Négresses Vertes
Surgi en pleine effervescence du rock alternatif au milieu des années 80, les Négresses Vertes ont inventé une nouvelle musique populaire au confluent des influences méditerranéennes et anglo-saxonnes.
Si l'aventure débute réellement en septembre 87, en fait, le noyau originel des Négresses Vertes se constitue bien avant. Ex-musiciens d'un groupe punk, les Maîtres, Mathias, Paulo et Gaby exerçaient leur talent de clowns, voltigeurs et chauffeurs au sein du cirque Zingaro. Helno, le chanteur, faisait office de choriste dans le groupe de rock alternatif, Bérurier Noir. Stéfane, le guitariste, remaillait les filets de pêche dans son sud natal avant de venir à Paris.
Car, c'est en fait dans la capitale et plus précisément dans la rue de l'Ourcq que tous se sont rencontrés et ont appris à se connaître en fréquentant les bars et boîtes de nuit du Nord-est parisien. L'appellation de Négresses Vertes a été trouvée, lors d'une bagarre dans un bal à l'été 87. En effet, les amis, dont les cheveux étaient colorés en vert pour l'occasion, se sont fait jeter dehors par des vigiles au cri de "Sortez d'ici les négresses vertes…". L'insulte les fait beaucoup rire et ils l'adoptent comme nom de groupe.
1988 : "Mlah"
Dans la lignée des chanteurs des années 30, ils inventent et chantent de petites histoires avec une gouaille toute parisienne associée à une musique où se mélangent valse, polka, flamenco, raï et rock. Les Négresses Vertes commencent à jouer dans les cours d'immeuble, le métro, les boîtes de nuit et les cabarets, avant d'enregistrer un premier album pour un label indépendant Off the Track.
"Mlah" sort en 1988. Rarement un premier disque montre une telle maturité musicale et poétique. Que ce soit "Zobi la mouche" ou "Voilà l'été", les Négresses Vertes véhiculent aussi une certaine idée de fête même si les textes ne sont pas aussi légers qu'ils le laissent croire de prime abord. Ils revisitent leurs origines diverses (espagnole ou tsigane) et font swinguer sur scène, leurs morceaux métissés.
En octobre 89, ils sont amenés à faire une tournée en Angleterre et la presse nationale les qualifie de "groupe ethnique français très dansant". Leur succès sur l'île britannique est à rechercher dans la nature même du groupe : à la fois typiquement français, par leur dégaine de poulbots et en même temps, big band exotique et fêtard.
Entraînés par la voix rocailleuse d'Helno, Mathias à l'accordéon, Mellino à la guitare, Paulo à la basse, Abraham au trombone, Zézé à la batterie, Gaby aux percussions et les filles choristes, Julo et Isa font danser les Anglais dans les clubs londoniens branchés, comme aucun groupe français n'a su le faire jusque-là.
Ils figurent aussi dans trois compilations internationales d'importance : "Red Hot and Blue", "The last temptation of Elvis" et enfin la bande originale du film "Dick Tracy". Leur participation à cette dernière leur a été directement demandée par Madonna, qui adore le groupe.
Portant haut et fort les couleurs de la France, les Négresses Vertes retrouvent le public parisien pour trois dates à la Cigale en janvier 90. L'album s'est vendu à plus de 180.000 exemplaires en France et 350.000 à l'étranger. Le bilan est plus que positif.
1991 : "Famille nombreuse"
Après cette suractivité, les Négresses Vertes se font plus rares. De plus, en procès avec leur maison de disque Off The Track, ce qui les empêche pour un temps de sortir un second album. Ils procèdent donc à l'envers des habitudes du milieu, en présentant leurs nouvelles chansons lors d'un concert qu'ils donnent à l'Espace Cardin à Paris, le 23 avril 1991.
Ils attendent l'été pour enregistrer à Paris, le successeur de "Mlah" : 13 chansons qui sont mixées par la suite à Londres et produites par Clive Martin (Sting) et Sodi leur réalisateur habituel (IAM, Fela). "Famille nombreuse" sort en novembre 1991 en France et dans dix pays européens. Toujours aussi cohérent, le groupe confirme un talent pour le métissage musical et la poésie urbaine.
