Stephan Eicher
De par ses origines tziganes, ce "Suisse errant" issu de la génération punk de la fin des années 1970, a promené son spleen et sa mélancolie dans un univers musical tout d'abord très électronique. Rocker solitaire, il entreprend à la fin des années 1980 un virage classique, entre quatuors à cordes et instruments médiévaux, n'hésitant pas à faire quelques expériences en direction de la world music.
Stephan Eicher naît le 17 août 1960 à Münchenbuchsee près de Berne en Suisse alémanique. D'origine gitane, le père de Stephan est violoniste de jazz. Toute la famille est d'ailleurs musicienne puisque ses deux frères pratiquent également la musique, jazz ou rock.
Enfant difficile et solitaire, Stephan entre à onze ans dans un pensionnat privé de la région où le système d'éducation est différent des systèmes traditionnels. Stephan y apprend les langues et la littérature, entouré d'un environnement cosmopolite. C'est une période d'épanouissement pour cet adolescent avide d'expériences nouvelles.
Il part ensuite pour Zürich où il intègre une école d'art. Il y pratique la vidéo, la composition sur ordinateur et différentes formes d'art avant-gardistes.
À 17 ans, il découvre la scène avec son premier groupe, les Noise Boys. Puis deux ans plus tard, il crée Grauzone, groupe techno punk, avec son jeune frère Martin. C'est l'occasion pour lui d'entrer pour la première fois en studio et d'enregistrer un 45 tours, "Eisbar", qui se vend à 500 000 exemplaires en Allemagne et en Suisse.
Devant ce succès rapide et inattendu, en 1981, Stephan Eicher part pour Bologne où il reste une année.
À son retour en Suisse en 1982, il rencontre le groupe Lilliput, groupe de filles, avec lequel il tourne quelque temps en France et en Allemagne. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de son futur manager, Martin Hess, rencontre qui marque le vrai démarrage de la carrière du jeune chanteur.
Après la sortie d'un mini album solo, "Les filles du Limmatquai", album auto-produit, Stephan Eicher sort son premier album fin 1983, "Chansons bleues". Féru d'ordinateurs, le "son Eicher" est dès ses débuts très caractéristique et très influencé cependant par la musique électronique des années 80, de New Order aux Pet Shop Boys. Le succès est immédiat, même si cet album reste confidentiel.
Dès 1984, on peut le voir au Printemps de Bourges et, dès le 20 juin, il donne un concert aux Bains-Douches, célèbre boîte de nuit parisienne. Cette année-là, Stephan Eicher fait une autre rencontre essentielle, celle de Philippe Constantin, découvreur de talents et éditeur musical (entre autres de Étienne Daho, Starshooter ou Valérie Lagrange). Constantin (futur directeur artistique et PDG de Barclay, décédé en 1996), fait enregistrer à Stephan Eicher son deuxième album, "I tell this night".
"Two people in a room", premier tube
Le titre "Two people in a room" devient un tube, et en mars 1986, Stephan Eicher remplit la salle mythique de l'Olympia de Paris.
Sa voix et son style particuliers obtiennent un énorme succès en France et en Suisse, succès grandissant à chaque tournée que le chanteur entreprend. De plus, il écrit et chante en trois langues, anglais, français et allemand.
En 1986, l'album "I tell this night" est récompensé par le Bus d'acier, que la critique rock lui a attribué.
Dès l'été suivant, sort un troisième album, "Silence". Le premier single, "combien de temps", devient aussi très vite un classique de son répertoire. À partir de cet album, Stephan Eicher décide de s'éloigner un peu de ses ordinateurs. Jusqu'à cette époque, il était seul entouré de ses "machines". Désormais, il souhaite jouer avec d'autres musiciens et briser un peu son image de rocker solitaire.
En 1989, sort l'album intitulé "My place", ainsi que le simple "Sois patiente avec moi". Délaissant cette fois totalement les ordinateurs, Stephan Eicher s'entoure même d'un quatuor à cordes, ce qui déconcerte un peu ses fans de la première heure.
Sur cet album, on découvre les premiers textes du romancier Philippe Djian (auteur de "37°2") dont on retrouvera désormais les textes sur tous les futurs albums du chanteur.
1991 : "Engelberg"
C'est en 1991 que Stephan Eicher devient une star internationale avec la sortie de l'album "Engelberg", du nom d'une station de ski suisse où il enregistre le disque. Pour cela, il s'installe, non pas dans un studio, mais dans le casino de la ville réaménagé pour l'occasion.
Ses textes sont comme à l'habitude en français, en allemand et en anglais, mais la surprise vient d'une chanson, "Hemmige", chantée en dialecte bernois, qui entrera dans les hit-parades européens. Mais c'est surtout le titre "Déjeuner en paix" qui bat les records de vente. C'est à plus de deux millions d'exemplaires que l'album se vend à travers le monde, dont une grande partie dans l'unique canton suisse de Zürich.
Les 11 et 12 janvier 1992, il donne deux concerts à guichets fermés à l'Olympia face à un public en délire.
