Serge Reggiani
Serge Reggiani est né le 2 mai 1922 à Reggio Emila, dans le nord de l'Italie. Son père, antifasciste notoire, fuit vers la France le 1er novembre 1930 avec femme et enfant. Dans un premier temps, toute la famille s'installe en Normandie, à Yvetot, où Reggiani père ouvre un salon de coiffure. Puis en 1931, c'est à Paris que déménagent Serge et ses parents. Après avoir connu des temps difficiles dans différents quartiers de Paris, c'est dans le faubourg Saint-Denis que les Reggiani trouvent enfin du travail.
Rital
En presque une année, Serge qui a presque 10 ans, apprend le français et devient premier de sa classe. Cependant, c'est le sport qui l'intéresse le plus, et en particulier la boxe qu'il pratique passionnément. A 13 ans, il quitte l'école et devient apprenti-coiffeur.
En 1937, il découvre une petite annonce concernant l'ouverture d'un conservatoire des Arts cinématographiques. Il présente sa candidature avec succès et sort en fin d'année avec le 1er prix de comédie.
Après quelques petits rôles au cinéma et au théâtre, il décide de s'inscrire au Conservatoire national d'Art dramatique en 1939. Deux ans plus tard, il en sort avec deux prix de comédie et de tragédie.
En ces années de guerre, Cocteau le remarque et lui fait jouer sa pièce "Les enfants terribles". Mais Reggiani, qui s'est déjà brillamment illustré au théâtre, est nettement plus attiré par le cinéma. Très apprécié dans des rôles de jeune premier au destin plutôt dramatique, son premier succès date de 1943 dans "Le carrefour des enfants perdus" de Léo Joannon. Pendant ce tournage, il rencontre sa première épouse, la comédienne Janine Darcey, avec qui il aura deux enfants : Stéphan en 1946, et Carine en 1951. Après ce tournage, il fuit Paris avec d'autres comédiens afin d'échapper au travail obligatoire en Allemagne, ainsi qu'à son enrôlement dans l'armée italienne.
En 1948, Serge Reggiani obtient la nationalité française.
Après la guerre, Reggiani qui est désormais un comédien renommé, apparaît dans de nombreux films dont les plus célèbres sont "Etoile sans lumière" de Marcel Blistene avec Edith Piaf, "Les portes de la nuit" de Marcel Carné en 1946, "La ronde" de Marcel Ophuls en 1950, et surtout "Casque d'Or" de Jacques Becker en 1952. Durant ce dernier tournage, Serge Reggiani partage l'affiche avec celle qui sera son amie jusqu'à la mort de celle-ci en 1985, Simone Signoret.
En 1959, il interprète une vingtaine de chansons lors d'un programme radiophonique. Reggiani, qui aime déjà beaucoup chanter, possède une voix grave et un phrasé particulier, mais il faut encore attendre quelques années pour que la chanson entre dans sa vie.
La quarantaine en chantant
Au début des années 60, il part s'installer près de Cannes, à Mougins, avec sa nouvelle épouse Annie Noël, et leurs trois enfants, Célia née en 58, Simon né en 61 et Maria née en 63. En 1962, il tourne deux chefs-d'œuvre du cinéma français : "Le Doulos" de Jean-Pierre Melville, et "Le Guépard" de Luchino Visconti.
C'est en 1963, qu'il rencontre Jacques Canetti chez le couple Montand-Signoret. Canetti, directeur artistique et découvreur de talents, propose à Reggiani de s'essayer à la chanson. Sans guère d'hésitation, le comédien va choisir, pour un premier essai, des titres de Boris Vian. Ces enregistrements donneront lieu à un album, le premier de Serge Reggiani, en 1965. C'est un succès immédiat, et le disque est couronné par le prix du disque de l'Académie Charles-Cros. A 43 ans, Reggiani commence donc une nouvelle carrière.
En 1965, Reggiani joue "Les séquestrés d'Altona" de Jean-Paul Sartre sur la scène du théâtre de l'Athénée. Durant 420 représentations, il réalisera une performance d'acteur saluée par le public et la critique, en interprétant un quasi-monologue légendaire.
