Massilia Sound System
Massilia Sound System est depuis quelques années un des groupes marseillais les plus en vue. Fiers d'une identité sudiste très marquée, comme leurs cousins toulousains des Fabulous Trobadors, ils font office dans la chanson française d'agitateurs culturels dans le petit monde de la chanson française.
Massilia Sound System est un groupe de "rub a dub", mode d'expression proche du rap, dont les origines ne se trouvent pas aux États-Unis, mais à la Jamaïque. Leurs débuts datent de 1984. Le nom que les membres du groupe ont choisi est une fusion entre leur origine marseillaise (Massilia = Marseille en latin) et leur culture musicale qui tourne essentiellement autour du reggae (Sound System = sono ambulante en Jamaïque). Les trois fondateurs se nomment Tatou, compositeur et improvisateur de choc sur scène ; Jali, tchatcheur d'origine sicilienne pour qui les mots se débitent plus qu'ils ne se disent; Goatari, homme du son et des machines.
Reprenant une tradition de troubadours chère à la culture méditerranéenne, ils utilisent la joute verbale en langue provençale et chroniquent ainsi la vie de leur cité. Le patois local leur permet d'affirmer leur identité tandis que le tempo donné par le rub a dub en est le canal de diffusion.
Ragga occitan
En 1988, le groupe rencontre à Toulouse, d'autres musiciens d'inspiration rap : les Fabulous Trobadors et les Bouducon Production. Ils partagent les mêmes idées. Bons vivants, rigolards, ils n'oublient pas pour autant de démontrer que leur culture si particulière est importante face à la mainmise parisienne sur l'ensemble de l'Hexagone.
Massilia fonde son propre label en 1989 : Roker Promocion. Il fait partie de leur plan d'intervention locale. Rien n'est plus important pour eux que de communiquer et de faire connaître le mouvement musical dont ils sont les initiateurs, le raggamuffin occitan. Ils proposent ainsi à des artistes originaires de cette région, d'exercer leur talent sans être obligés d'aller à Paris. Tatou, entouré d'une équipe fidèle, leur sert d'ingénieur du son. Roker Promocion a ainsi permis la sortie de disques ou cassettes de IAM, Fabulous Trobadors et évidemment Massilia eux-mêmes.
En 1989, le trio commence par sortir une cassette de quatorze titres intitulée "Rude et souple". L'année suivante, ce sera quinze autres titres "Vive le PIIM" sur le même support. En novembre 1991, c'est le grand saut : en effet, de nombreux morceaux ayant été enregistrés dans leur studio, une maquette est prête. Un CD peut donc sortir. L'album s'appelle "Parla Patois" et profite d'une diffusion nationale. Le résultat est gai, plein d'humour et on y vante le PIIM, un "parti indépendantiste internationaliste marseillais" invention délirante de la bande. On y parle aussi football, fêtes en tout genre et vie de quartier. "Violent" est le simple issu de l'album. Une tournée est organisée juste après et rassemble tous les aficionados des chaudes ambiances.
Nouveaux fers de lance d'une tradition modernisée, Massilia Sound System sort un second album en 1993 intitulé "Chourmo". C'est ainsi qu'il nomme la bande de copains, le Posse en jargon rap. Enregistré en septembre dans leur "Estudio Zero" (installé à Vitrolles près de Marseille), l'album contenant seize titres, sort en novembre. Il est propulsé grâce au single "Qu'elle est bleue". Comme après la sortie du premier CD, ils enchaînent sur une tournée pendant l'année 1994.
1995 : "Commando Fada"
En 1995, forts de leur expérience d'une petite dizaine d'années, les membres de Massilia Sound System, (qui dorénavant sont cinq), concoctent un troisième album, "Commando Fada", où les rythmes jamaïcains flirtent toujours avec la verve folklorique provençale. L'esprit festif est toujours au rendez-vous et la valeur de leur identité culturelle est inlassablement remise à l'ordre du jour. Souvent offensifs, les Massilia défendent une certaine idée de la cité phocéenne, même s'ils reconnaissent à contre cœur que tous les Marseillais ne partagent pas leurs idées.
