Laurent Garnier
C'est à Boulogne-sur-Seine que naît Laurent Garnier le 1er février 1966 d'un père forain et d'une mère coiffeuse. Fasciné dès 6-7 ans par l'univers nocturne des boîtes de nuit, il s'amuse à en recréer l'ambiance dans sa chambre d'enfant. Largement fourni en disques, sa passion, par un ami de son père, directeur général de la maison de disques CBS, il se forge une collection unique de vinyles.
Disco
À la fin des années 1970, grand fan de la musique disco, Laurent Garnier suit son frère aîné dans les clubs de la région parisienne où réside sa famille, et décide très vite de s'orienter vers ce milieu de la nuit et de la musique. Outre le disco, il écoute tous les courants musicaux du moment, reggae, funk, punk. Ce qui le passionne, ce sont les liens entre la mode et la musique, liens qu'il peut observer directement dans le salon de coiffure de sa mère où il travaille un peu pour se faire de l'argent de poche.
Laurent a 16 ans et avant de songer à devenir DJ, il s'intéresse à la programmation musicale, aux discothèques, aux animateurs qui tous les samedis soirs font danser les foules sur les pistes lumineuses des boîtes de nuit. Avec de petits magnétophones, il commence à enregistrer des titres qu'il enchaîne savamment.
Mais au sortir de l'adolescence, ses parents lui demandent d'apprendre un "vrai métier". Laurent intègre donc une école hôtelière pendant deux ans.
À 18 ans, il trouve un emploi de serveur à l'ambassade de France de Londres, ou il reste un an et demi avant de s'installer à Manchester en 1986. L'Angleterre est une révélation pour cet amateur de vie nocturne. Il découvre la scène house anglaise, alors en pleine explosion, et tout naturellement, devient DJ.
House
En 1987, il découvre l'Hacienda, antre de la scène Dance, située à Manchester, et où Laurent Garnier rencontre Mike Pickering (aujourd'hui leader de Mpeople), DJ attitré du lieu. Il découvre ainsi la house, mélange de dance black et de pop synthétique, née à Chicago quelques années plus tôt. Le mouvement explose au bout de quelques mois et Laurent en profite pour devenir DJ à l'Hacienda sous le nom de DJ Pedro. Son premier set pro se déroule là, le 7 octobre 1987.
En 1988, il rentre en France pour effectuer son service militaire, puis part quelque temps à New York, où il découvre la scène américaine, et le créateur du son house, Frankie Knuckles. Nouvelle révélation pour le jeune DJ qui, de retour en France, se retrouve un peu isolé, au milieu d'une scène house à peu près inexistante.
Maître du jeu, il envahit donc les platines des boîtes à la mode, le Palace ou le Boy, et est un des premiers à insérer la techno dans la programmation. Très vite, son nom suffit à attirer une foule de night-clubbers et ses soirées font courir le Tout-Paris nocturne. Il anime également de nombreuses raves (rassemblements de centaines voire de milliers de personnes dans l'unique but de danser sur des rythmes techno), qui commencent à se multiplier dans le pays et en Europe. Sa singularité vient du fait qu'il joue de tout et sait s'adapter, avec une immense facilité, à toutes les nuances musicales qui émergent jour après jour, techno, trance, goa, ambiant, garage, jungle, sans oublier le disco, qui fait un retour explosif au début des années 1990. Il aime tout et mélange tout avec brio.
Remix
Déclaré maintes fois Meilleur DJ de l'année, il commence à sortir de nombreux maxis CD et de remixes sous différents noms.
Célébré en Angleterre, la presse spécialisée ne cesse de l'encenser. Plus qu'un DJ animateur de soirées, Laurent Garnier est désormais considéré comme un créateur, voire un musicien.
Fin 1994, il sort un premier album sous son nom, "Shot In The Dark". Essentiellement destiné à la danse, ce disque souligne son talent pour l'improvisation sur de longues boucles rythmiques. L'album se vend à 70 000 exemplaires dans une vingtaine de pays, véritable succès pour un album techno français.
