Jane Birkin
C'est parce qu'un des plus brillants musiciens français est tombé amoureux d'elle à la fin des années 1960 que Jane Birkin est devenue l'artiste anglaise la plus aimée des Français. Comédienne et chanteuse d'une extrême sensibilité, Jane Birkin reste la plus troublante interprète de Serge Gainsbourg et berce depuis des décennies la chanson française de sa voix singulière.
Jane Birkin est née à Londres le 14 décembre 1946. Son père, David Birkin, est un aristocrate, commandant dans la Royal Navy. Quant à sa mère, Judy Gamble, elle est une grande comédienne de théâtre, égérie de Noël Coward, connue sous le nom de Judy Campbell. Jane passe une enfance bourgeoise et chaleureuse avec son frère aîné Andrew et sa petite sœur Linda.
Swinging Jane
Dans les années 1960, Londres est en pleine effervescence artistique. C'est dans cette atmosphère que la toute jeune Jane Birkin fait ses débuts de comédienne dans la comédie musicale, "Passion Flower Hotel". Elle fait sa toute première apparition au cinéma dans "The Knack" de Richard Lester en 1965. Mais c'est dans la Palme d'or au Festival de Cannes 67, "Blow Up" de Michelangelo Antonioni, qu'on remarque cette jeune fille maladroite et timide. À cette époque, elle épouse le musicien John Barry, compositeur du célèbre thème de la série des James Bond. Une petite fille, Kate, naît le 8 avril 1967, alors que le couple est déjà au bout de sa relation.
En 1968, de l'autre côté de la Manche, le réalisateur Pierre Grimblat cherche une jeune actrice anglophone pour le film "Slogan" dont le héros est Serge Gainsbourg. Âgé de 40 ans, ce chanteur, compositeur, écrivain et acteur a déjà une longue, riche et tumultueuse carrière derrière lui. A cette époque, il sort d'une brève histoire d'amour avec Brigitte Bardot et révolutionne à lui seul la chanson française. Engagée pour remplacer Marisa Berenson, Jane débarque sur le tournage sans parler un mot de français. Gainsbourg, du haut de son expérience, la malmène un peu. Mais au court d'un dîner en tête à tête chez Maxim's, le Français et l'Anglaise sympathisent à tel point qu'une histoire d'amour, désormais légendaire, naît entre eux.
Je t'aime, moi aussi….
Très friand de sorties nocturnes, Gainsbourg se montre désormais toujours en compagnie de cette jeune Anglaise aux longues jambes. Ils sont le couple en vogue que le Tout-Paris s'arrache. Avant d'être célèbre pour ses talents de comédienne et de chanteuse, Jane Birkin tire sa notoriété de son histoire d'amour avec Gainsbourg.
En 1969, ils tournent ensemble dans deux films très moyens ("les Chemins de Katmandou" et "Cannabis"), mais qui à leurs yeux, ont l'avantage de les réunir. Ils sont inséparables. Puis, Jane part sur la Côte d'Azur tourner dans "La piscine" de Jacques Deray aux côtés d'un autre couple célèbre (quoique dorenavant séparé), Romy Schneider et Alain Delon.
Mais cette année-là, l'événement est discographique. En 1968, Gainsbourg avait écrit pour Brigitte Bardot "Je t'aime, moi non plus", un titre très sulfureux. Mais, l'enregistrement n'était jamais sorti. Un an plus tard, c'est Jane Birkin qui reprend la chanson dans son tout premier album "Jane Birkin Serge Gainsbourg". En fait, Jane chante six titres sur onze, dont le duo de "Je t'aime moi non plus". À sa sortie, ce titre fait scandale. La presse est en émoi, les radios censurent le 45 tours et même le Vatican réagit… Finalement, tout cela apporte une publicité énorme au disque qui se vend à près d'un million d'exemplaires en quelques mois. Un voile érotique plane sur le couple et dans le monde entier, leur histoire d'amour est la cible des journaux.
Vie conjugale
Installé dans l'hôtel particulier de la rue de Verneuil à Paris, le couple entame une période plus paisible après un démarrage en fanfare. La fille de Jane, Kate, vit en grande partie à Paris et Serge l'élève comme son enfant.