Le 9 juin 1993, sort l'album "Carcassonne", du nom de la ville du sud de la France où durant l'année 1992, il a conçu et enregistré les douze titres de ce nouveau disque. Installé dans un vieil hôtel de la ville, lieux qu'il affectionne particulièrement, Eicher chante des textes de Philippe Djian sur l'errance et l'amour. Très éloigné du son de ses débuts, il fait appel sur certains titres ("Rivière") à des instruments médiévaux.
1994 : "Non ci badar..."
Durant l'été 1994, Stephan Eicher donne cent quatorze concerts qui serviront de matière première pour l'album en public "Non ci badar, guarda e passa" (Ne pas s'arrêter, regarder et continuer) qui sort fin 1994. Il part également en Afrique à plusieurs reprises pour donner des concerts, et en particulier le 15 décembre où il joue au théâtre de verdure Gilles Obringer de Dakar au Sénégal, partageant l'affiche avec le chanteur Ismaël Lô et le percussionniste Dudu N'diaye Rose.
En juillet 1996, Stephan Eicher est l'invité du prestigieux festival de Montreux en Suisse où il joue entre autres avec la formation tzigane de Roumanie, Taraf de Haïdouks.
En décembre 1996, sort l'album "1000 vies", enregistré entre l'Italie, la Suisse (chez lui à Lugano) et la France. Le premier extrait est "Oh Ironie", mais d'autres titres émergent dont "Forever", ballade soul à la voix haute, ou "Der Rand der Welt", en duo avec le Sénégalais Ismaël Lô.
Bien qu'entouré de prestigieux musiciens (Manu Katché à la batterie), de son auteur fétiche, Philippe Djian, ou d'instruments exceptionnels (la kora du Malien Djeli Moussa Diawara), l'accueil public et critique reste mitigé.
Cependant, les concerts des 20 et 21 avril au Zénith de Paris sont des succès.
1999 : "Louanges"
Trois ans après ses "1000 vies", Stephan Eicher sort un nouvel opus intitulé "Louanges", enregistré dans le casino désaffecté d'Engelberg (comme l'album éponyme). Les textes sont signés Philippe Djian. Quant à la musique, Eicher est volontairement retourné aux instruments, délaissant les machines sauf peut-être sur le titre "le même nez". Le simple, extrait de l'album, s'intitule "Venez danser". Depuis ses concerts en 1996, Eicher ne s'était pas produit en Europe. Il avait décidé de prendre un peu de recul et de partir vers des contrées plus éloignées. Ainsi donc, il était parti en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Avec "Louanges", il sillonne la France et fait un passage à Paris à l'Olympia en octobre 1999.
En juillet 2001, Stephen Eicher se produit sur la grande scène du Festival de jazz de Montreux en Suisse. C'est la première fois depuis 1984 qu'il y joue en solo. Le chanteur est pour l'occasion entouré de nombreuses formations dont un orchestre de quatorze musiciens, un trio tzigane et le Kaos String Quartet. Mais aussi ses vieux amis du Lost & Found Orchestra ou encore Paul Personne.
Ce concert annonce la sortie en octobre 2001 d'une double compilation en deux CD, "Hotel's". Le titre évoque le goût du chanteur pour les innombrables chambres d'hôtel, symbole des tournées, et dont son site regorge d'images. Hommage aussi à l'hôtel Hess d'Engelberg où il enregistra plusieurs fois et où il donna un concert privé en mars 2001, peu de temps avant sa démolition. Le premier CD est un recueil de ses succès et le second, intitulé "Lost & Found, Objets trouvés, Fundbüro", un disque plus personnel où Eicher présente des titres inédits, des versions singulières de son répertoire.
Début 2002, il écrit la musique du film "Monsieur N" de son ami Antoine de Caunes.
2003 : "Taxi Europa"
C'est pendant l'été 2003 que Stephan Eicher sort son nouvel album studio. "Taxi Europa" revient à des sonorités plus rock bien qu'il donne aussi à écouter des chansons au tempo plus lent. Plilippe Djian joue une fois de plus les paroliers pour l'Helvète. Lequel d'ailleurs dans cet opus, mélange allègrement différentes langues européennes, le français, l'allemand, l'italien. Des invités aussi prestigieux que la star allemande Herbert Grönemeyer, Benjamin Biolay pour certains arrangements, la chanteuse Maurane, le Suisse Tinu Heiniger qui chante en bernois ou la surprenante comédienne siffleuse Micheline Dax, se croisent sur ce disque aux atmosphères très changeantes de plage en plage.
Le 21 février 2004, Stephan Eicher est nommé dans la catégorie "Meilleure bande originale de film" à la cérémonie des Césars, à Paris, pour "Monsieur N.". Puis il conduit le "Taxi Europa" sur les routes d’Europe, passant par l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, la France (au festival de la Cornouaille, notamment, en juillet) : un voyage musico-cinématographique qui rassemble les publics autour d’un fond commun qui emprunte au rock, au folk, à la pop.
Cette série de concerts donne l'occasion à Stephan Eicher de livrer un DVD et un CD live intitulés "Tour taxi Europa".