Un des principaux organisateurs de concerts parisiens, Assaad, leur propose dans la logique de promotion à l'étranger, de donner un concert exceptionnel à Beyrouth, le premier depuis le début de la guerre en 1975. Le 21 décembre 91, les voilà embarqués pour un concert où le public conquis d'avance les ovationne. Les retombées médiatiques sont importantes. Et le groupe repart vers les cieux européens, un peu plus gonflé. Il fait l'Olympia à Paris, le 4 et 11 mai 92, après avoir visité avec ce spectacle haut en couleur, les pays scandinaves, les Pays-Bas et l'Espagne. Les régions françaises ne sont pas délaissées, car la tournée s'y prolonge jusqu'à la fin de l'année. Un album de remix sort en mai 93 auquel participent des DJs et autres musiciens branchés dance.
Le 22 janvier 1993, un triste événement bouleverse la vie du groupe : Noël Rota, dit Helno, meurt d'une overdose. À vingt-neuf ans, la figure de proue des Négresses Vertes quitte définitivement la scène qu'il affectionnait et laisse ses amis tristes et orphelins de celui qui, outre ses talents de bateleur, était devenu leur mascotte.
1994 : "Zig zag"
Après le choc et l'abattement qui s'ensuivent, les Négresses Vertes mettent deux ans avant de sortir un nouvel opus. Hommage au chanteur disparu, ils décident après une sévère remise en question de continuer l'œuvre entreprise. "Zig Zag" sort en octobre 1994. Enregistré dans le Béarn, dans le sud de la France, ce disque, fruit d'un travail isolé, renoue avec l'allégresse et la fête musicale, transportées par des rythmes latino.
Dorénavant chacun peut chanter et le groupe est réduit à cinq personnes : Paulo, Mathias, Stéfane et Isa Mellino et Mich. Ayant acquis leurs titres de gloire sur scène, c'est donc par là qu'ils vont continuer leur vie d'artistes. Entre le Printemps de Bourges et les Francofolies de La Rochelle, la tournée est longue et dure deux ans. Ils passent à Paris, à la Cigale du 8 au 10 février 95. Ils reviennent dans la capitale française pour deux concerts le 28 et 29 novembre 95 au Hot Brass. Cela donnera naissance à un album live "Green Bus" qui sortira en juillet 96. On y trouvera intacte l'ambiance de ce show bariolé où le public danse sur les tubes du second album, "Hou Mama mia" et "Sous le soleil de Bodega" mais aussi sur le morceau issu du troisième album "Mambo Show".
Les Négresses Vertes participent aussi, en 96, à la conception du nouvel album de Jane Birkin. Ils concoctent un nouvel arrangement pour une chanson de Gainsbourg interprétée à l'époque par Petula Clark, "la Gadoue" à laquelle ils redonnent vie par la bouche de l'ex-compagne du grand Serge.
Après s'être accordé une pause d'une année, de la mi-96 à la mi-97, les Négresses Vertes se remettent au travail et commencent à élaborer plusieurs morceaux pour le futur album. Mais le besoin de faire quelque chose de nouveau et de chercher d'autres pistes les poussent à utiliser des machines.
Ils font alors appel au producteur Howie B. dont l'univers musical est très électronique, loin des envolées latino qui étaient la recette du groupe jusqu'alors. Cet opus sort en octobre 99 et s'intitule "Trabendo", un mot d’argot d’origine algérienne qui désigne ceux qui vont d’un point de la Méditerranée à un autre, d’Alger à Marseille pour faire du trafic et de la contrebande.
De l'aveu même du groupe, il reflète un peu l’état d’esprit de l'enregistrement : entre fond musical méditerranéen et trafic de sons, voire bidouillage. Les critiques s'interrogent sur ce qu'ils considèrent comme un tournant important dans la carrière des Négresses. Un magazine anglais branché Dazed and Confused consacre même dix pages à cet événement. Le premier extrait que l'on peut écouter sur les radios s'intitule "Easy girls".