Le meilleur
Au même moment, il est distingué quatre fois aux Dance Awards anglais, en tant que meilleur DJ, meilleur artiste/ producteur, meilleur label (F Communications), et meilleur club (il organise les soirées Wake Up, au Rex de Paris). Sa notoriété est immense dans le monde techno.
En 1996, il est élu Meilleur DJ international, et le label anglais React lui demande de produire un "best of". En décembre, paraît donc "Laboratoire Mix", plage unique de 344 minutes, où Laurent Garnier présente une partie de son travail passé.
À cette époque, il anime tous les jeudis soirs une soirée au Rex Club de Paris, et un vendredi par mois, c'est au Queen, fameuse boite gay parisienne, qu'il s'installe.
Fasciné par les "machines", Laurent Garnier cherche en permanence à renouveler son travail, et surtout à faire ressortir le côté "drôle" d'un genre techno qui se prend parfois trop au sérieux.
En avril 1997, sort un album plus introspectif, "30", titre inspiré par son âge au moment de la conception. Réalisé dans ses propres studios, Wake Up Lab, installés dans son pavillon de la banlieue parisienne, ce nouveau disque délaisse un peu la simple Dance pour aborder des influences plus variées tels le jazz, le rap ou le funk et même le reggae dans le titre "For Max".
Dans tous les sens
Passionné par la musique de film, dont il s'inspire aussi sur son dernier album ("Deep Sea Diving" ou "Le Voyage"), il rêve d'une collaboration avec un réalisateur un peu sur le modèle Luc Besson/Eric Serra ("Le Grand bleu"). On retrouve cependant sa trace lors de la plupart des défilés du couturier japonais Kenzo, dont il conçoit la bande-son.
Pour fêter son trente-deuxième anniversaire, Garnier offre à son public une soirée "spéciale Minuit/Midi", soit douze heures de mix non-stop. Cela se passe au Rex Club à Paris.
Le 20 février 1998, Laurent Garnier inaugure la première Victoire de la Musique du Meilleur album français de Dance en remportant la statuette. Quelques mois après la reconnaissance de la musique techno par la Société française des Auteurs Compositeur (Sacem), Garnier ne manque pas de signaler l'importance de ce prix. Plus mature, il oriente ses recherches vers une techno plus mélangée en travaillant pour des chorégraphes, par exemple. Son prix lui donne aussi des velléités d'investissement personnel pour promouvoir les jeunes musiciens et pour lutter contre les problèmes économiques ou d'exclusions qu'ils peuvent rencontrer dans le monde impitoyable de la production musicale.
Olympia archi-comble
Le 18 mai, paraît son nouveau maxi "Coloured City", qui annonce une tournée d'été qui passe par tous les grands rendez-vous de musique électronique de l'été, Sonar à Barcelone, Astropolis en Bretagne ou Boréalis à Montpellier. Le 17 septembre, il se produit à l'Olympia à Paris accompagné de 14 danseurs et musiciens. Il mixe non seulement des disques mais pour la première fois, il joue sa propre musique.
La grande expérience de Garnier l'amène à produire un nouvel album en février 2000, "Unreasonable Behaviour" beaucoup plus abouti que les précédents. Le son est plus varié, plus travaillé. C'est aussi pour lui, l'occasion de mettre en place un site internet uniquement consacré à son travail. Pour la sortie du simple "Greed", les internautes ont à leur disposition les différents éléments qui constituent le morceau (en MP3) et sont invités à le mixer à leur manière. Le résultat est ensuite disponible sur la Toile.
Malgré sa très grande notoriété internationale, Laurent Garnier poursuit sa route tranquillement, mixant tout au long de l'année à travers le monde entier. Après 15 ans de carrière, l'homme ne semble pas blasé : le DJ est toujours aussi efficace et enflamme toujours autant les dancefloors grâce à des sets qui peuvent durer jusqu'au petit matin.
À l'automne 2003, F.Com, son label, fait paraître cinq mixes enregistrés ou diffusés entre mai 98 et mai 2002 et réunis au sein du coffret "Excess Luggage". En même temps, sort un livre "Electrochoc" écrit par le DJ lui-même et un journaliste, David Brun-Lambert, sur l'histoire de la techno.