La même année, Canetti fait chanter Reggiani sur scène, mais un trac énorme l'empêche, contrairement au théâtre, d'effectuer un récital de qualité. Les réactions sont mitigées. L'année suivante, la chanteuse Barbara, séduite par le disque consacré à Boris Vian, propose à Serge Reggiani de faire la première partie de son tour de chant à Bobino. Cette fois, le succès est au rendez-vous et Reggiani suit Barbara en tournée.
La chanteuse lui propose même de l'aider à travailler son chant et sa respiration. Reggiani, malgré ses 44 ans, est un chanteur débutant et a encore besoin d'un apprentissage.
Après avoir apprécié Reggiani acteur, le public français s'enthousiasme petit à petit pour Reggiani chanteur. A la veille de mai 68, il est même intéressant de remarquer que l'adhésion d'un public jeune se fait instantanément. Les textes de Vian n'y sont sûrement pas pour rien.
1967 : "Les loups sont entrés dans Paris"
Serge Reggiani, qui continue sa carrière au cinéma, enregistre en 1967 un deuxième album toujours avec Jacques Canetti. Ecrits par Albert Vidalie et Louis Bessières, les titres de ce disque qui s'appelle "Les loups sont entrés dans Paris" (allusion aux nazis pendant la seconde Guerre mondiale), sont tous originaux, à l'exception de "Le Déserteur" de Boris Vian.
La même année, Reggiani est remarqué auprès de Jacques Brel lors d'un concert de soutien à Pierre Mendes France, personnalité politique de l'après-guerre.
Serge Reggiani est un artiste engagé à gauche et ses prises de position pour l'opposition de l'époque le rendent encore plus populaire surtout à la veille de mai 68. Pendant les événements, la présence de Reggiani est même réclamée par les étudiants pour qu'il chante à la faculté de médecine.
Le deuxième album de Reggiani lui apporte une énorme célébrité. Le disque passe abondamment sur les antennes de radio, en particulier, les titres "Le petit garçon" écrit par Jean-Loup Dabadie "Maxim's" de Serge Gainsbourg. De juin à octobre, il vend 227.000 exemplaires de l'album.
Du 7 février au 4 mars 68, Serge Reggiani fait un malheur à Bobino. La jeunesse l'acclame et une enquête démontre en mars 1968, que les titres de Reggiani sont autant joués dans les juke-boxes des bars que ceux des Moody Blues. De nombreux magazines s'interrogent sur son étrange parcours qui fait de lui une star de la chanson à 45 ans.
Un troisième album sort en 1968, "Et puisà". Serge Reggiani a intégré pour ce troisième disque la maison de disques Polydor.
Les textes, signés Georges Moustaki, Albert Vidalie, Jean-Loup Dabadie, Gérard Bourgois, Pierre Tisserand, sont encore des textes originaux, sauf une fois encore, "La java des bombes atomiques" de Boris Vian. L'album sort le 28 octobre et la chanson "Il suffirait de presque rien" est choisie par les programmateurs pour la promotion.
Le 12 novembre 1968, Reggiani est reçu par Denise Glaser dans sa célèbre émission d'entretien télévisé "Discorama". Le 24, il est la vedette de l'émission d'Europe 1 "Musicorama", émission enregistrée en public, et dans ce cas précis, à l'Olympia. Enfin le 28 novembre 1968, Serge Reggiani reçoit le Grand Prix de l'Académie du Disque.
Pop star
En 1969, Reggiani retrouve son amie Simone Signoret dans le film de Jean-Pierre Melville sur la Résistance française pendant la seconde Guerre mondiale, "L'armée des ombres".
Du 4 février au 17 mars, il occupe Bobino. Devant l'affluence du public il décide de prolonger de 15 jours la série de concerts. En avril, il reçoit à Amsterdam le prix Edison, décerné notamment à Frank Sinatra ou à Barbra Streisand. Durant tout l'été, ses chansons sont classées aux meilleures places des différents hit-parades français.
Après une tournée au Canada, Serge Reggiani donne une série de récitals dans la petite salle du Don Camillo entre le 3 et le 31 décembre.