En 1970, Jane tourne deux petits rôles dans des productions secondaires. En fin d'année, elle participe à l'album de Gainsbourg "l'Histoire de Melody Nelson" dont l'enregistrement s'achève à Londres fin janvier 1971. On ne l'entend guère chanter, mais elle en est de toute évidence l'inspiratrice. Son visage est sur la pochette de cet album considéré comme un chef-d'oeuvre par beaucoup. Cet album concept est co-écrit et arrangé par Jean-Claude Vannier qui travaillera sur la plupart des disques de la chanteuse jusque dans les années 1990.
Six mois plus tard, le 21 juillet 1971, naît leur fille Charlotte dans une clinique londonienne. À cette époque, la presse commence à annoncer un mariage pour 1972. Effectivement, on parle d'une énorme fête dans la gare de Lyon à Paris qui pour l'occasion serait transformée en une géante salle de bal. Mais Jane décide de renoncer. Elle préfère ne pas se marier et éviter ainsi un raz de marée médiatique envahissant.
Jane fait son cinéma
Jane Birkin ne travaille guère entre 1971 et 1972. Mais 1973 est l'année de son véritable premier album bien sûr entièrement écrit par Gainsbourg. La chanson-titre, "Di Doo Dah" devient un des tubes de la chanteuse et est le seul titre remarquable du disque.
La même année, elle partage l'affiche de "Dom Juan 73" (de Roger Vadim) avec Brigitte Bardot dont c'est l'avant-dernière apparition au cinéma. Jane Birkin est alors considérée comme une comédienne amusante que l'on s'obstine à cantonner dans les rôles de nunuche anglaise. En 1974, les réalisateurs Claude Zidi ("la Moutarde me monte au nez") et Michel Audiard ("Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard") lui offrent des rôles qui la cantonnent dans le même répertoire. En revanche, avec "le Mouton enragé" de Michel Deville, Jane Birkin fait un premier pas dans une filmographie plus grave et plus intéressante.
En 1975, Jane Birkin tourne cinq films ! Outre deux comédies dont "La Course à l'échalote" de Claude Zidi qui remporte un gros succès public, elle apparaît dans le très dramatique "Sept morts sur ordonnance" de Jacques Rouffio.
Mais l'événement cinématographique cette année-là est à nouveau marqué de scandale pour le couple. Serge Gainsbourg tourne son premier film, "Je t'aime moi non plus" et donne à Jane le rôle d'une jeune femme au style très androgyne. Le tournage démarre en septembre 1975 dans le Gard, chaude région du sud de la France. Sur fond d'homosexualité et d'ambiguïté sexuelle, ce film donne lieu à sa sortie en mars 1976 à un effarouchement général. La presse est d'une rare agressivité envers Gainsbourg. Et Jane Birkin n'est pas épargnée. Cependant, certains apprécient dont le réalisateur François Truffaut ou le journaliste Henri Chapier qui écrit dans le Quotidien de Paris : "Dans la carrière tranquille de Jane Birkin, ce film est une bourrasque (…)." Le film fait environ 150 000 entrées à sa sortie, mais est depuis devenu un film-culte qui ne cesse de tourner dans les cinémathèques.
Et Serge la fait chanter
Après "Lolita go home", un album en 1975 co-signé Gainsbourg, Philippe Labro et Jean-Pierre Sabard, Jane retrouve un vrai succès discographique grâce à la bande originale de… "Je t'aime moi non plus". Il ne s'agit pas du duo de 1969, mais de "la Ballade de Johnny Jane", autre petit chef-d'œuvre de Gainsbourg qui mène Jane dans les hit-parades.
En 1977, elle touche un peu à l'écriture via le texte de la chanson "Yesterday Yes a Day" écrite pour la bande originale du film "Madame Claude". L'année suivante, elle retrouve à nouveau le succès grâce à son nouvel album "Ex-fan des sixties". La chanson-titre rentre à son tour dans le large cercle des plus beaux titres que Gainsbourg a écrit pour sa compagne. Sur l'album, on trouve aussi "l'Aquoiboniste", étrange texte qui rend compte du talent d'auteur de Gainsbourg et de son goût du jeu littéraire dont Jane se fait un parfait porte-parole pour la dernière fois avant plusieurs années.
Jane Birkin continue de tourner des comédies et des films commerciaux ("l'Animal" de Claude Zidi avec Jean-Paul Belmondo en 1977, "Mort sur le Nil" de John Guillermin avec Peter Ustinov en 1978).