"Entre enfer et paradis", comme dirait une de leurs chansons, la destinée de ce groupe à la fibre poético-métissée semble enfin maîtrisée. Sous leur apparence décontractée et fêtarde, il semble que l'autodiscipline et la rigueur dans le travail soient la véritable raison de leur succès.
Acoustique
En 2000, le groupe reçoit la Victoire de la musique du Meilleur album "Nouvelles Tendances". Au printemps, il est en tournée dans toute la France, et est invité à jouer à l'Hôtel Matignon, résidence du Premier ministre français lors de la Fête de la musique, puis repart sur les routes des festivals d'été.
Un peu en perte de vitesse et ayant besoin de trouver un nouveau souffle, une nouvelle inspiration, le groupe s'absente du devant de la scène au cours de l'année 2001. On les annonce l'année suivante pour un album acoustique où ils reprennent leurs grands titres. L'enregistrement de ce nouveau disque a lieu en un mois au studio Gang à Paris. "Acoustic clubbing" qui sort en octobre, regroupent quatorze titres choisis parmi les quatre albums studio du groupe et réenregistrés suivant une formule acoustique qui donne un autre climat à des titres très connus comme "Face à la mer" ou un peu oubliés comme "Car c'est un blouze", avec en prime l'ajout de la reprise d'un titre soul "Spank" et d'inédits. Presque en même temps, sortent quelques remixes signés Alex Gopher, Gotan Project et Les Diamantaires, confirmant au passage la volonté des LNV (nouvelle appellation des Négresses Vertes) de continuer à prospecter du côté de la musique électronique.
En juin 2002, leur maison de disques met sur le marché une compilation de leurs meilleurs titres, intitulée "le Grand déballage". En dehors des "Zobi la mouche" ou "Voilà l'été" indispensables, on y retrouve aussi deux morceaux remixés et deux morceaux en public.
Alors qu’elle ne devait durer initialement que quelques années, la pause dans la carrière du groupe prévue par les musiciens prend une autre tournure après le décès de leur manager, figure du monde du spectacle, en 2004. Les chemins qu’ils empruntent sont divers : le guitariste Mellino se lance dans un projet sous son nom avec l’une des chanteuses ; le trompettiste signe plusieurs musiques de film ; le bassiste retrouve le théâtre équestre Zingaro…
2018 : Retrouvailles
Les retrouvailles ont finalement lieu après plus de quinze ans de séparation, pour célébrer les trente ans de l’album "Mlah" qui les a lancés. Deux nouveaux musiciens, à la batterie et à l’accordéon complètent ceux de l’ancienne équipe qui ont repris du service. La tournée anniversaire débute en février 2018 par trois prestations en Belgique.
Très vite, l’engouement que suscite la reformation du groupe rallonge la tournée, qui devait initialement compter une quarantaine de dates. Cette année-là, Les Négresses vertes donnent en effet 78 concerts, dont 18 hors de France métropolitaine, notamment en Hongrie au Sziget Festival, considéré comme le plus grand festival d’Europe en termes de fréquentation.
En novembre, un coffret intitulé "C’est pas la mer à boire 1987-1993" est mis sur le marché. Outre les classiques, il contient des titres présentés comme des "Face B", des démos, des remixes ainsi que des archives inédites.
En 2019, les musiciens repartent sur les routes pour répondre à une demande qui ne faiblit pas. En février, ils investissent L’Olympia à Paris. Au total, 73 concerts supplémentaires ont lieu, dont une vingtaine à l’étranger : Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, Suisse, Grèce, Roumanie, Canada, États-Unis.
Bien qu’aucun nouvel album ne soit à l’ordre du jour, le groupe enregistre et commercialise au début de l’année suivante le morceau "Accouplés 2020" avec l’artiste belge Marka, père du chanteur Roméo Elvis et de la chanteuse Angèle, et auteur de la version originale.
Après le coup d’arrêt général porté par la pandémie de Covid-19 à partir de mars 2020, la tournée du groupe reprend fin 2021 pour une quinzaine de dates, dont trois dans des salles parisiennes différentes. S’y ajoute une quarantaine d’autres en 2022, en France comme dans le reste de l’Europe (Italie, Royaume-Uni, Grèce, Belgique).
Février 2023