Bien qu'il continue à tourner des films, Reggiani se consacre en grande partie à la chanson. Il est très souvent l'invité d'émissions consacrées à la musique et passe beaucoup de temps à travailler sur ses albums.
D'innombrables propositions de chansons lui arrivent en permanence, dont beaucoup écrites par de jeunes auteurs.
Dans son quatrième album qui sort en juin 1970, la moitié des titres sont justement l'œuvre de jeunes artistes dont Alain Robin, 23 ans, ("Un siècle après") ou Maxime Le Forestier, 21 ans ("Ballade pour un traître"). Sur ce nouveau disque, Reggiani chante aussi son fils Stephan ("Bonne figure") et son épouse Annie Noël ("L'arbre").
En 1971, Serge Reggiani fait appel à Michel Legrand pour une partie des musiques et des arrangements de son quatrième album. Entouré d'un orchestre de 60 musiciens, Reggiani enregistre un de ses plus beaux albums, grave et souvent autobiographique ("La cinquantaine", L'Italien"). Après un nouveau Bobino, il part en tournée à travers la France.
1972 : "Le Vieux couple"
En décembre, le fils aîné de Reggiani, Stephan, passe en vedette américaine de Liza Minnelli à l'Olympia. Lancé dans la chanson depuis 1967, Stephan Reggiani n'arrivera jamais à se dégager de la notoriété de son père et à devenir un chanteur renommé. En 1972, Serge Reggiani sort un album chez Polydor, "Le vieux couple". Le succès est timide mais la chanson "Hôtel des voyageurs" passe assez souvent sur les radios.
Sans doute en raison de son âge, Reggiani fait, au début des années 70 déjà figure de monument dans la chanson. Il continue à sortir un album par an mais sa notoriété est moins bruyante qu'à ses débuts.
Vers 1973, d'importants changements ont lieu dans la vie de Serge Reggiani. Sa femme, Annie Noël s'éloigne de lui, et son directeur artistique chez Polydor, Jacques Bedos, quitte la firme, mais restera cependant très lié à la carrière du chanteur. De plus, de nouveaux auteurs arrivent dans la galaxie Reggiani, en particulier Claude Lemesle qui va devenir peu à peu, son auteur fétiche.
Dans les mois suivants, c'est plutôt le comédien Reggiani qui sort trois albums consacrés à la poésie dont deux à Jacques Prévert.
En 1974, Reggiani est de retour au cinéma à travers un superbe rôle dans le film de Claude Sautet "Vincent, François, Paul et les autres". C'est à cette occasion que Serge Reggiani rencontre Jean-Loup Dabadie, scénariste du film et auteur du titre "La chanson de Paul" inspirée du scénario. Dabadie avait déjà écrit pour Reggiani en 1968.
En 1975, Serge Reggiani va se consacrer à son fils Stephan. Du 26 décembre 1974 au 26 janvier 1975, ils partagent tous les deux la scène‚ de Bobino. Bien qu'une complicité évidente se dégage des concerts, le public accueille tièdement le duo père-fils.
Bourges
Serge Reggiani est très admiratif des talents de musiciens de son fils et de la charge de désespoir que l'on lit dans ses compositions. Le 24 avril, la célèbre émission de télé de Jacques Chancel, "Le Grand échiquier", est entièrement consacrée à Reggiani père et fils. En juin, sort un album enregistré pendant leur série de récitals.
À la rentrée, ils passent en vedette à la fête de l'Huma, rassemblement annuel du parti communiste français, puis s'envolent pour une tournée au Canada.
La chanson a permis à Serge Reggiani de sortir de son image de mauvais garçon, et les metteurs en scène découvrent de nouvelles facettes du personnage. En 1975, le cinéaste Claude Lelouch lui offre deux très beaux rôles qui exploitent le grand humour de Reggiani, d'abord dans "Le chat et la souris" avec Michèle Morgan, puis dans "Le bon et les méchants" avec Jacques Dutronc.
Puis en 1976, on découvre plutôt sa fibre tendre, surtout dans "Violette et François" de Jacques Rouffio avec Isabelle Adjani.
En avril 1977, Serge Reggiani participe au tout premier festival de Bourges, qui au milieu des années disco, prend le parti de mettre en valeur la chanson française des Frères Jacques et Charles Trenet à Jacques Higelin et Bernard Lavilliers, tous invités du festival cette année-là.
