Ba Cissoko
Le joueur de kora guinéen Ba Cissoko sort son premier album à 36 ans: une attente qui lui a permis de prendre le temps des rencontres. Sa musique constitue un savant mélange entre le son de la kora et des influences rock, reggae et blues. Et ses textes hésitent entre les principales langues guinéennes : malinké, soussou et peul.
Ba Cissoko naît en 1967 à Koundara, en Guinée, à 600 kilomètres de Conakry. Son père, fondateur du ballet Djoliba, joue de la kora pendant les représentations. Ba, lui, n’est pas vraiment intéressé par la pratique d’un instrument. Surtout pas la kora qu’il estime ringarde, comme beaucoup de jeunes à l’époque. L’école non plus ne l’attire pas. Malgré les pressions de son père, griot, il reste obnubilé par le foot. Il est d’ailleurs devenu aujourd’hui l’un des ambassadeurs officiels de l’équipe nationale de Guinée.
Rien ne le fait changer d’avis jusqu’au jour où... Alors que Ba a 14 ans, son oncle rend visite à la famille. Apprenant les difficultés d’éducation de Ba, il propose de le prendre sous son aile et de lui apprendre la kora. Car cet oncle n’est pas inconnu : il s’agit de M’Baty Kouyaté, un des grands maîtres de la kora. Il est ravi de trouver chez ce neveu un élève et un moyen de transmettre la tradition familiale alors que tous ses enfants délaissent cet instrument.
Il entraîne son neveu de village en village, où il chante pour le chef des lieux ou lors d’occasions particulières comme les mariages ou les baptêmes. Ils parcourent ainsi la Guinée-Conakry, la Guinée-Bissao, la Gambie, le Sénégal… Le jeune Ba se laisse persuader par son oncle et apprend peu à peu les bases de la kora. Mais Ba n’est pas encore passionné, ni convaincu. Le déclic se produit au Sénégal, en Casamance. Il rencontre là-bas des jeunes de son âge, membres d’une école de kora. Cette découverte lui donne le courage de s’impliquer dans cet instrument. Il y vit quelques mois, apprend la tradition de la kora, cultive le riz tous les matins avec les autres élèves…
En 1983, il retourne à Conakry pour s’y installer. Son oncle le fait rentrer dans le Théâtre national d’enfants où il continue son apprentissage, sous la férule de chefs de kora. Il se familiarise aussi avec d’autres instruments. Au bout de deux ans, son oncle intervient encore dans son parcours et lui ouvre les portes de l’ensemble instrumental de Guinée dont il est le directeur. Mais Ba trépigne. Il veut évoluer et jouer ses propres créations.
Après six mois de patience, il quitte l’ensemble. Il tente de jouer dans les hôtels de Conakry, mais toutes ses tentatives échouent. Par chance, un jour, la femme d’un directeur d’hôtel l’entend dans un restaurant, apprécie son style et lui propose de venir jouer dans l’établissement de son mari. On est au début de l'année 86. Il accepte bien sûr et alterne alors les mélodies de blues, de jazz, de reggae et les chansons de variété occidentales, selon les demandes des clients de l’hôtel.
Premier groupe
En 1992, un coopérant français, Gilles Poizat rend visite à M’Bady Kouyaté. Il joue déjà de la trompette, mais veut s’initier à la kora. Kouyaté le confie à Ba Cissoko. Les deux musiciens s’entendent bien et créent alors le groupe Tamalalou (Le voyageur). Le groupe se forme avec d’autres musiciens et des danseurs de passage. Pendant plusieurs années, Tamalalou se produit en Guinée et bientôt en France. L’association Nuits Métisses les repère et les invite à jouer et créer avec des groupes français, notamment avec les Marseillais de No Quartet. Les années suivantes, ils participent à plusieurs reprises au festival Nuits Métisses. En 1999, malheureusement, l’aventure Tamalalou s’arrête. Ba forme alors avec deux des fils de M’Baty Kouyaté, Kourou et Sékou, ce qui n’est encore qu’un trio… Ba Cissoko.
Fin 1999, le nouveau groupe est invité au festival du Théâtre des Réalités, à Bamako. Dans le taxi qui les y emmène, ils rencontrent Ibrahim Bah, qui devient le quatrième membre de Ba Cissoko. Pourtant, en France, le groupe reste un trio pendant plusieurs mois, car les représentations y ont lieu sans Ibrahim, par manque de financement. À la fin de l’année 2001, enfin, il parvient à se joindre au groupe. Depuis 2000 déjà, Ba Cissoko enchaîne les allers-retours entre l’Europe et la Guinée. En France, le groupe enregistre des démos durant les concerts et crée des morceaux avec d’autres musiciens comme Ivy Slam, DJ de Marseille.
2003 : "Sabolan"
Le premier album studio de Ba Cissoko, enregistré à Martigues, sort enfin en octobre 2003, sous le nom de "Sabolan". Il évoque Taouyah, le quartier de Conakry où ils habitent, les mariages forcés "qui sont d’un autre âge", leurs mères, l’amour… Désormais, Ba n’a qu’une idée en tête : développer les équipements musicaux en Guinée. Il a déjà ouvert un café-concert pour accueillir les jeunes musiciens. Et ne compte pas s’arrêter là.
