Marc Morgan
Musicien autodidacte et professeur de graphisme, Marc Morgan a un pied dans ces deux univers. Ce qui donne certainement à ses textes, souvent empreints de la vie de tous les jours, le coté imagé et ironique des portraits de bandes dessinées. Artisan de sa musique, il concocte ses spécialités très rock dans son studio-maison.
Né un certain 30 avril 1962 à Huy, sous le règne du roi Baudouin, quelques mois à peine après l’indépendance du Congo, Marc Wathieu est l’aîné d’une famille de quatre enfants (une soeur, deux frères). On ne peut cependant dire que la musique soit déjà présente si ce n’est les rituels Hughes Aufray ou Poppys, qu’il reprend en choeur aux camps louveteaux. Initié par son père, peintre passionné, Marc préfère réaliser quelques barbouilles des paysages environnants. Mais, agacé par un léger daltonisme, il se cantonnera à la copie de ses dessinateurs favoris et héros nationaux : Hergé, Morris, Franquin, Tillieux...
Débuts anglophiles
Lors de vacances familiales en Suisse, selon la légende, il interprète un vibrant "Santiano" devant une assemblée émue et remporte une tablette de chocolat ! Ce sera le déclic salvateur. Marc apprend la guitare en écoutant la radio de la famille, sur RTL : "Les mots bleus" de Christophe (déjà !), "Blue song" de Suzy & Guy, "America" de David Essex, "Good vibrations" des Beach boys, "Rebel rebel" de David Bowie... verront ses premiers émois. Encouragé, il fait une tentative au conservatoire du village. "Une expérience minable" selon Marc. Son professeur, excédé, lui donne une claque. Suit un "repli stratégique et autodidacte".
De 1974-1980, ses sept années en internat à l’Athénée Royal Prince Baudouin de Marchin (près de Liège) sont passées "utilement" à écouter des centaines de disques. La présence de jeunes plus âgés aide à la découverte. C'est l'ère post-Woodstock. Cure, Talking heads,… L'émission Chorus d'Antoine De Caunes sur la deuxième chaîne de télévision française apparaît un réservoir inépuisable : XTC, Patti Smith. Marc y croise Phil Delire, avec qui il dessine un portrait géant de Georges Brassens ! Puis c’est un premier concert, François Béranger à Huy. Il achète une Stratocaster et forme son premier groupe avec son frère Etienne. Au programme : des reprises de Cream, Canned Heat, Bob Dylan et Neil Young.
Rédacteur en chef du journal de l'école, Marc dévore Moebius, Hugo Pratt et Tardi dans Métal Hurlant. Les albums de Régis Franc le convertiront définitivement. Il sera dessinateur. En 1981, il entre aux Beaux-Arts de Saint-Luc à Liège.
D'Objectif Lune aux Tricheurs
Ses premiers pas dans la musique, Marc les fait au sein d'Objectif Lune. Il rencontre Marc Thonon, alors jeune journaliste et fervent supporter du groupe (qui deviendra ensuite président des Victoires de la musique).
Les Révérends du Prince Albert, groupe de twisters iconoclastes, débauchent Marc comme choriste. Les concerts s'enchaînent. Ils enregistrent un album en trois jours, finement intitulé "Ah! Quel massacre!".
En 1984, il fonde les Tricheurs. Il rencontre Rudy Léonet, le "pape" de Radio 21, la radio "jeune" de l’espace audiovisuel belge. Grâce à Marc Thonon, Les Tricheurs enregistrent un premier single ("Le jour J"), suivi en 1987 de l'album "Tendez vos lèvres", produit par Alain Debaisieux (Virgin-Belgium). Ils quadrillent la Wallonie de bars en clubs. De premières émissions en France en concerts en Belgique, France et Louisiane, Marc compose un deuxième album pour le groupe. Mais cette production restera inédite. Leur maison de disque, Virgin, les lâche...
Retour à l'image. Il devient professeur de communication visuelle à l’École de Recherche Graphique (ERG/Saint-Luc) à Bruxelles et découvre Tony Cragg, David Carson, William Weggman, Glen Baxter... Poste qu’il occupera jusqu’en 1995, et qu’il reprendra six années après. Il devient illustrateur free-lance pour des magazines comme le féminin Flair.
L’épopée de la Variété
Appréciés, mais déçus, Les Tricheurs s'éteignent, non sans avoir interprété lors d'un ultime concert un "Bruxelles" bien rôdé, sous les yeux stupéfaits de son auteur Dick Annegarn, qui passe le même soir au Botanique, la salle de musique de la Communauté française.
En 1991, Marc met en chantier un futur album solo. À la recherche d'un pseudo, il tombe dans une bouquinerie de cinéma sur une superbe carte postale de Michèle Morgan. Ce sera donc Marc Morgan. Il se joint à La Variété, groupe rêvé par Rudy Léonet, et y retrouve Alain Debaisieux. Rudy signe les textes, Marc se charge des musiques. Il rencontre aussi Yves Bigot, aux commandes alors du label Fnac-Musique, "le premier qui a cru en moi" dit-il, avec qui il signe un contrat. Sort "pour la gloire", unique album du groupe La Variété à ce jour.