Il sort un nouvel album également en 1977 dans lequel il rend hommage à Jacques Prévert disparu récemment ("Cet amour"). Ce disque confirme l'intense complicité entre Serge Reggiani et Claude Lemesle, et le titre "Le barbier de Belleville" caracole en tête des classements de disques.
Le 24 septembre, Maritie et Gilbert Carpentier, producteurs de shows télévisés célèbrissimes en France, consacre un de leurs "Numéro un" à Serge Reggiani. Trois jours plus tard, le chanteur réinvestit la scène de Bobino qu'il partage cette fois avec son fils Stéphan mais aussi avec sa fille Carine.
Drame
Cependant, après l'accueil mitigé du duo père-fils en 1975, la presse est cette fois très sévère avec cette affiche familiale et reproche à Serge Reggiani d'étouffer, involontairement, la carrière de ses enfants. Malgré ces critiques, les trois Reggiani partent en tournée durant l'hiver 77-78.
En 1978, sort un album difficile, "Les discours de Maximilien Robespierre", dans lequel le comédien Reggiani lit les longs discours politiques du révolutionnaire.
En avril 1979, Serge Reggiani est sur la scène du théâtre de la Gaîté Montparnasse pour réciter des poèmes accompagné par Georges Moustaki à la guitare.
En septembre 79, paraît l'album, "J't'aimerais". Outre Claude Lemesle ou Jean-Loup Dabadie pour les textes et Michel Legrand et Alain Goraguer pour les musiques, Serge Reggiani chante cette fois des chansons de deux autres grands auteurs-compositeurs, Georges Moustaki ("Les amours sans importance") et Bernard Dimey ("Les seigneurs"). Reggiani, qui ne veut pas que ses anciens titres soient introuvables, prend l'initiative de les réenregistrer sous la houlette de Alain Goraguer qui leur redonne une nouvelle jeunesse. La sortie de cette compilation précède de peu le nouvel album.
1980 est une année dramatique pour Serge Reggiani et sa famille. En juillet, son fils Stephan se suicide dans leur maison de Mougins. Ce décès marque pour le jeune homme de 33 ans la fin d'un parcours difficile. Serge Reggiani, violemment marqué par cet événement, va dès lors laisser un peu la chanson de côté. L'album qui sort cette année-là est encore consacré à ses pères, les poètes Jean Cocteau et Charles Baudelaire
Dès 1981, le nouvel album "L'armée du brouillard" réunit autour de Serge Reggiani nombre de ses amis fidèles, tels Claude Lemesle, Jean-Loup Dabadie, Alain Goraguer, Hubert Rostaing, Alice Dona ou Georges Moustaki. En hommage à son fils, il chante "La barbe à papa", titre qui évoque l'enfance.
Bien que la chanson ne l'enthousiasme plus autant, Serge Reggiani trouve dans le travail un moyen de lutter contre la déprime et l'alcool qui commence à le ronger. Du 5 au 17 mai 1981, en pleine campagne électorale qui mènera François Mitterrand au pouvoir, le public de l'Olympia fait un véritable triomphe au chanteur, lui témoignant ainsi son affection et sa solidarité dans l'épreuve.
1982 : "Le zouave du pont de l'Alma"
En 1982, Serge Reggiani, encouragé et soutenu par Alain Goraguer et Jacques Bedos, enregistre un nouvel album, "Le zouave du pont de l'Alma". La sortie du disque en octobre est suivie d'une tournée durant tout l'hiver 82-83. La tournée se termine à l'Olympia du 15 mars au 10 avril. Affaibli par l'alcool, Reggiani doit chaque soir lutter contre son épuisement.
En 1984, Reggiani sort son dernier album original chez Polydor qu'il quitte pour le label Trema. En fait, ce sont les Fables de La Fontaine qu'il enregistre en tout dernier lieu chez Polydor en 1985.