Changements de cap
À la fin des années 1970, Jane disparaît un peu des écrans et des studios d'enregistrement. Sa vie avec Gainsbourg prend un tour plus difficile depuis que le musicien multiplie les excès. Alcool, sorties nocturnes et provocations médiatiques commencent à rendre l'ambiance tendue au domicile conjugal. Une nuit de 1980, Jane quitte la rue de Verneuil avec ses filles. Elle s'installe pendant deux mois au Hilton, puis après quelques déménagements, elle achète une petite maison du XVIe arrondissement de la capitale. Entourée d'un petit jardin, cette maison restera l'antre de Jane pendant plus de 15 ans. En dépit de cette séparation, le couple reste lié. Jane et Serge sont unis autour de leur fille et se voient fréquemment.
Dès 1980, un autre homme important entre dans la vie de Jane Birkin avec lequel, comme Gainsbourg, elle va vivre et travailler. C'est le réalisateur Jacques Doillon, qui à cette époque, a déjà quelques films à son actif. La rencontre a lieu à l'occasion du tournage de "la Fille prodigue" que Doillon réalise cette année-là. Pour Jane, le rôle qu'il lui offre aux côtés de Michel Piccoli, marque une étape importante dans sa vie de comédienne. Pour la première fois, elle tient à la fois le rôle principal et interprète un personnage tout en souffrances, très loin de l'ingénue naïve des années 1970. Elle révèle ainsi une facette tragique que peu de metteurs en scène avaient mise à jour jusqu'alors.
Jane Birkin devient la compagne de Jacques Doillon et en septembre 1982 naît leur fille, Lou. Jane continue de tourner au moins une fois par an et son choix se porte sur des rôles plus difficiles, plus graves ("la Pirate " de Doillon et "l'Amour par terre" de Jacques Rivette en 1984, "la Femme de ma vie" de Régis Wargnier en 1986). Elle ne disparaît pas pour autant des comédies qui ont fait son succès quelques années plus tôt ("Circulez y'a rien à voir" de Patrice Leconte en 1983, "le Garde du corps" en 1984).
1983 : "Baby alone in Babylone"
En 1983, Jane Birkin retrouve la chanson grâce à Serge Gainsbourg. C'est un événement musical d'autant plus que l'album que Gainsbourg vient de lui écrire ("Baby Alone in Babylone") est considéré par beaucoup comme le plus bel album de Jane. Alors que le musicien est à cette époque sous les feux des projecteurs pour ses provocations auto-destructrices très médiatisées, il écrit pour Jane un album tout en tendresse et en délicatesse. Il joue, comme à son habitude, avec les mots, mais avec un talent sublimé par cette rupture dont il ne s'est pas remis. C'est ainsi que les titres "Baby Lou", "Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve" ou "Les dessous chics" (la chanson préférée de Jane) obtiennent les faveurs du public conquis, voire ému, par ces retrouvailles musicales. Jane remporte pour ce disque son premier disque d'or.
L'album donne lieu aussi à un court-métrage réalisé par Gainsbourg. L'année suivante, l'extrait de l'album "Baby Alone in Babylone" obtient le Grand Prix de l'Académie Charles-Cros.
En 1985, Jane se lance dans une nouvelle expérience : le théâtre. Le metteur en scène Patrice Chéreau la convainc de monter sur les planches du théâtre des Amandiers dans la banlieue parisienne pour interpréter la très classique pièce de Marivaux, "La fausse suivante". C'est une réussite et auprès de son partenaire de "la Fille prodigue", Michel Piccoli, Jane Birkin obtient un vrai succès public.
La même année, c'est sa fille Charlotte, qui fait ses premiers pas au cinéma dans "L'effrontée" de Claude Miller. Ce premier rôle est récompensé puisqu'en mars 1986, entourée de ses parents émus, Charlotte reçoit le césar du meilleur espoir féminin du cinéma français pour l'année 1985. Toujours en 1985, Charlotte tourne aussi dans un film sulfureux signé papa, "Charlotte forever". Cette histoire de père très attaché à sa fille fait bien sûr scandale. C'est également le cas du titre "Lemon Incest" qui sort peu de temps après et est extrait de l'album "Charlotte forever" que Serge écrit à sa fille en 1986.