En 2004, il enchaîne plus de 70 concerts, qui le conduisent entre autres en Belgique, Autriche, Allemagne, Suisse, Lituanie, Slovénie, Hongrie, aux Pays-Bas, au Japon. En France comme ailleurs, il est à l'affiche d'un grand nombre de festivals et de rendez-vous des musiques du monde, comme le Womad (World Of Music, Arts & Dance), le Womex (World Music Expo) ou le festival des Musiques métisses d'Angoulême.
En décembre, il est l'un des trois finalistes en lice pour le prix RFI Musiques du monde et se produit à cette occasion à Bamako, au Mali.
L'année 2005 est chargée pour Ba Cissoko. Du 20 au 22 mai, il participe activement à la première édition du festival Kora et Cordes à Conakry et y fait valoir son jeu si particulier de kora, entouré de Sékou Kouyaté à la kora électrique, Kourou Kouyaté à la basse, Ibrahima Bah aux percussions. Le mois de juin éloigne le groupe de Conakry pour le temps d'une tournée internationale : direction l'Angleterre, la Suisse, le Canada, en passant par Paris, pour le soir de la Fête de la Musique, le 21 juin. Ba Cissoko a en effet été choisi pour représenter la Guinée au concert Musiques du monde du Ministère chargé de la Coopération. Gros succès.
Le groupe Ba Cissoko joue à Dakar en décembre 2005, en tant que finaliste du concours du Prix RFI Découvertes Musique du Monde. Sa prestation, remarquée, n'est cette fois encore pas récompensée par le jury. En 2005, le Prix revient en effet à Tchéka, guitariste et chanteur cap-verdien…
En 2006, le groupe multiplie les collaborations et décloisonne davantage la pratique de la kora. Il joue notamment avec le trompettiste Gilles Poizat et vagabonde sur le terrain du jazz, du reggae ou du funk. Ba Cissoko s'enracine davantage à Marseille et y noue des relations fortes, avec notamment la structure Nuits Métis, qui lui présente bon nombre de musiciens, et lui ouvre davantage de perspectives… Entre 2004 et 2006, Ba Cissoko et son groupe donnent plus de 200 concerts aux quatre coins du monde.
2007 : "Electric Griot Land"
En 2007, le groupe sort "Electric Griot Land", un album qui explore les potentialités de la kora rock et de la pédale multi-effets sur la kora. Le groupe guinéen présente l'album à un New Morning bondé le 17 avril 2007, avant de s'envoler pour deux mois de tournée américaine.
L'année suivante, Ba Cissoko participe à la compilation "In the name of love, Africa celebrates U2" en reprenant le fameux titre "Sunday Bloody Sunday" du combo irlandais.
Début février 2009, sort un nouvel album de Ba Cissoko intitulé "Séno", qui signifie "agriculture". Dédié à sa grand-mère, qui l'emmenait aux champs lorsqu'il était jeune, cet opus se veut un retour aux sources acoustiques, après l'expérience électrique d'"Electric Griot land". Il a été conçu à Conakry, mais aussi sur les routes, en tournée. Le groupe Ba Cissoko recrute d'ailleurs un autre guitariste, Abdoulaye Kouyaté. Ils sont désormais cinq sur scène, quand ils entreprennent une grande tournée des festivals d'été, après avoir donné un concert parisien à la Bellevilloise, le 19 mars 2009.
Il part ensuite sur les routes du monde pour présenter sa musique. Accompagné de son cousin, Kourou Kouyaté à la basse, Alhassane Camara à la batterie, Abdoulaye Kouyaté à la guitare mandingue et Karamoko Bangoura à la kora, Ba Cissoko joue en France, mais aussi en Corée du Sud et au Japon, au Vietnam et partout en Europe.
Il trouve tout de même le moyen d'enregistrer un nouvel album intitulé "Nimissa" qui sort en 2012, dont la réalisation est confiée au Français Philippe Eidel. Hormis un quintet de musiciens, il fait aussi appel à une section de cuivre, mélangeant les rythmes reggae, l'énergie de l'afrobeat, voire quelques sonorités latino.
On le retrouve en concert le 2 février à Paris à l'Alhambra (festival Au fil des voix), puis en tournée française.
2016 : "Djéli"
En mai 2016, Ba Cissoko revient avec un sixième opus "Djéli" où il modernise de nouveau la tradition mandingue. Ce joueur de kora n’hésite pas à faire des infidélités à l’instrument emblématique d’Afrique de l’Ouest et à lui préférer le ngoni ou la guitare. Outre ses chants en wolof, malinké et pulaar, il reprend également pour la première fois de sa carrière des refrains en français.
Suite à la sortie très remarquée de son album, le groupe entame un "Djéli Tour 2016".
Janvier 2017