné son nom à l’album. Le chanteur Cali, Perpignanais comme Dani, lui écrit également des paroles. Il en résulte des textes taillés sur mesure pour la chanteuse, qui les joue à merveille sur un élégant répertoire pop, rock et variété.
2010 : "Le Paris de Dani"
Il faut attendre le 22 mars 2010 pour voir réapparaître Dani avec un album-concept : "Le Paris de Dani". En onze chansons, ce nouveau disque décrit la relation particulière de la chanteuse à la Ville Lumière avec ses foules pressées, ses embouteillages, son calme au petit matin après une nuit blanche, ses monuments… Dani s’est entourée de sa garde rapprochée de musiciens et d’auteurs pour l’enfanter : de Cali à Alain Chamfort en passant par Jacques Duvall, Jean Fauque, Ronnie Bird… Il en résulte un album coloré en mots en sons qui va du rock’n’roll à la folk, à la pop et à la variété.
Dani monte sur la scène parisienne du Réservoir le 3 mai 2010.
En 2012, on la voit dans un film de Pierre Pinaud, "Parlez-moi de vous" et en 2015, dans "Mon roi" de Maïwenn.
2016 : "La nuit ne dure pas"
Il faut attendre 2016 pour retrouver Dani, cette fois avec un livre de souvenirs, "La nuit ne dure pas" (Flammarion). Elle y partage des moments marquants de sa vie et quelques photos. Elle publie au même moment une compilation, du même titre que le livre. Elle en a sélectionné les chansons, issues de ses quatre précédents albums, avec Étienne Daho qui officie en tant que directeur artistique. Sous la houlette de ce dernier, elle réenregistre trois titres : "Étoile et revers", "La vie à 25 ans" et "Vive l’enfance".
À partir de 2018, elle promène ces chansons, ainsi que de nouvelles, en tournée dans toute la France, accompagnée par la guitariste Emily Marsh. Une formule guitare-voix, très rock et épurée, qui convient à merveille à la chanteuse. Le 25 avril 2018, elles se produisent sur la scène du Printemps de Bourges, accompagnées par la comédienne Emmanuelle Seigner lisant des extraits de l’autobiographie de Dani.
Parallèlement, elle tourne aussi pour le cinéma et la télévision : "Carbone" d’Olivier Marchal (2017), "Guy" d’Alex Lutz (2018) ou encore la série TV "Aux animaux la guerre" d’Alain Tasma (2018).
2020 : "Horizons dorés"
En 2019, les chansons rodées durant la tournée donnent lieu à l’enregistrement d’un album, sur les conseils de l’auteur-compositeur Pierre Grillet. "Horizons dorés" paraît en septembre 2020, réalisé par Renaud Letang. On y retrouve d’anciennes compositions et de nouvelles, toutes réarrangées par Emily Marsh. Entre amour et temps qui passe, Dani partage aussi un duo avec JoeyStarr ("Kesta kesta").
Sa tournée démarre dans la foulée avant d’être interrompue par le Covid-19. Elle reprend l’année suivante jusqu’en 2022, avec notamment un passage au Bataclan à Paris le 30 septembre 2021. Toujours accompagnée d’Emily Marsh à la guitare électrique, Dani alterne chansons et extraits de textes de femmes emblématiques comme Françoise Sagan ou Marilyn Monroe.
En 2022, elle prépare un nouvel opus. Alors qu’elle achève le mixage de cet album qu’elle souhaite intituler "Attention départ", elle décède le 18 juillet à l’âge de 77 ans des suites d’un malaise cardiaque dans sa résidence de Tours, où elle s’était installée en 2020 pour se rapprocher de son fils. Elle est inhumée le 26 juillet au cimetière de Saint-Martin de Perpignan, après une cérémonie qui se tient dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.
Juillet 2022