Jacno

Jacno
© F.Souloy Gamma-Rapho
Passeport artiste
03 /07/1957
Paris (France)
6/11/2009
Paris (France)
Pays:  France
Langue:  Français
Qualité:  Auteur / Chanteur / Compositeur
Genre musical:  Chanson

Dilettante et détaché, Jacno était en fait un créateur frénétique, qui mena une carrière en marge du show business français.

Biographie: 

Né à Paris en 1957 d’une famille soudée, avec des attaches en Champagne (où la famille possède une demeure qui lui servira souvent de refuge), Denis Quillard grandit entouré de parents attentifs, et d’un grand-père pittoresque, sorte d’anarcho-monarchiste à la personnalité fantasque qui enchante son petit-fils. L’oncle de Denis, André Zeller, est un "personnage historique". C’est en effet un membre de ce "quarteron de généraux félons", comme les a qualifié le Général de Gaulle, qui a fondé l’OAS. Après avoir été envoyé en prison, le tonton séditieux sera d’ailleurs gracié par le Général. 

Fumeur de gauloise effréné depuis l’école primaire, Denis est surnommé Jacno par un de ses camarades, Marcel Jacno étant le dessinateur du casque ailé qui figure sur les paquets. Jusqu’en 3e, il mène une scolarité agitée chez les Frères maristes de Notre-Dame-de-Bury, à Margency, dans le Val d’Oise. Là, il prend des cours de flûte, qui le dégoûtent à vie de cet instrument, et de solfège, où il découvre qu’il possède l’oreille absolue. Il enchaîne ensuite les lycées parisiens, tout en expérimentant toutes les drogues possibles. Renvoyé de partout, il échoue au Lycée Rodin, d’où il est encore renvoyé pour avoir séquestré le proviseur.

Parallèlement, après une enfance bercée par Mozart, Chopin et Satie, ses grandes passions, il découvre le rock à travers The Who et The Rolling Stones. À 14 ans, après une expérience de coursier pour se payer sa première guitare, il décide de ne plus jamais travailler et se spécialise dans le vol et la revente de disques dans les différents établissements scolaires qui l’accueillent.

Après avoir appris la batterie, puis la guitare en écoutant assidûment Keith Richards et Pete Townsend, pour copier à la perfection leur style, il commence à former des groupes de rock éphémères, comme Bloodsuckers, en 1973, l’année où il rencontre Elli Medeiros, à une manifestation contre la loi Debré. La jeune Uruguayenne arrivée à Paris l’année d’avant avec sa mère, est membre du service d’ordre, mais elle est venue surtout pour draguer les garçons, en mini-jupe et blouson Alice Cooper. Entre les deux, c’est un coup de foudre. Ils décident de faire de la musique ensemble. Jacno avait déjà travaillé avec une légende de l’underground, Elodie Lauten, musicienne d’avant-garde, égérie de l’underground, qui composait de la musique pour un public pointu, entre New York et Paris.

1976 : les Stinky Toys

Autour d’Elli et Jacno se réunissent Bruno Carone, fils du photographe Walter Carone, Albin Dériat, et Hervé Zénouda, batteur émérite qui sévit par ailleurs dans Strike Up et Loose Heart, deux autres groupes de cette scène électrique parisienne.

Les Stinky Toys donnent leur premier concert le 4 juillet 1976 à la Pizza du Marais, pour 60 francs chacun. Dans les mois qui suivent, ce groupe mû principalement par son irrépressible envie de faire la fête à tout prix, va enchaîner les concerts déviants. Ils jouent dans un festival à Laborde, dans un asile anti-psychiatrique fondé par Gilles Deleuze et Félix Gattari. Le 21 septembre 1976, ils sont têtes d’affiche d’un festival au 100 Club, à Londres. C’est Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols, qui les a rencontrés dans une boutique branchée des Halles, et les a invités à partager l’affiche avec The Clash, Sex Pistols, Damned, Buzzcocks, Siouxsie & The Banshees, etc. Les membres de The Clash leur prêtent des amplis et leur performance leur vaut la Une du Melody Maker, ce qui n’était jamais arrivé à un groupe de rock français !

Puis, c’est la nuit punk au Palais des Glaces, en mars 77, avec Jam, Police, Generation X. Stinky Toys est paradoxalement le groupe emblématique du punk parisien, alors que Jacno a toujours refusé cette étiquette et affiche pour les punks un léger mépris. Le 30 juin 77, ils "ruinent" le mariage de Loulou de la Falaise, égérie d’Yves St Laurent, au Chalet du Lac, dans le Bois de Boulogne, où ils sont conviés à jouer. Ils sont signés chez Polydor et sortent un premier 45 tours, "Bozy Creed", puis un album qu'ils vendront à 20.000 exemplaires. Fidèles à leur légende, ils emmènent leur cirque électrique et déjanté dans une tournée dans le Sud Ouest qui laisse pantois le public plus habitué aux rugissements sages de Johnny.