En 1993, sort "Un cygne sur l'Orénoque", le premier album solo, produit avec Phil Délire. "Notre mystère, nos retrouvailles", premier single, cartonne en France. Professeur aux Beaux-Arts, c'est fini ! Du moins temporairement. Marc Morgan part en tournée d'un mois en première partie des Innocents, passe aux Francofolies de Spa et de Montréal, au Festival de Québec, au Chorus des Hauts-de-Seine... Un deuxième single sort : "Un ami qui vous veut du bien". Puis, c'est la tuile. Son label met la clé sous la porte. Il suit Yves Bigot chez Mercury.
Du passage par une major…
En 1996, sort un deuxième album "Les Grands espaces" (Mercury/Universal), contenant notamment la reprise de "Bruxelles" de Dick Annegarn. Rudy signe le texte de "L'art difficile de refaire surface". "Au train où vont les choses" puis "Capable de tout" sortent en single.
Marc Morgan compose pour Sylvie Vartan les paroles et musiques de "Seule pour un soir" et "Ne quittez pas". Il rencontre aussi les filles du groupe Soledonna (ex-les Nouvelles Polyphonies corses) et mélange sa pop belge à leurs polyphonies corses. Il composera d’ailleurs pour elles "L'amore va" (sorti chez Philips) et apparaît pour deux soirs à leurs côtés à La Cigale de Paris, puis au printemps de Bourges. Après avoir déjà écrit pour Dick Rivers "Pire que l’amour" il réitère avec "Touriste".
…à l'autoproduction
Après le départ d’Yves Bigot de Mercury, Marc décide d'auto-produire son prochain album. Une décision naturelle : "Je ne fais pas de disques en demandant la permission de maisons de disque. Je me démerde". Mais la maturation est lente. Profitant que son frère enseigne le marketing à Harvard, il voyage dans le Massachusetts, à la recherche de Moby Dick et d’Herman Melville, allant jusqu’au musée de la Baleine à Nantucket. Il poursuit sa quête d'Edward Hopper, et se retrouve dans son village natal de Truro au Cap Cod.
Il participe également au "Tribute to Polnareff" en reprenant "Dans la maison vide" (label parisien XIII Bis).
Le 1er janvier 2000, il crée son parti “Eternité année zéro”, avec un slogan “pour un transfert immédiat des grains de sabliers vers l’engrenage des horloges ! Intensifions la lutte contre la montre". Un clin d’œil bien réel. La création de l’album prend du temps. Morgan assure les premières parties d'Indochine pour trois soirs de "Nuits intimes" à la Cigale (Paris) et de Jean-Louis Murat en Belgique. Il part d’ailleurs enregistrer son album au studio Sophiane, à Clermont-Ferrand, fief du dit Murat avec Denis Clavaizolle, un de ses plus fidèles compagnons de route. Il compose aussi pour d’autres : "Ça ne me suffit plus" pour Jeff Bodart, sur l'album du même nom.
Les parallèles se rejoignent
En 2001, après cinq ans d’absence, sort un troisième album, "Les parallèles se rejoignent" (Viva Disc/Sony Music) qu’il a en grande partie concocté dans son petit studio intime, sur un 24 pistes Macintosh : "J’ai toujours laissé des traces de ma musique, Au début j'avais un 8 pistes à bande et un Atari 1040, avec une prise midi, la machine des années 1980 utilisée pour la dance et que j'ai toujours". Faire tout seul. "Cela remet les pendules à l’heure. Tu raccourcis le chemin entre toi et les gens. Ce qu’il y a sur le disque c’est vraiment ce que j’entendais en studio". Plus sombre, plus accompli que les précédents, il est salué par la critique. Les titres parlent d’eux-mêmes : "Fausse route", "À chaque pas, je marque un point", "Je reviens de loin". Ce dernier opus lié selon l’auteur au temps mis à refaire un disque et "parce qu’effectivement, à ce moment, je reviens de loin ”. Des textes mi-mélancoliques, mi-optimistes comme "Tout le monde se quitte" écrit avant la rupture qui se termine sur un brin optimiste, "Alors pas nous"... La présentation plus rock, plus vive, fait mouche. Accompagné à la guitare par Jérôme Mardaga (alias Jeronimo), Calo Marotta à la basse et Patrick Shouters à la batterie, Marc se révèle davantage bête de scène.
Humour aussi, pour ses potes de Radio 21, Marc participe au single de Noël de "La Bûche ”, un clin d’œil à deux classiques de fin d’année. Il réarrange le “ Petit Papa Noël ” de Tino Rossi. Et, pendant deux soirs et deux nuits, avec une dizaine de joyeux drilles, belges et musiciens comme lui (Sharko, Sttellla, Flexa Lyndo, Jeronimo, Jeff Bodart, Zop Hop Hop, Marka, Clover's Cloe, Melon Galia et Mud Flow), ils se prennent au jeu d’une nouvelle version de "Do they know it’s christmas" créé par le band Aid de Bob Geldof en 1984. Entre-temps, il a repris ses cours à Saint-Luc. Et continue de faire des illustrations et graphismes pour des magazines.
En 2002, c’est un nouveau départ, avec une nouvelle tournée. Marc lance un appel aux artistes de tout poil pour remixer son titre "Discordance". Avec des résultats étonnants. Et un classement. Suit un concert détonnant aux Francofolies de Spa au cours de l'été 2002 en première partie de Axel Bauer. La mécanique Morgan semble repartie.
Avril 2003