Fin 2003, Laurent entame une tournée en France. Cela ne l'empêche pas de créer l'évènement du 5 au 7 décembre au Palais de Tokyo, à Paris, pour un "cinémix": une session live qui constitue la bande son de films muets.
L'année suivante, il poursuit un tour d'Europe des clubs. Pour autant, il n'oublie pas le Rex Club, dont il est un locataire régulier. Le 14 septembre 2004, c'est dans cette salle qu'il entame avec le DJ anglais Jeff Mills, "Music: expect the unexpected", un périple musical pendant lequel les deux hommes s'attachent à faire découvrir au public, leurs racines musicales : James Brown, Miles Davis, Bob Marley ou encore Nirvana…
C'est à ce moment qu'arrive dans les bacs français "Life: styles", une compilation sur laquelle figurent ces grands qui l'ont inspiré : Van Morrison, Nina Simone, Serge Gainsbourg… Devant ces choix éclectiques, certains ne manquent pas tousser. Mais les initiés, eux, ne bronchent pas. Ils connaissent le Garnier musicophage, créateur de Pedro Broadcast, une webradio créée en septembre 2002, où le DJ programme ses disques favoris. Ou encore, celui qui, à l'été 2003, partageait la scène du Montreux Jazz Festival avec le pianiste jazz norvégien Bugge Wesseltoft.
2005 : "Cloud Making Machine"
En janvier 2005, il sort "Cloud Making Machine", un album hypnotique composé au cours des quatre dernières années, empreint de jazz. Et qui donne une fois encore un aperçu de la culture musicale impressionnante du monsieur.
Stakhanoviste, Garnier multiplie les dates, les mixes et les projets. En 2006, on le retrouve notamment au Louvre, pour la programmation de quelques "Cinémix". Des sessions dans lesquelles on retrouve, entre autres, le DJ hardcore Manu le Malin ou le duo Bumcello.
En juin, il entame une nouvelle tournée, qui le mène d'une résidence au Cargo à Arles aux plus grands festivals. Il se produit notamment le 16 juillet sur le site exceptionnel du Pont du Gard, à Montpellier, aux côtés du DJ AlexKid et du groupe Avril, ses acolytes chez Fcom. Sur cette tournée, Laurent Garnier est à nouveau accompagné de Bugge Wesseltoft, ainsi que de Philippe Nadaud, saxophoniste français.
Cette série de concerts annonce la sortie, en août 2006, de la compilation "Retrospective 1994-2006". De "Shot in the dark" à "Cloud Making Machine", ce nouvel opus retrace sa carrière au travers de quelques titres phares remastérisés.
En octobre, le chorégraphe Angelin Prejlocaj propose à Aix-en-Provence dans son nouveau lieu de création et de ballet, une œuvre intitulée "Fire sketch" en hommage au peintre Paul Cézanne. La musique est confiée à Laurent Garnier et créée à partir de la partition de "L'oiseau de feu" de Stravinsky.
En 2007, Laurent Garnier revient avec un album un peu particulier, "Public Outburst", concocté à partir d’enregistrements de bœufs, de répétitions et de concerts entre le DJ et trois de ses amis musiciens : Philippe Nadaud aux cuivres et Bugge Wesseltoft et Benjamin Rippert aux claviers. Une intense collaboration qui donne quelques morceaux inédits et surtout un disque très vivant, mélange de jazz, de bits et de sueur.
Pendant l’été, le quatuor donne plusieurs concerts, fier d’enflammer des publics aussi différents que celui des Eurockéennes de Belfort ou du festival de jazz de Montreux.
En 2008, Laurent Garnier régale à nouveau le monde de la nuit et des DJs en sortant l’EP "Back To My Roots" sous l’étiquette Innervisions. Un deux-titres ultra-dansant et hypnotique qui séduit danseurs et fans de techno.
2009 : "Tales of a Kleptomaniac"
Le 11 mai 2009 sort le cinquième album studio de Laurent Garnier, "Tales of a Kleptomaniac", sur lequel il collabore encore une fois avec le saxophoniste Philippe Nadeau. Sombre et empreint de mélancolie, ce disque brasse les genres (rap, techno, jazz, dub), mais son orchestration plutôt jazz, mêlée aux machines, donne au tout une belle unité. Fait rare, le DJ pose sa voix sur un titre ("Dealing With The Man"), mais il fait aussi appel au rappeur MicFlow ainsi qu’à Winston McAnuff.
