Danyèl Waro

Danyel Waro
© Judith Burrows/Getty Images
Passeport artiste
10/06/1955
Tampon (La Réunion)
Pays:  France
Langue:  Créole
Qualité:  Auteur / Chanteur / Compositeur
Genre musical:  Maloya / Musique du monde

Si le maloya est l’emblème musical de l’île de La Réunion, Danyèl Waro en est sans conteste le porte-drapeau. Musicien autant que poète, fabricant d’instruments et infatigable militant de la cause créole, ce personnage aux convictions très fortes est parvenu en quelques albums à s’imposer comme un artiste de référence sur la scène des musiques du monde.

Biographie: 

Né le 10 mai 1955 au Tampon à La Réunion, quatrième enfant d’une fratrie qui en compte cinq, Daniel Hoarau est un "petit Blanc des Hauts". À Trois Mares, où le père, ancien travailleur journalier, a acheté trois hectares de terrain qu’il cultive, la famille habite une case où il n’y a ni eau courante, ni électricité et vit presque en autarcie. L’enfant travaille la terre plus qu’il ne joue. Dans cette vie dure, austère, la notion de plaisir n’a pas sa place. Les distractions sont rares. La seule musique qu’il entend, c’est à travers le transistor qui sert surtout à écouter les informations.

À quinze ans, le jeune homme découvre Georges Brassens grâce aux disques de sa sœur. Cela lui donne l’envie de mettre son gout pour les mots au service de langue créole. Comme tous les Réunionnais de sa génération, Danyèl Waro n’a pas grandi en écoutant du maloya. Ce blues de l’océan Indien, aux racines africaines, malgaches et indiennes, avait pratiquement disparu. Officieusement interdit, il ne survivait que dans quelques familles avant d’être sauvé par le Parti communiste réunionnais (PCR) alors très populaire sur l’île et qui militait pour l’autonomie de ce département français d’outre-mer.

Instrumentalisée, cette musique traditionnelle héritée du temps de l’esclavage devient le symbole des revendications identitaires. Sensibilisé à ce combat politique par son père, fervent militant communiste, le jeune homme connaît un vrai coup de foudre pour le maloya lorsqu’il assiste en 1970 au concert de Firmin Viry (dont il sera l’apprenti), organisé par le quotidien local du PCR. S’il voit cette musique comme une arme politique contre le pouvoir métropolitain, elle lui donne surtout l’opportunité de se découvrir lui-même et de prendre pleinement conscience de son identité réunionnaise.

1975 : premier concert

Seul, il apprend le rythme, commence à fabriquer ses propres percussions. Le 27 décembre 1975, il fait son premier concert de maloya avec un ensemble de jeunes travailleurs agricoles. Son échec au baccalauréat, après avoir été meneur de grève en classe de terminale, précipite son incorporation en métropole en 1976 pour effectuer son service militaire. Le jeune antimilitariste refuse de porter l’uniforme. Il connaît les conséquences de l’insoumission : deux ans de prison. Dans sa cellule du centre de détention d’Ecouvres, il écrit ses premiers textes en créole qui seront publiés en 1979 sous le titre de "Romans ékri dan la zol an frans".

Après son retour à La Réunion, il collabore jusqu’en 1984 avec la Troup Flanboiyan créée quelques années plus tôt par son frère Gaston et dont le répertoire est constitué de chansons très engagées. La formation se produit entre autres lors des meetings, mais Danyèl prend petit à petit ses distances avec le Parti communiste pour s’inscrire davantage dans une démarche artistique.

1987 : premier enregistrement

En 1985, il accompagne sur scène Lo Rwa Kaf en métropole à l’occasion des concerts que ce doyen du maloya donne au festival Musiques Métisses d’Angoulême et à l’Unesco. Avec sa propre formation, Danyèl Waro enregistre enfin en 1987 sa première cassette avec le soutien de Ziskakan, véritable locomotive du renouveau du maloya. Sur "Gafourn" figurent des textes comme "Soweto", écrit pendant son incarcération. Il touche ainsi ses premiers cachets mais continue à vivre des instruments qu’il fabrique, des stages qu’il donne et des interventions qu’il fait dans les écoles.

Longtemps réfractaire à l’idée de quitter La Réunion et, plus généralement, de faire carrière avec sa musique, il se produit pour la première fois sous son nom en dehors de son île en 1990, au Japon. L’année suivante, il accepte l’invitation du festival Musiques Métisses à Angoulême, en métropole, et donne son premier concert parisien le 24 mai. C’est ensuite le festival Africolor, organisé en banlieue parisienne, qui le fait venir en 1993. Il revient quelques mois plus tard et joue au Théâtre de la ville à Paris, puis au festival Nancy Jazz Pulsations.

Son second album paraît en en 1994. "Batarsité" revendique fièrement la bâtardise de la société réunionnaise, mélangée par nature puisque peuplée par des Africains, des Malgaches, des Indiens et des Européens. Auteur compositeur, Waro est entouré de quatre percussionnistes qui vont demeurer à ses côtés jusqu’à la fin de la décennie.