C’est aussi en 1977 qu’ils se font remarquer en mettant à sac un voyage de presse organisé dans un train pour le lancement de l’album "Trans Europ express" de Kratwerk. Jacno a cette époque est un éphèbe pique assiette que tout Paris s’arrache, Andy Warhol le drague même un soir (Jacno réussira à lui arracher un dessin signé sur une nappe de restaurant, ce qu’il refusait toujours de faire). Mais pour ventes insuffisantes et éthylisme forcené, on leur rend leur contrat, et ils en signent un autre chez Vogue, avec Jacques Wolfsohn, découvreur de Dutronc, Hardy et autres Hallyday. Le second album des Stinky Toys (celui à la pochette jaune) n’aura guère plus de succès, et après un concert calamiteux au Palais des Arts, où une descente de Hell’s Angels qui les sont pris en grippe laissent un spectateur sur le carreau, les fabuleux Toys, mythiques et ingérables, se séparent.

1979 : "Rectangle"

De sa rencontre avec Kraftwerk, Jacno a gardé un intérêt pour les synthétiseurs et les machines électroniques. Il commence à travailler des morceaux qui mêlent son sens rythmique hérité des Stones et les sons techno, pour aboutir à cinq titres, dont quatre instrumentaux, qui vont sortir sur un label indépendant, Celluloïd, après avoir été refusés par toutes les maisons de disques. Nous sommes en 1979 et "Rectangle" a du mal à trouver sa place en radio.

Olivier Assayas, qui vient de tourner son premier film, avec Elli, dans sa première expérience au cinéma, l’utilise comme B.O., puis en tourne un clip. Finalement Europe 1 l’adopte, et c’est un raz-de-marée : n°1 en France et dans toute l’Europe. "Rectangle" sera également la musique de la pub Nesquick !

L’aventure Elli et Jacno peut commencer, avec l’envie de retrouver l’innocence de Françoise Hardy et des chanteuses des années 60, sur des sons techno pop. "Main dans la main" et "L’Age atomique" propulsent l’album "Tout va sauter" vers les sommets en 1980.

L’année suivante, une jeune chanteuse belge frappe à la porte de Jacno. Elle a éclaté dans toute l’Europe avec "Banana Split", mais Lio est fan des Stinky Toys et veut reprendre "Lonely Lovers", une chanson de leur premier album. Tout son entourage lui déconseille de travailler avec cet énergumène de Jacno, mais elle insiste et "Amoureux solitaire" se vendra à plusieurs millions d’exemplaires !

Jacno poursuit dans la production avec "Mythomane", le premier album d’Etienne Daho, un autre fan des Toys qui avait organisé un concert du groupe en 78 à Rennes, juste pour les rencontrer. Après "Inédits 77/81" qui regroupe des live et inédits de la période, c’est "Boomerang" en 1982, puis "Les Nuits de la pleine Lune", B.O. en chanson du film d’Eric Rohmer, qui marque la fin de l’aventure Elli et Jacno, qui ne sont plus alors qu’un couple de travail.

1989 : "T'es loin t'es près"

Jacno ne laisse pas pour autant tomber la musique et continue à écrire et composer des chansons, inspirées par ses muses, Françoise Hardy et sa fiancée Pauline Lafont. Plus enclin à travailler pour les autres que pour lui-même, Jacno produit Daniel Darc, l'ancien chanteur de Taxi Girl, et des albums pour Mathématiques Modernes ("Disco Rouge" en 1981") ou Jacques Higelin ("Tombé du ciel", 1988").

En 1989, après quelques 45 tours, il se lance enfin dans la course en enregistrant  son premier album solo, "T'es loin t'es près". Françoise Hardy y apparaît, ainsi que Pauline Lafont. Spleen, humour et désinvolture sont paradoxalement au menu de ce CD qui marque le retour du dandy dans les bacs. En 1991, il sort "Une idée derrière la tête", continuation de l'album précédent, qui ne satisfait pas l'auteur lui-même.

Malgré cela, les journalistes sont de nouveau nombreux à se presser à la porte de son appartement, où il les reçoit, un verre à la main, l'œil fuyant mais la verve agile. En 1995, c'est la sortie de "Faux Témoin", produit… par Étienne Daho. Un beau renvoi d'ascenseur de la part du Rennais, dont le premier album fut justement produit par Jacno. "Faux témoin" est également l'occasion d'une belle rencontre avec Romane Bohringer, avec laquelle il interprète le titre"D'une rive à l'autre".