Leur énergie est grande et leur message à la jeune génération (les "minots" comme ils disent) quasi politique. Leur mot d'ordre pourrait être : allons de l'avant et forçons les choses. Le 28 juin 1995, ils viennent donner un concert à la Cigale à Paris et "mettent le feu", comme s'il s'agissait d'un match de la célèbre équipe de football marseillaise. La tournée qui s'ensuit est à l'image de ce "but" parisien et les Massilia tournent à travers la France durant de nombreux mois. Début 1997, ils sortent d'ailleurs un live, "On met le Oai partout".
De retour d'un voyage en Inde, ils concoctent un nouvel album intitulé "Aïollywood" en référence à "Bollywood" le Hollywood indien. Ils y découvrent que la musique de film a une place prépondérante et se plaisent à imaginer un doux mélange entre leur ragga et ce folklore si lointain. De retour à Marseille, ils rencontrent Rishi, joueur de sarod (luth), violon et flûte indienne. Goatari, parti vers d'autres horizons musicaux, Lux B et Gari, jusque-là cantonnés dans les seconds rôles et dorénavant parties intégrantes de Massilia, la physionomie du groupe en cette année 1997 se transforme un peu. Même si le premier simple "Pas d'arrangement" est dans la veine des précédents albums, on trouve aussi des titres un peu différents tels "Raja Occitani", histoire de concéder à la continuité quelques changements ! Peu enclins à un retournement radical de leurs positions, Massilia Sound System propose en effet une cuisine musicale quasiment familiale qui sent bon le sud de la France, avec simplement quelques épices importées de l'Asie du sud.
Au printemps 1998, Massilia s'installe à La Ciotat. Ayant délaissé Vitrolles pour cause d'incompatibilité politique avec la nouvelle mairie d'extrême droite, le groupe désire continuer le travail de terrain avec les groupes locaux dans un environnement qui lui convient mieux. Des ateliers de musique assistée par ordinateur, d'écriture et de chant fonctionnent une fois par semaine. Des nombreux projets de cet ordre doivent pouvoir être développés dans ce nouveau cadre.
Leur activité discographique continue, elle aussi, avec la sortie en avril 1999 d'un album de remix intitulé "Marseille London Experience" enregistré avec Mad Professor et les Robotiks rencontrés lors de la dernière Coupe du monde de football.
2000 : "3968CD13"
Un an plus tard, le 19 avril précisément, ils sortent "3968CD13", un album dont la pochette représente une magnifique 2CV, légendaire spécimen de l'histoire automobile française et qui symbolise la convivialité et la résistance (dans tous les sens du terme), maître mots du groupe depuis leurs débuts. Les Massilia Sound System offrent toujours concerts et pastis dans un même élan amical. Et pour la sortie du disque, aux Docks des Suds, sur les quais marseillais, ils ne s'en privent pas. Reggae, ragga, tchatche sont à jamais les éléments constitutifs de leur répertoire, le tout sur des textes joyeux et engagés à la fois.
Collectif quasi familial, le réseau Massilia s'est installé dans une maison au milieu des oliviers. Studios, bureaux, beaucoup de gens vivent, travaillent et se croisent ici dans une ambiance associative et surtout très conviviale pour tous les jeunes artistes de la région.
Très régulièrement, les membres du groupe prennent le micro dans des sound-systems. En octobre 2002, Massilia sort un nouvel album intitulé "Occitanista". On y retrouve outre le ragga made in Occitanie des incursions musicales du côté de l'Afrique avec la participation de Hadja Kouyaté, griotte guinéenne et du Brésil avec le chanteur Naçao Zumbi.
Massilia part directement en tournée et se produit notamment à Marseille le 12 octobre pour la Fiesta des Suds et à Paris le 12 décembre au Bataclan. Au printemps 2003, le groupe repart sur les routes de France pour une vingtaine de concerts.
20 ans !
Après une année 2003 marquée par une tournée effrénée de plusieurs mois, le Massilia Sound System a soufflé ses vingt bougies lors d’un unique concert au Dock des Suds le 7 mai 2004 à Marseille. À cette occasion, les troubamuffins phocéens publient "Massilia fait tourner", un double CD/DVD live.