Après la grosse machine rock qu'il a baladée à travers l'Europe, le musicien s'essaie à quelques concerts plus intimistes en 2005, seul avec son ordinateur et ses instruments.
2007 : "Eldorado"
Ayant quelque temps envisagé d'écrire des morceaux plutôt jazzy, Stephan Eicher propose dans son nouvel album "Eldorado" qui sort en avril 2007, onze chansons plutôt intimistes. Retour aux sources pour certains, perpétuelle prospection pour d'autres, Stephan Eicher mise cette fois-ci sur des mélodies ciselées avec finesse. Pour le souffle d'air frais qu'il espère donner, il fait même appel au jeune Raphael, qui écrit "Rendez-vous" et à Michaël Furnon qui lui se charge d'un "Dimanche en décembre". Par ailleurs, il s'entoure de deux écrivains, l'indéfectible Philippe Djian et le Suisse Martin Suter. La production de cet album est assurée par Frédéric Lo.
En mai, il reprend la route et se produit notamment le 30 à Paris au Bataclan.
En 2009, sort le DVD "Eldorado Trio Live", un live enregistré aux Francofolies de La Rochelle l'année précédente.
Après "Eldorado", il collabore avec le romancier Martin Suter sur la comédie musicale "Geri" au théâtre Schauspielhaus de Zurich. Il se lance ensuite dans un spectacle mettant en musique "Les Rêveries du promeneur solitaire" de Jean-Jacques Rousseau, à Genève. Toujours dans une veine littéraire, il accompagne Philippe Djian lors de lectures et effectue une mini-tournée avec ce dernier.
2012: "L'envolée"
"L'Envolée", son nouvel album qui sort en octobre 2012, se présente d'abord comme un cri de colère né de la crise financière de 2008. Il y est entouré de Philippe Djian bien sûr, mais aussi de Miossec avec lequel il a écrit la chanson "Tout doit disparaître", de l'écrivain suisse Martin Suter, des musiciens Avril et Mark Daumail (Cocoon). Les chansons sont courtes et finement ciselées, parfois minimalistes ou avec quelques envolées de cordes et d'instruments à vent. Le collectifs d'artistes canadiens La Royal Art Lodge crée pour l'occasion 12 toiles qui correspondent à chacune des chansons de l'album.
Il donne un concert au Palace à Paris le 17 décembre 2012 et poursuit ensuite une tournée à travers la France jusqu'en mai 2013.
En 2012, il est invité sur l'album de Goran Bregovic, "Champagne for Gypsies" pour sa connaissance de la culture des gens du voyage. Cette rencontre influence durablement les directions artistiques prises par Eicher et ce, pour un bout de temps.
En 2015, il fait une tournée, seul en scène, entouré d'instruments automatisés, intitulée "Stephan Eicher Und Die Automaten". Il s'y livre à une performance artistique visuelle autant qu'auditive, qu'il ponctue d'interventions drôles et/ou pédagogiques.
Le Suisse engage une action en justice contre sa maison de disque Barclay (Universal Music) à qui il reproche de ne pas avoir honoré certaines obligations financières de son contrat.
En 2017, son frère Erich Eicher sort le documentaire "Yéniche Sounds" qui évoque la culture yéniche et notamment son influence sur la musique suisse. Stephan y participe.
2019: "Hüh!"
En février 2019, Stephan Eicher sort son premier album depuis sept ans. Le chanteur a finalement passé un accord avec Universal Music et change seulement de label. Il intègre Polydor.
L'album s'appelle "Hüh!", ce qui signifie "Allez!" en dialecte bernois. Il y revisite son répertoire avec les cuivres et les percussions de Traktorkestar, une formation de 12 musiciens âgés de 25 à 30 ans, originaires de Berne. Cela s'apparente pour lui à un retour aux sources, et à un hommage à ses origines yéniches.
Quatre inédits, dont "Étrange" et "Ce peu d'amour", écrit par Philippe Djian, viennent compléter ces classiques. La pochette rend hommage à l'album d'Alain Bashung,"Fantaisie militaire". Laurent Seroussi reprend la même photo de couverture, remplaçant les nénuphars par des confettis.
Ce projet permet à Stephan Eicher de se produire de nombreuses fois avec le Traktorkestra à travers la France et certaines villes européennes.
2019 : "Homeless songs"
Après quelques années difficiles, le chanteur semble avoir repris ses activités de plus belle. Il concocte 14 chansons qu'il rassemble sous le titre "Homeless songs". Cet album très folk, qui sort en novembre 2019, respire l'apaisement, mais aussi une certaine mélancolie. Philippe Djian et Martin Suter figurent toujours parmi les paroliers. Eicher y chante en français, en bernois, en anglais, voire en dialecte de l'Emmenthal, distillant sa poésie et déployant son élégance à la manière d'un Leonard Cohen. À noter aussi la participation sur ce disque de Miossec et d'Axelle Red sur le titre "La Fête est finie".
Le chanteur suisse démarre sa tournée le 4 octobre et se produit notamment à Paris à l'Opéra-Comique du 18 au 20 novembre 2019.
Novembre 2019