Jane et son public
Pour Jane, l'année 1987 est riche et variée. Gainsbourg lui écrit un nouvel album, "Lost Song". Les neuf titres de ce 33 tours sont enregistrés à Londres sur des musiques signées bien sûr Gainsbourg. Mais, comme il l'a déjà fait, et en particulier pour Charlotte, Gainsbourg puise son inspiration chez les compositeurs classiques. Après Chopin pour Charlotte, il s'inspire d'un air de l'opéra "Peer Gynt" d'Edvar Grieg pour le titre "Lost song" de Jane.
Cet album mène Jane sur la scène du Bataclan à Paris en mars 1987. Pour la chanteuse, c'est une première. Elle n'a jamais donné de concert depuis ses débuts. Mais en dépit de cette inexpérience, c'est un vrai succès. Le public est séduit et enthousiaste. Servie par une mise en scène sobre et minimale, Jane Birkin offre un récital presque en totalité gainsbourien. Quand elle ne chante pas Gainsbourg, c'est pour aborder un autre poète, Léo Ferré et sa légendaire chanson "Avec le temps". Un mois après le Bataclan, elle participe au festival du Printemps de Bourges en avril. À cette occasion, Gainsbourg la filme sur scène.
Mais 1987 est aussi une année cinéma un peu différente. La cinéaste Agnès Varda consacre deux films à Jane Birkin : "Jane B. par Agnès V" qui est un documentaire, et "Kung-Fu Master" qui évoque une histoire d'amour entre une femme de 40 ans (Jane) et un adolescent joué par le fils de la réalisatrice, Mathieu Demy. Dans ce dernier film, de nombreux éléments autobiographiques interviennent se mêlant à la fiction. Les parents et les filles de Jane dans le film sont joués par ses propres parents et ses propres filles, Charlotte et Lou. Les scènes d'intérieur sont aussi filmées chez la chanteuse.
En 1987, Jane Birkin fait également une apparition dans "Soigne ta droite" Jean-Luc Godard.
1990 : "Amours des feintes"
En 1990, Serge Gainsbourg écrit un nouvel album pour Jane. Leur collaboration musicale est restée intacte et Gainsbourg est plus que jamais inspiré par son ancienne compagne. L'album se nomme "Amours des feintes" et ce seul titre exprime l'état d'esprit de Serge vis-à-vis de Jane. Il signe même la pochette d'un portrait à l'encre de Chine de la chanteuse. L'album est enregistré en février 1990 et sort en septembre.
Cette année-là, Jane Birkin triomphe aussi au théâtre avec le comédien Pierre Dux dans une pièce d'Israel Horovitz, "Quelque part dans cette vie". Enfin, elle tient le premier rôle du film "Daddy Nostalgie" aux côtés de son compatriote Dirk Bogarde.
L'année suivante est très douloureuse pour Jane. En effet, le 2 mars 1991, disparaît Serge Gainsbourg, suivi quelques jours plus tard de David Birkin. Comme il était prévu depuis longtemps, Jane Birkin monte sur la scène du Casino de Paris deux mois plus tard en dépit de son chagrin. L'ombre de Gainsbourg plane fortement sur cette série de concerts dont l'ambiance est à la tristesse.
Engagements humanitaires
En cette année de deuils, Jane Birkin s'investit dans des luttes humanitaires. Très présente depuis quelques années dans les manifestations antiracistes qui sillonnent régulièrement les rues de la capitale française, elle prend la caméra pour tourner un court métrage consacré à une jeune femme philippine. Plus d'une trentaine de réalisateurs français font ainsi leur propre court métrage sur un prisonnier politique afin d'alerter l'opinion.
Ce goût de la réalisation la pousse à écrire et à mettre en scène un long métrage pour la télévision en 1992. Interprété par Jacques Perrin et Christine Boisson, "Oh Pardon tu dormais!" raconte une longue conversation nocturne au sein d'un couple en crise.
Jane remonte également sur scène pour une tournée et apparaît entre autres au festival des Francofolies de La Rochelle en juillet 1992. Suite à cette tournée, Jane Birkin disparaît quelque temps de l'actualité. En revanche, sa fille Charlotte devient une jeune actrice en vue. Quant à Kate Barry, sa fille aînée, elle travaille dans la mode et s'occupe de centres de désintoxication pour toxicomanes.
Nouvel investissement humanitaire pour Jane Birkin en 1994 avec la lutte contre le sida. Sur le même principe qu'Amnesty International trois ans plus tôt, une opération nommée "3000 scénarios contre un virus" rassemble de nombreux metteurs en scène qui réalisent chacun un court métrage sur le thème du sida. Pour l'occasion, Jane reprend son rôle de réalisatrice.