Les membres du groupe s'investissent alors dans des projets personnels qui leur tiennent à cœur. On retrouve ainsi Tatou et Blu dans une formation nommée Moussu T e leï Jovents, portée sur la tradition marseillaise et occitane, avec trois disques à leur actif ("Melle Marseille", "Forever polida", "Inventé à La Ciotat"). De leur côté, Gari et Lux s'associent et montent Oïstar, un groupe tendance rock. Ils sortent deux disques sous ce nom : "Oistar" (2004) et "Va à Lourdes" (2006). Jali sort lui aussi un album sous le nom de Papet J en 2006 intitulé "Papet-J.com".
Après cet intermède, le groupe se retrouve pour un nouvel album qui sort en octobre 2007 : "Oai e Libertat". Reprenant les thèmes familiers du groupe, les chansons élaborées à partir de riddim (séquences musicales tirées de la musique jamaïcaine), sur lesquelles on travaille les textes renouent avec leur première façon de travailler, celle de leur début. Désireux de poursuivre la fête, le groupe reprend la route pour une tournée qui se prolonge jusqu'à l'été 2008.
Absent de cette tournée pour raison de santé, Lux B, figure emblématique du Massilia, décède le 18 juillet 2008 à l'âge de 47 ans, laissant un grand vide derrière lui.
Après le temps du deuil, les membres du groupe se consacrent à leurs projets parallèles, Moussu T e lei Jovent pour Tatou et Blu, en solo pour Papet J et Oai Star pour Gari.
2014 : "Massilia"
L’envie de se retrouver se fait sentir à l’approche des 30 ans du collectif. C’est ainsi qu’en octobre 2014 paraît leur huitième album, sobrement intitulé "Massilia". La recette reste fidèle à leur identité : des morceaux festifs, des thèmes qui content la vie quotidienne autant que les travers de la société, un melting pot d’influences musicales et l’occitan, bien sûr.
Leur trentième anniversaire est dignement fêté sur scène à l’occasion d’une nouvelle tournée. Elle commence dans leur fief, lors de la Fiesta des Suds à Marseille devant 8000 personnes le 16 octobre 2014. Les Massilia continuent à se produire partout en France. Ils sont notamment à l’affiche d’une vingtaine de festivals en 2015. La distribution de pastis, véritable tradition pour le groupe, est toujours au rendez-vous. La tournée se poursuit les années suivantes pour venir se clôturer à la Fiesta des Suds à Marseille en octobre 2018.
Parallèlement, deux projets ont contribué à mettre en lumière le groupe marseillais. L’année 2014 voit ainsi la parution du livre "Massilia Sound System, la façon de Marseille", de Camille Martel. Ce portrait retrace leur parcours et leur apport à la cité phocéenne et à la culture occitane.
En 2014 et 2015, le réalisateur Christian Philibert s’est immiscé dans la vie du groupe pour en saisir le quotidien avec sa caméra. Cette expérience donne lieu à un documentaire, qui sort en 2017, intitulé "Massilia Sound System, le film". Celui-ci, boudé par les financeurs, voit le jour grâce à la mobilisation de 700 donateurs.
2021 : "Sale caractère"
Un neuvième album se prépare. Le groupe l'écrit et l'enregistre "à la maison", c’est-à-dire dans son studio de Beaumont à Marseille, entre septembre et décembre 2020, en plein confinement dû à la pandémie de Covid-19.
Un parti pris plus électro dynamise l'entreprise, toujours inscrite dans la veine du dub jamaïcain. Si on est toujours dans un esprit de camaraderie festive, certaines chansons rappellent la difficile réalité de l'époque comme "Drôles de poissons" en référence aux migrants qui se noient en Méditerranée. Toujours dans une verve très occitane, le collectif reste la valeur principale du groupe. Massilia reprend son bâton de pèlerin et entame une nouvelle tournée après la sortie en juin 2021, de cet album intitulé "Sale caractère".
Août 2021