Laurent Garnier emporte son nouveau cocktail sur scène : le 25 avril au festival du Printemps de Bourges et le 28 mai au Bataclan, à Paris. Comme d'habitude, il écume aussi les scènes et les festivals européens.
Le 13 mars 2010, Laurent Garnier donne un concert qui fait date dans sa carrière. Il se produit salle Pleyel à Paris, une enceinte habituellement dédiée aux musiques classiques. Accompagné par dix musiciens sur scène, le DJ se fait chef d’orchestre pour mixer en live, électro et sonorités jazz. Devant 3.000 personnes assises, il parvient à faire monter l’ambiance avec une standing ovation du public. Un concert qui reste un moment fort pour l’artiste.
Un DVD de ce live paraît l’année suivante, intitulé "It’s Just Muzik" (F Com).
Le DJ poursuit ses collaborations hors des frontières de la techno en signant en 2010 la musique du ballet d’Angelin Preljocaj, "Suivront mille ans de calme". En 2013, il compose aussi la musique de "M. et Mme Rêve", un ballet futuriste de Marie-Claude Pietragalla.
En passionné de toutes les musiques, Laurent Garnier devient en 2013 le co-créateur du festival de musiques actuelles Yeah !, organisé en juin à Lourmarin, en Provence, près de chez lui.
Son autobiographie, "Electrochoc", paraît en octobre 2013. Ecrit avec David Brun-Lambert, le livre revient sur le parcours de Laurent Garnier depuis ses débuts, autant qu’il retrace l’histoire de la techno.
2015 : "Home box"
À l’heure des changements dans les modes de consommation de la musique, le DJ s’interroge sur la pertinence du format album. C’est pourquoi en 2014, il publie consécutivement cinq mini-albums de trois morceaux, sur cinq labels indépendants différents (Still Music, 50Weapons, Musique Large, MCDE et Hypercolour) et dans des sonorités différentes. Ces morceaux, des inédits ainsi que des remixes sont ensuite regroupés sur le coffret "Home Box", sorti en avril 2015, sur son label F Com.
Parmi ses collaborations notables, Laurent Garnier produit en 2015 la musique du cinquième album du rappeur Abd Al Malik, "Scarifications".
En septembre 2017, il devient le premier artiste électro à recevoir la distinction de chevalier de la Légion d’Honneur. Un titre honorifique qui vient à point nommé saluer ses 30 ans de carrière, qu’il célèbre particulièrement lors de deux concerts : le 7 octobre à Londres et le 8 octobre, au Rex à Paris.
Pour l'expo "Electro" présentée à la Philharmonie de Paris en 2019, Laurent Garnier est sollicité pour concocter plusieurs playlists selon des thématiques particulières.
Continuant de se produire sur les scènes du monde entier, il travaille en parallèle à l’adaptation au cinéma de son autobiographie. Confronté aux difficultés de production d’une fiction, le projet se transforme en un film documentaire, "Laurent Garnier : Off the record", réalisé par Gabin Rivoire et rendu possible grâce au financement participatif. Retraçant son parcours et l’explosion de la musique électro sur 30 ans, le film est prêt en 2020 lorsque sa distribution est retardée par la pandémie de Covid-19. Le film sort finalement à l’automne 2021, projeté dans plusieurs salles en France et programmé sur la chaîne Canal+.
2021 sonne aussi la reprise des concerts dans les clubs et les festivals. Laurent Garnier se produit notamment les 24 et 25 juillet au festival électro Nuits sonores à Lyon.
Même si les confinements de 2020 auront été difficiles pour les DJs, privés de se produire sur scène, ils n’auront pas été vains pour Laurent Garnier. Durant 10 mois, il travaille en collaboration avec le groupe de rock The Limiñanas à la réalisation d’un album, construit comme un road-movie imaginaire enregistré à distance entre la Catalogne et la Provence. Ce travail commun, intitulé "De Pelicula", sort en septembre 2021.
Avril 2022