Enfin, au printemps 1994, elle part quelque temps en Bosnie alors en pleine guerre. Elle y accompagne une association (Paris-Sarajevo-Europe) dont le but est de soutenir moralement et culturellement les populations par des envois de livres, disques ou matériel informatique par exemple.
Retour à la chanson
En septembre 1994, Jane Birkin monte sur la scène du Savoy à Londres pour un récital unique consacré bien sûr au répertoire de Serge Gainsbourg. Les Anglais réservent un excellent accueil à la chanteuse pour laquelle chanter Gainsbourg en Angleterre est lourd de sens.
Quelques mois plus tard, au début de l'année 1995, Jane Birkin retrouve Londres, mais sur une scène de théâtre. Elle joue quelques semaines la très classique pièce d'Euripide, "Les Troyennes" au National Theatre.
Mais l'événement en 1995 est le nouvel album de Jane Birkin. La totalité des titres est signée Gainsbourg, mais il y a quand même une évolution puisque chaque chanson est réorchestrée par un artiste différent à chaque fois. Ainsi, on trouve les noms du fidèle Jean-Claude Vannier, du percussionniste sénégalais Dudu N'Diaye Rose, du compositeur Goran Bregovic, du DJ Boom Bass et surtout des Négresses Vertes qui signent une version endiablée de "La gadoue", chanson interprétée 30 ans plus tôt par une autre Anglaise, Pétula Clark.
Jane remonte sur scène du 1er au 13 octobre 1996 à l'Olympia à Paris avant d'entamer une tournée de 52 dates à travers la France. En janvier 1997, sort un album live de 26 titres enregistrés à l'Olympia.
Jane retrouve également les plateaux de cinéma en 1995 pour trois films. Mais, elle ne tient un rôle important que dans "Noir comme le souvenir" de Jean-Pierre Mocky.
1998 : "À la légère"
Le 14 septembre 1998, sort l'album "À la légère" dans lequel Jane n'interprète aucune chanson de Gainsbourg. Pour succéder au défunt compositeur, la chanteuse a fait appel à autant d'artistes que de chansons. C'est ainsi que se croisent les noms de Alain Chamfort, Miossec, Alain Souchon et son compagnon d'écriture, Laurent Voulzy, Gérard Manset, Etienne Daho, Françoise Hardy ou Zazie. Le premier extrait qui sort fin août, "Love slow motion", est signé MC Solaar. Mais, il est fort difficile de remplacer le maître Gainsbourg…
L'année suivante, Jane Birkin revient au théâtre en interprétant elle-même sa pièce "Oh ! Pardon tu dormais" avec Thierry Fortineau. Puis en 2000, elle est invitée par le festival de jazz de Montreux à organiser un hommage à Gainsbourg en collaboration avec Philippe Lerichomme. C'est ainsi que le 9 juillet, elle monte sur la scène de l'auditorium Stravinsky de Montreux avec de nombreux artistes dont Jacques Higelin, Alain Chamfort, Arielle, M, Ute Lemper, Miossec ou Salif Keïta, chacun interprétant une ou deux chansons de Serge Gainsbourg.
2002 : "Arabesque"
Outre quelques films ("Ceci est mon corps", "Reine d'un jour"), la chanteuse se donne toujours autant dans les causes humanitaires. Fin 2000, on la voit ainsi parrainer l'annuel Téléthon au profit de la recherche en matière de maladies génétiques. Puis quelques jours plus tard, elle est présente lors d'une soirée qui célèbre les 20 ans de l'abolition de la peine de mort en France. À cette occasion, elle chante quelques chansons de Serge Gainsbourg, accompagnée de musiciens kabyles. Cette performance annonce la série de récitals qu'elle donne en mars 2002 à l'Odéon à Paris au cours desquels le répertoire de Gainsbourg est réhabillé de sonorités orientales. Orchestrés par Djamel Benyelles de Djam & Fam, les concerts donnent lieu un an plus tard à un album live, "Arabesque", qui sort en novembre 2002.
La chanteuse part en tournée dans la foulée en démarrant par Beyrouth les 10 et 11 novembre avant de traverser la Franceà partir de janvier 2003. Une étape parisienne a lieu au Théâtre des Champs-Élysées du 25 février au 1er mars. Puis elle se produit en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Japon et même en Russie et en Ukraine.