Deux ans plus tard, tandis que sort le disque "Sega la pente" qu’il partage avec la chanteuse réunionnaise Françoise Guimbert, Waro fait son retour dans les librairies avec un recueil de poèmes en créole publiés sous le titre de "Démavouz la vi".

À l’occasion des élections régionales de 1998, il s’engage politiquement en étant candidat pour la liste Nasyon rényoné dobout qui prône une plus grande place pour la langue créole. Mais malgré sa popularité en tant qu’artiste et en tant que défenseur de l’identité culturelle de son île, le chanteur ne permet pas à la liste d’obtenir plus de 0,77% des suffrages.

1999 : "Foutan Fonkèr"

Sa carrière musicale prend une nouvelle dimension lorsque le label Cobalt, auquel il est depuis resté fidèle, sort son album "Foutan Fonkèr" en octobre 1999. Enregistré en live à Berlin en 1996, il est composé de textes écrits à des époques très différentes – le plus ancien date de 1978, le plus récent de 1994 –, comme c’est toujours le cas dans les albums de Waro.

Le disque est récompensé par le grand prix de l’Académie Charles-Cros et l’artiste est sollicité pour jouer aux Transmusicales de Rennes puis au festival Africolor.

En 2000, il est à l’affiche de la neuvième édition du festival des Nuits Atypiques de Langon, en France. Avec Loy Ehrlich, René Lacaille (qui avait invité Waro sur son disque "Pantapo" en 1999) et quelques autres, il prend également part à un concert initié par Africolor afin de rendre hommage à Alain Peters, figure du maloya, disparue en 1995.

C’est devant son public à la ravine Saint-Leu que Danyèl Waro célèbre la sortie de "Bwarouz" en février 2002. Dans ses chansons, il évoque notamment le sort des Réunionnais exilés en métropole par l’ordonnance prise en 1960 par le Premier ministre Michel Debré. L’artiste a voulu un disque plus lent, plus intime, avec des chansons a cappella qui rappellent que sa voix est son principal outil. Invité à nouveau au Festival Musiques Métisses d'Angoulême, il se produit aussi à Bruxelles en mai, puis remplit trois soirs de suite le Café de la danse à Paris avant d’effectuer une courte tournée française.

2003 : "Rest’la maloya"

En février 2003 paraît l’album "Rest’la maloya", enregistrement live de l’hommage collectif à Alain Peters monté trois ans plus tôt et auquel Danyèl Waro avait participé. Parallèlement, le musicien sort "Sominnkèr" avec Olivier Ker Ourio, harmoniciste réunionnais parti s’installer à Paris dix ans plus tôt. Il s’agit de la première rencontre entre maloya et jazz qu’ils présentent ensemble sur scène à Africolor, alors que Waro vient d'effectuer une tournée française faisant escale aux Transmusicales de Rennes et à la Fiesta des Suds à Marseille.

En 2004, afin de soutenir les petits planteurs réunionnais, l’ambassadeur du maloya fait une tournée dans les hauts de son île. En juin, il participe au Festival Do Boluarte au Mozambique puis à la première édition du festival réunionnais Sakifo qui se tient en août à Saint-Leu.

L’année suivante, Danyèl Waro produit "Sitantèlman", le premier album de son ancien musicien Ti Fred. Il est aussi invité en Chine aux Transmusicales de Pékin où il livre une prestation inoubliable, sous la pluie, bravant les militaires présents pour assurer la sécurité. Quelques jours plus tard, il est au Maroc à l’occasion de la huitième édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d'Essaouira. A la Réunion, lors du festival Sakifo, ses anciens percussionnistes Serz Dafrevil et Loran Dalleau lui rendent hommage en reprenant l’album "Gafourn" avec un orchestre composé de 20 musiciens et 50 choristes.

2006 : "Grin n Syel"

Après avoir terminé l’année 2005 une nouvelle fois au festival Africolor, Waro enregistre les treize morceaux de l’album "Grin n Syel" qui sort en août 2006. Son fils Samy Pageaux Waro, âgé de 24 ans et très remarqué depuis plusieurs années pour ses talents de percussionniste (il accompagne entre autres Nathalie Natiembé), fait partie de son nouveau groupe.

Au cours de l’année, Danyèl Waro se produit notamment aux Musiques Métisses, au Festival du bout du monde en Bretagne et au Sziget, en Hongrie, l’un des plus grands festivals européens. Programmé trois soirs de suite au New Morning à Paris en septembre, il doit ensuite s’envoler pour la Martinique avant de revenir en métropole afin de présenter sa création avec le guitariste français Thierry "Titi" Robin lors de la dix-huitième édition d’Africolor.

Une autre rencontre marque le parcours de Danyèl Waro, celle avec le groupe de polyphonies corses A Filleta. Lors de la 20e édition des Rencontres des chants polyphoniques de Calvi en septembre 2008, les musiciens présentent une création dans laquelle le maloya du Réunionnais et les voix profondes des Corses s'unissent à merveille. Enthousiasmés par cet échange, ils renouvellent l'expérience deux années de suite au festival Africolor en banlieue parisienne (2008 et 2009).