Reflétant son humeur solitaire de l'époque, Serge Reggiani pratique de plus en plus souvent la peinture. Sa première exposition aura lieu en 1989. Le 25 mars 1985, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur. Du 14 au 28 janvier 1986, Serge Reggiani est de retour sur la scène de l'Olympia, qu'il retrouve encore en 1989 et en mars 1991, année de ses 25 ans de chanson.
En 1989, sort un superbe album, "Reggiani 89", dans lequel chaque chanson fait le portrait d'un personnage célèbre pour lequel Serge Reggiani a une admiration particulière. Tous les textes sont signés par Claude Lemesle et évoquent des artistes du passé (Adèle Hugo, Camille Claudel, Molière), des artistes du XXème siècle qui ont traversé la vie de Reggiani (Pablo Picasso, Charlie Chaplin) ou des proches du chanteur, en particulier Noëlle Adam, compagne de Reggiani depuis une vingtaine d'années.
Deux ans plus tard, sort l'album "Reggiani 91". Reggiani, qui a arrêté la boisson suite à de très sérieux problèmes de santé, reprend goût à la vie après des années 80 difficiles.
En 1992, sort une intégrale de 8 CD faisant le tour de la carrière du chanteur. Simultanément, paraît un coffret de 5 CD qui renferment les plus belles lectures que Serge Reggiani a fait de ses écrivains et poètes favoris : Albert Camus, Victor Hugo, François Villon, Arthur Rimbaud et même Serge Gainsbourg.
1993 : "70 balais"
Début 1993, Serge Reggiani célèbre ses 70 ans dans un album au titre explicite, "70 balais", album dans lequel Reggiani s'essaie pour la première fois à la composition. Affrontant son âge avec optimisme et même enthousiasme, l'artiste s'installe sur la grande scène du Palais des Congrès du 23 février au 7 mars devant 3000 spectateurs par soirée. Le 15 juillet, Serge Reggiani donne un concert aux Francofolies de La Rochelle devant un public jeune et chaleureux.
En 1995, Serge Reggiani, qui déclare ne pas avoir été aussi en forme depuis longtemps, sort un nouvel album, "Reggiani 95" essentiellement composé par Claude Lemesle, avec également deux chansons de Didier Barbelivien, et une de sa fille Célia.
Quinze jours plus tard, c'est un livre ("Dernier courriers avant la nuit") qui est publié et dans lequel Serge Reggiani écrit des lettres à tous ceux qu'il aime et admire, depuis Jean-Paul Sartre à Romy Schneider en passant par Edith Piaf ou l'acteur Lino Ventura.
Du 19 au 24 septembre, il entame une série de concerts à l'Olympia. Chaque soir, après un récital de 33 chansons, il est ovationné pendant plusieurs minutes par un public ému devant la vitalité et la rage de vivre de cet artiste aux multiples talents.
Après avoir longtemps soutenu le rythme d'un album par an, Serge Reggiani semble désormais apprécier la fréquence d'un album tous les deux ans. Très occupé par ses différentes passions (la peinture, la sculpture, l'écriture), la chanson devient finalement une de ses activités parmi les autres.
En avril 1997, paraît "Nos quatre vérités", un nouvel album dans lequel on retrouve l'humour de Reggiani ("Les petits voisins du dessus") et son goût pour les portraits dans "Avenue Montaigne" écrit en hommage à Marlène Dietrich, disparue en 92. A soixante-quinze ans, son enthousiasme reste le même. Pour preuve le fait qu'il continue à faire de la scène. Durant l'été, il est invité dans sa ville natale de Reggio, lors de la fête du quotidien l'Unita, à venir chanter, ce qu'il accepte avec joie. Mais en fait sa véritable rentrée s'effectue au Palais des Congrès à Paris pour une semaine, en septembre.
Du 21 mars au 26 avril, ses peintures sont exposées dans une galerie du quartier de la Bastille. Serge Reggiani trouve dans la peinture un prolongement à certaines de ses chansons dont il donne parfois les titres à ses toiles ("Venise n'est pas en Italie", "La putain"). Très angoissé, il considère la peinture comme un défoulement presque physique et un remède contre le trac.