L’artiste respecte ses engagements politiques : elle soutient Aung San Suu Kyi, présidente de Ligue nationale pour la démocratie qui lutte contre la dictature du régime militaire birman. Jane invite les visiteurs de son site à signer une pétition pour sa libération et manifeste avec la Fédération Internationale des Droits de l’Homme devant l’Ambassade de Birmanie à Paris en juin.
Jane Birkin crée aussi l’événement lorsque la tournée Arabesque s’arrête en Israël et en Palestine pour quelques dates en décembre 2003 : Tel-Aviv, Ramallah, Bethléem, Gaza. À Gaza, elle chante pour les enfants dans le camp de réfugiés de Jabaliya puis sur la scène du Centre culturel Shawa.
Malgré un agenda chargé, la chanteuse n’a pas oublié son métier d’actrice : en 2003, elle apparaît dans deux films, "Mariées mais pas trop" de Catherine Corsini et "Merci Dr Rey" d’Anton Litvak.
"Arabesque" est Disque d’or, Jane Birkin chante encore début 2004 en Asie (Vietnam, Japon, Corée, Chine, Indonésie, Thaïlande) et clôt cette tournée mondiale (250 dates au total!) par un dernier concert sur la scène du Théâtre du Châtelet à Paris, le 2 mars.
2004 : "Rendez-vous"
Le 30 mars 2004, sort "Rendez-vous" : un album de rencontres orchestré par Gonzales et Renaud Letang avec des artistes de toutes les générations, Françoise Hardy, Alain Chamfort, Alain Souchon, Caetano Veloso, Brian Ferry, Etienne Daho, Paolo Conte, Manu Chao, Mickey 3D, Miossec, Beth Gibbons, Brian Molko, Feist et Yosui Inoue.
Le 9 septembre 2004, Jane est décorée par la France de l'Ordre national du Mérite.
Elle repart en novembre aux Etats-Unis dans le cadre de sa tournée "Arabesque" passant par New York, Philadelphie, Washington et Los Angeles.
Du 17 mars au 3 avril 2005, Jane Birkin se produit au théâtre et interprète le rôle de Gertrude dans "Hamlet" de Shakespeare, une série de représentations au Royal Theatre Northampton en Angleterre. Elle tourne aussi dans un film de Daniel Vigne "Les Aventuriers des mers du sud". Dès l'automne, elle enregistre un nouvel album solo.
2006 : "Fictions"
Alors que pendant longtemps, elle fut attachée au répertoire de son Pygmalion Gainsbourg, Jane Birkin explore avec l'album "Fictions" qui sort en mars 2006, d'autres univers et surtout renoue avec sa langue maternelle. En effet, elle fait appel à quelques artistes anglo-saxons de la nouvelle génération pour lui écrire des chansons en anglais : "Home" qui évoque l'enfance est écrite par Neil Hannon de Divine Comedy, "Living in limbo" par le Canadien Gonzales qui par ailleurs a arrangé cet album, ou "My secret" par Beth Gibbons, ex-Portished.
On compte aussi quelques reprises comme "Alice" de Tom Waits ou "Mother Stands for Comfort" de Kate Bush. Quelques Français viennent relever le défi : le remarquable titre de Dominique A "Ou est la ville ?", "Sans toi" de Cali ou "La reine sans royaume" de Arthur H. Jane Birkin livre là une somme de petites histoires entre mélancolie et nostalgie, un album très personnel, intime.
De novembre 2006 à mars 2007, Jane Birkin se met dans la peau de l’Electre de Sophocle pour la pièce du même nom, qu’elle joue au théâtre des Amandiers en banlieue parisienne, puis dans une quinzaine de villes française. Elle passe ensuite derrière la caméra pour réaliser son premier long-métrage, "Boxes", dans lequel elle joue aux côtés de Michel Piccoli, Géraldine Chaplin, Natacha Régnier ou encore sa fille Lou Doillon.
En 2008, elle retrouve le public du projet "Arabesque" en créant un concert qui leur est destiné et en tournant dans le monde entier : Japon, Liban, Norvège, Brésil, Argentine, Uruguay, Turquie... L’été venu, elle tourne le film "36 vues du Pic Saint Loup" de Jacques Rivette.