2010 : "Aou Amwin"

L'aventure se poursuit lorsque Danyèl Waro invite A Filleta à venir enregistrer trois morceaux pour son nouvel album. "Aou Amwin" (qui signifie "De toi à moi") sort en 2010 et présente pour la première fois des collaborations avec des artistes d'univers différents alors même que sa musique et les textes restent très ancrés dans la culture réunionnaise. Outre le groupe corse, Waro invite le chanteur sud-africain Tumi (de Tumi & the Volume) sur une reprise de "Mandela", un morceau de son album "Bwarouz" (2002).

Une tournée française s'ensuit et le 31 octobre 2010, Danyèl Waro se rend à Copenhague où il reçoit le prestigieux Prix de l'Artiste 2010 du Womex, le salon international des musiques du monde. Il reçoit aussi le Grand Prix de l'Académie Charles-Cros. A travers ces récompenses, ce sont ses talents de musicien qui sont primés, mais aussi son engagement pour faire connaître et reconnaître le maloya à travers le monde.

En 2011, il participe ainsi à quelques festivals de premier plan en France métropolitaine (Festival interceltique, Escales de Saint-Nazaire…) mais aussi en Belgique, en Croatie, au Maroc ou au Royaume-Uni, avant de poursuivre la collaboration avec les Corses d’A Filetta pour la décliner sur scène, ensemble, sur leurs îles respectives.

L’année suivante, outre une nouvelle série de concerts sur le sol métropolitain, le chanteur réunionnais est programmé à quelques évènements européens majeurs tels que le festival Roskilde au Danemark (130000 spectateurs) ou Les Vieilles Charrues en France (240000 spectateurs).

Au cours de cette tournée sont enregistrés quelques-uns de ses classiques rassemblés sur l’album live – le premier dans sa discographie – intitulé "Kabar" qui parait en 2013. Lors de son concert à La Réunion, Maxime Le Forestier l’invite à ses côtés pour partager une interprétation, en français et en créole, de "La Mauvaise réputation" de Georges Brassens, un artiste qui les a tous deux marqués.

En 2014, sa tournée française sert de cadre au tournage du DVD "Waro Deor". Il se produit également en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Nouvelle Calédonie, avant de terminer l’année en métropole au festival Africolor. Il y revient lors de l’édition 2015 pour une création baptisée "Maloya Palabre", au terme d’un nouvelle tournée d’une dizaine de dates loin de son île, habitude qu’il conserve l’année suivante.

2017 : "Monmon"

En 2017, il se lance dans le Kaz Kabar Tour : une quinzaine de concerts avec Zanmari Baré, considéré comme l’un de ses héritiers sur la scène maloya, qui les mènent aussi bien au festival Rio Loco à Toulouse qu’au théâtre en plein air de Saint-Gilles, scène emblématique de La Réunion. Il sort aussi l’album "Monmon", où le thème de la famille et de la mère est très présent, complété par la participation de son fils Sami Pagaux-Waro et de son épouse. Y figurent aussi une adaptation, en créole de "La Mauvaise réputation" de Georges Brassens ainsi qu’un duo avec le leader d’A Filetta.

Deux tournées successives d’une vingtaine de dates au total sont organisées en 2018, essentiellement en France métropolitaine même si quelques prestations ont lieu en Belgique, en Norvège et au Danemark.

Pour son retour en Europe, fin 2019, il emmène avec lui la chanteuse Ann O’aro, révélation du maloya. La tournée s’achève par un concert de soutien aux militants venant en aide aux migrants, près de la frontière avec Italie.

Après s’être envolé vers l’Inde en février 2020 pour le World Peace Music Festival Sur Jahan qui se déroule successivement à Calcutta, Goa puis Jaipur, Danyèl Waro se produit à nouveau au théâtre en plein air de Saint-Gilles sur son île, rejoint par Ann O’aro. Au même moment, il sort l’album "Tinn Tout", enregistré au studio Oasis, un lieu historique de l’industrie musicale réunionnaise, avec les musiciens qui l’accompagnent en live depuis quelques années, parmi lesquels son fils Bino Waro.

Un de ses textes les plus anciens, écrit durant son séjour en prison en 1975 et encore jamais mis en musique, y côtoie un hommage à Dédé Lansor, figure du maloya, ou une autre adaptation du répertoire de Georges Brassens, "Je me suis fait tout petit". L’album est nommé aux Victoires du jazz dans la catégorie des musiques du monde.

Mai 2020

Discographie
TINN TOUT
Album - 2020 - Cobalt
MONMON
Album - 2017 - Cobalt
KABAR
KABAR
Album - 2013 - Cobalt
AOU AMWIN
Album - 2010 - Cobalt
GRIN N SYEL
Album - 2006 - Cobalt
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