1998 : "La part des anges"

En 1998 paraît "La part des anges", produit avec l'aide des Valentins, groupe français qui a suivi les traces de Jacno. Les dix titres de l'album, aux sonorités électro pop et aux orchestrations finement ciselées, satisfont les fans de rimes tourmentées dont le CD est truffé, comme "Quand on est mort, c'est pour la vie". En chanson cachée, on trouve une reprise du "Sud" de Nino Ferrer, enregistré, par hasard, le jour même de la mort du chanteur. Un hommage imprévu auquel la grave voix de Jacno donne une ampleur très émouvante, qui précède un "Je vous salue Marie" version Jacno, avec dans les chœurs, Axelle Renoir et Edith Fambuena des Valentins. Thomas Dutronc participe aussi à l'album, prêtant son jeu de guitare pour l'instrumental "Lili 2". Jacno compose par ailleurs "OAO", qui deviendra l'hymne d'inauguration du Stade De France, en 1998 –un comble pour celui dont le clip "Le sport tue" passera, quelques années plus tard, sur toutes les chaînes !

En 1999, il participe à un concert réunissant une quarantaine d'artistes divers au profit du Gisti, le groupe d'information et de soutien des immigrés. En 2001, il participe à l'album 'Tribute to Alain Delon et Jean-Pierre Melville", sorte de melting pot sonore réunissant grands DJs et invités prestigieux.

2000 : "French Paradoxe"

L'année d'après, il fait paraître "French Paradoxe". Helena Noguerra rejoint ce grand frère spirituel sur "Désamour", Miossec cosigne les paroles et chante sur "Toi et Moi", Arthur H écrit "Les Objets" et Boris Vian est mangé à la sauce Jacno ("J'suis snob"). D'une durée de 35 minutes, "French Paradoxe" comprend également une reprise du fameux tube "Rectangle", en compagnie du groupe AS Dragon. S'amusant à reprendre les codes de l'électro, il joue et s'amuse sur un album attendu depuis longtemps par ses supporters. Le disque reçoit de bonnes critiques, mais il faut bien constater que la carrière de chanteur de Jacno est réservée aux happy fews, et peine à trouver place sur les ondes.

La même année, il joue dans "l'Auberge espagnole" de Cédric Klapisch, film dans lequel il interprète le rôle du père de Xavier, alias Romain Duris, le personnage principal. Le cinéma s'intéresse à l'ancien punk : en 2003, il apparaît dans "Variété Française", de Frédéric Videau, présenté à la Mostra de Venise 2003, dans le cadre de la semaine internationale de la critique, puis dans "Les lionceaux" de Claire Doyon. Jean-Henri Roger le fait tourner dans "Code 68" en 2004, alors même que Jacno pense à son prochain album et que le titre de Stupeflip, "J'fume du d'shit", sur lequel il a posé sa voix, cartonne sur les ondes.

2006 : " Tant de temps"

Le 15 mai 2006, Jacno sort "Tant de temps", dont le premier clip, "Le sport", qui détourne les indications apposées sur les paquets de cigarette ("Fumer tue" devient "Le sport tue") et "punkise" le foot ("Ovale ou rond, un ballon c'est pour les cons") fait sourire tout le monde en ces jours de Coupe du Monde. "Tant de temps" est louée par la critique et le charme de l'éternel dandy-punk opère rapidement.

Guitare saturée, synthétiseur omniprésent, piano enchanteur et textes subtilement coriaces : la Jacno's touch, reconnaissable entre toutes, s'y retrouve aisément. Thomas Dutronc revient avec sa guitare pour un "Baiser empoisonné", Paul Personne fait une apparition remarquée, Étienne Daho s'invite et la chanteuse du combo électro Stereo Total, Françoise Cactus, chante en allemand sur "Mars Rendez-vous". Plus calmes, les titres "Les amants, les clients" ou "T'es mon château" laisse libre cours à la plume poétique de Jacno, et on retrouve même une touche world sur "Avec les yeux". Familier et pourtant novateur, cet album ravit les fans d'un Jacno un peu perdu dans ce passé dont il a mis tant de temps à revenir.

Tandis que son site officiel propose une compilation des 100 chansons préférées de l'artiste, sous le nom de "Radio Jacno", Jacno se livre au journaliste Albert Algoud au cours d'une série d'entretiens, parue fin mai 2006 sous le titre "Jacno : itinéraire du dandy Pop", aux Éditions du Rocher. L'artiste entame son "Sport Tour" par un concert à la Cigale de Paris le 14 juin.

La même année, Jacno collabore au nouvel album de l'ex-Miss France Mareva Galenter, "Ukuyéyé by Mareva".

Jacno s'éteint le 6 novembre 2009, des suites d’un cancer à l’âge de 52 ans dans un hôpital parisien.

Un album hommage, "Jacno future", sort en juin 2011. On y retrouve quelques uns des musiciens et chanteurs qui l'ont accompagné tout au long de sa carrière dont Étienne Daho bien sûr, qui reprend "Amoureux solitaires" avec Calypso Valois, la fille d'Elli et Jacno. 

Fevrier 2020

Discographie
TANT DE TEMPS
Album - 2006 - Warner Music France
FRENCH PARADOXE
Album - 2002 - Wagram Music
LA PART DES ANGES
Album - 1998 - Celluloid
FAUX TEMOIN
Album - 1995 - Une Musique
UNE IDÉE DERRIÈRE LA TÊTE
Album - 1991 - Barclay
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