2008 : "Enfants d'hiver"
Malgré toutes ses occupations, Jane trouve le temps de travailler sur un nouvel album. "Enfants d'hiver" (la pochette montre une photo de Jane à l’âge de douze ans) sort le 17 novembre 2008. C’est le premier disque de la chanteuse entièrement écrit par elle. Jane Birkin a exhumé ses vieux carnets, certains datant de son adolescence, d’autres de sept ans auparavant et d’autres encore du tournage de "Boxes". Colères, nostalgies, tendresses, drôleries… Jane se dévoile sans fard et en français (seul "Aung San Suu Kyii", titre dédié à l’opposante birmane, est en anglais).
Pour réaliser "Enfants d'hiver", l’ex-égérie de Serge Gainsbourg s’est adjoint les services d’Edith Fambuena et, pour mettre cet album en musique, ceux d’Alain et de Pierre Souchon, d’Hawksley Workman, d’Alain Lanty, de Pierre-Michel Sivadier, de Bertrand Louis et de Franck Eulry. En 2009, Jane part sur les routes de France pour jouer ses chansons douces-amères.
Après une année d’absence, Jane Birkin revient en 2009 dans les studios et enregistre une reprise des "Dessous chics" en duo avec Étienne Daho, un titre extrait de l’album "Daho Pleyel Paris". En 2010, elle interprète "Roissy" avec Florent Marchet, morceau que l'on trouve dans l’album de ce dernier, "Courchevel". La même année, elle jouera le rôle de Nelly dans le film "Thelma, Louise et Chantal" de Benoît Pétré.
En 2011, elle participe à la chanson "Des ricochets" au sein du Collectif Paris Africa. Elle enfilera de nouveau sa casquette de comédienne en interprétant Louise dans le film "Si tu meurs, je te tue" d’Hiner Saleem.
En mai de la même année, l’actrice et chanteuse franco-britannique, profondément touchée par le séisme qui a frappé le Japon, organise un concert caritatif à Paris réunissant Charles Aznavour, Alain Souchon, -M- et une vingtaine d’autres artistes.
En novembre, Jane Birkin poursuit son combat pour les victimes de la catastrophe japonaise en se lançant dans une tournée internationale nommée "Serge Gainsbourg et Jane via Japan". Sur scène, Jane Birkin est entourée de quatre musiciens japonais. C’est également l’occasion pour l’icône de commémorer les 20 ans de la mort de son ancien compagnon Serge Gainsbourg.
Mais, la tournée s’achève plus tôt que prévu. Jane Birkin annule tous ses concerts prévus à partir de juillet 2012 en France, Allemagne, Belgique, Italie, Suisse et Espagne. Et pour cause : la chanteuse de 65 ans est forcée au repos en raison d’une péricardite aiguë. Pas moins de vingt-trois dates sont reportées à 2013.
Remise des ennuis de santé et après huit mois d’interruption, la chanteuse repart en tournée avec son spectacle hommage à Gainsbourg. À Monaco, elle revisite les chansons à succès de son Pygmalion avec Abd Al Malik, Miossec et Charlotte, sa fille.
Elle tournera en 2012 dans le film "Venir au monde" de Sergio Castellitto et dans celui de Bertrand Tavernier, "Quai d’Orsay".
Le 11 décembre 2013, Kate Barry, la fille de Jane Birkin et du compositeur John Barry décède. La photographe s’est tuée en tombant du quatrième étage de son appartement, un drame qui affecte énormément, la chanteuse.
En décembre 2014, Jane Birkin annonce son retour sur scène avec le spectacle "Gainsbourg, poète majeur" où elle lit les textes de l’Homme à la tête de chou aux côtés de Michel Piccoli et Hervé Pierre. Mais la comédienne annule de nouveau plusieurs dates en raison d’un "souci de santé bénin".
En juin 2016, Jane Birkin et Arthur H, accompagnés par l’Ensemble symphonique de Montréal, redonnent vie à la musique de Gainsbourg lors des Francofolies de Montréal. Les deux interprètes se partagent deux heures de spectacle, "Gainsbourg symphonique".
Le festival du film de Locarno en Suisse rend hommage en août 2016 à l’actrice franco-britannique, qui reçoit d’ailleurs un Léopard d’Or pour l’ensemble de sa carrière. Elle tient le rôle principal d’un court-métrage suisse, "La femme et le TGV" présenté lors de cet événement et réalisé par le jeune Zurichois Timo von Guten.