Retour au pays
Le comédien Reggiani s'est fait plus discret depuis ces dernières années En 1991, son fils Simon, réalisateur, lui offre le premier rôle de son film "Soutien de famille". Serge Reggiani a transmis à ses enfants sa sensibilité et son talent puisque tous pratiquent un métier artistique. Carine est auteur-compositeur, Célia est musicienne, Simon est metteur en scène et Maria est monteuse.
Même son petit-fils, Nicolas, le fils de Stéphan, est devenu chanteur et reprend le répertoire de son père.
Quelques jours avant d'effectuer son grand retour sur une scène parisienne, Serge Reggiani retourne chanter dans son village natal de Reggio Emilia pour un récital émouvant. Puis à Paris, du 12 au 21 septembre 1997, l'artiste est cette fois, acclamé par un public enthousiaste de retrouver cet homme de 75 ans qui, pour eux, fait le tour de sa vie en chansons. De plus, certaines de ses peintures sont exposées dans le hall du Palais des Congrès pendant les dix jours de son passage.
Deux jours après la fin des récitals, le chanteur redevient comédien et commence le tournage d'une série télévisée, "La Clé des champs". Entre télé et cinéma, les projets ne manquent pas pour cet homme toujours avide de pratiquer son métier.
1999 : "Les Adieux différés"
Malgré une santé fragile, Reggiani continue d'enregistrer des chansons. En août 99, sort un nouvel album intitulé "Les Adieux différés", titre sans doute ironique puisque le comédien chanteur y abordent essentiellement le thème de la vie, de la nostalgie, des femmes et de l'amour bien sûr. Rien à voir avec ce qui pourrait être une façon élégante de tirer sa révérence. Alors qu'il expose ses toiles dans une galerie parisienne, il s'apprête à remonter sur scène. Malheureusement, la série de concerts prévue en octobre est finalement annulée car Reggiani est hospitalisé en septembre.
Un an plus tard cependant, en décembre 2000, le chanteur publie, un peu dans l'indifférence, un album en forme de testament, "Enfants, soyez meilleurs que nous" écrit par Michel Legrand et Jean Dréjac pour les textes.
L'année de ses 80 ans, c'est toute une frange de la chanson française qui rend hommage à l'artiste à travers un disque qui paraît le 2 décembre 2002 : "Autour de Serge Reggiani". Des nomsaussi différents que Patrick Bruel, Bernard Lavilliers ("La Java des bombes atomiques"), Magyd Cherfi de Zebda ("Le Déserteur"), Renaud ("Le Petit garçon"), Benabar, Sanseverino, Jane Birkin, le Belge Arno ou Enrico Macias ("Ma liberté")reprennent chacun un des titresdu chanteur. Cet album est réalisé par Jean-Pierre Mader.
Le 24 janvier 2003, le Président de la République Jacques Chirac lui remet la cravate de commandeur de l'Ordre national du Mérite. Le 15 février, aux 18èmes Victoires de la Musique, il reçoit une Victoire d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. Fort de ces marques de reconnaissance et de soutien, il part en tournée, à Paris, au Palais des Congrès les 14 et 15 mars et le 26 avril, aux Francofolies de Spa (Belgique) en juillet, aux Francofolies de Montréal (Canada) en août,de nouveau à Parisà l'Olympia les 7 et 8 octobre, à Genève (Suisse) le 17, puis dansune dizaine de villes de France.
La peinture est sa véritable passion de ces quinze dernières années et ce même automne, il expose ses tableaux au Studio Ombres et Lumières à Paris.
Le départ d'un grand
Serge Reggiani meurt d'un arrêt cardiaque à son domicile parisien le 23 juillet 2004, âgé de 82 ans. Il est inhumé aux côtés de son fils Stephan, au cimetière de Montparnasse à Paris.
Artiste multiple, saltimbanque, Serge Reggiani laisse une œuvre où se côtoient douleur, tendresse et humour. Homme blessé, mais éternel battant, celui qui n'a jamais oublié sa patrie et sa langue d'origine a toujours soutenu certaines luttes politiques, en particulier la lutte contre le racisme et en faveur des droits de l'homme. Symbole du Saint Germain insouciant des années 1950-1960 et de l'engagement artistique exigeant, il restera comme l'une des figures majeures de la chanson française du XXe siècle.
Juillet 2004