2017 : "Birkin, Gainsbourg, le symphonique"
Comme son nom l’indique, cet opus qui réunit à nouveau la voix de Jane Birkin et les chansons de Gainsbourg est une partition de musique classique. Rien d’étonnant quand on connaît le répertoire de Serge Gainsbourg qui s’inspira bien souvent de grandes œuvres de Beethoven, Dvorak, Brahms ou encore Chopin. C’est Philippe Lerichomme, parolier et producteur discret de Gainsbourg, qui signe la direction artistique et le Japonais Nobuyuki Nakajima, pianiste et compositeur, qui réarrange les 21 titres pour orchestre symphonique. Jane Birkin enregistre cet album en Pologne avec l’orchestre de Varsovie puis repart sur les routes à la rencontre de son public. Elle se produit même au Carnegie Hall à New York en février 2018.
Elle promène ce spectacle durant cinq ans, partout en France et dans le monde. A chaque fois, elle est accompagnée d’un orchestre local.
Entre deux concerts, Jane Birkin se consacre à d’autres projets. En octobre 2018 parait "Munkey Diaries', aux éditions Fayard, la retranscription fidèle de son journal intime de 1957 à 1982. L’année suivante parait 'Post Scriptum', le deuxième volume, consacré aux années 1982-2013. Ces écrits dévoilent sans fard la vie et les sentiments de Jane, de son enfance jusqu’à la mort brutale de sa fille aînée, Kate. On y découvre une amoureuse passionnée et angoissée, une mère envahie d’amour pour ses filles et une artiste perpétuellement en prise avec un sentiment d’imposture.
2020 : "Oh ! Pardon tu dormais…"
Rassurée par le bon accueil fait à son journal intime, Jane Birkin reprend la plume pour écrire l’ensemble des textes de l’album "Oh ! Pardon tu dormais…", qui sort en novembre 2020. Cela fait suite à la pièce et au film du même nom (datant de la fin des années 1990). Elle répond ainsi à l’appel de son ami Etienne Daho qui avait en tête ce projet depuis cette époque-là.
Jane s'y affranchit des mentors et affirme son style, avec le mélange de pudeur et de frontalité qui la caractérise. Avec poésie, elle y évoque des thèmes intimes comme le décès de Kate, la jalousie amoureuse, la maladie. Des thèmes difficiles pourtant portés avec grâce par une musique envoûtante et cinématographique, signée Etienne Daho et Jean-Louis Piérot (ex-Valentins). Daho en assure la réalisation.
L’année suivante, en juillet, Charlotte Gainsbourg présente au Festival de Cannes le documentaire qu’elle a réalisé sur sa mère, "Jane par Charlotte".
En septembre 2021, alors qu’elle s’apprête à donner une série de concerts à la Philharmonie de Paris, Jane Birkin est victime d’un AVC. Après quelques mois de convalescence, elle reprend sa tournée au début de l’année 2022.
En septembre 2022, elle publie l’intégrale de ses chansons, 18 CDs de "Je t’aime... moi non plus" à son dernier album.
Alors qu'elle est censée donner quelques concerts au début de l'année 2023, Jane Birkin, victime d'une fracture à la cheville, est obligée d'en annuler un certain nombre et de se mettre au repos pour quelques semaines. Finalement, elle annule aussi les dates parisiennes qu'elle devait faire en juin, tout comme son passage dans les festivals de l'été.
Elle décède de cause naturelle à son domicile parisien le 16 juillet 2023. Dans un communiqué, Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon, ses deux filles saluent la "bataille acharnée contre la maladie" de leur mère. Les hommages se multiplient : Marianne Faithfull, Iggy Pop, Sheila, Benjamin Biolay, Françoise Hardy, etc. Étienne Daho, quant à lui, qui avait composé et réalisé le dernier projet discographique de la chanteuse ("Oh ! Pardon tu dormais…"), exprime sa grande peine sur son compte Instagram, "Inimaginable de vivre sans ta lumière" publiant plus tard une lettre d'adieux et d'amour à Jane Birkin.
Une cérémonie a lieu à l'église Saint-Roch à Paris le 24 juillet, rassemblant ses proches, l'épouse du président de la République Brigitte Macron, des célébrités du monde de la musique et du cinéma, de Catherine Deneuve à Alain Souchon, et un public venu nombreux rendre un dernier hommage à la plus anglaise des chanteuses françaises.
Ses cendres sont déposées au cimetière du Montparnasse dans la tombe de sa fille Kate, non loin de celle Serge Gainsbourg.
Août 2023