Beethova Obas
Apparu sur la scène musicale haïtienne au début des années 1990, Beethova Obas est immédiatement considéré comme un des auteurs-compositeurs les plus doués et les plus inspirés de sa génération. Entre douleur des textes et sensualité des musiques, Beethova Obas créé un blues mordant qui séduit les publics des deux rives de l'Atlantique.
Cadet de cinq enfants, Beethova Obas nait en 1964 en Haïti dans une famille où l'art occupe une place prépondérante. Il est le fils du peintre Charles Obas, lequel est assassiné en octobre 1969 après s'être rendu au palais présidentiel de Port-au-Prince pour y manifester sa désapprobation face à la répression menée par le régime dictatorial de François Duvalier.
Grand amateur de musique, en particulier des œuvres de Beethoven et Tchaïkovski, le père de Beethova conservait de nombreux instruments au milieu des toiles de son atelier. C'est dans ce lieu désormais déserté que son fils va décrocher l'accordéon, puis la guitare, et apprendre à en jouer en solitaire, influencé par certains de ses compatriotes comme Ti Paris (Achille Paris), Rodrigue Milien, et surtout Boulo Valcourt et Manno Charlemagne qu'il tient pour ses deux mentors. Lorsque ce dernier, chanteur engagé contraint un temps à l'exil, revient en Haïti en 1986, il propose à Beethova de l'accompagner en créant la chorale Konbit Kalfou.
Très proche du courant contestataire "rasin" (racines) de Manno Charlemagne, le jeune homme apprécie aussi le compas, sorte de lent merengue typiquement haïtien, ainsi que le jazz, la chanson française ou encore la musique brésilienne.
Quand il se fait un nom sur la scène locale, c'est d'abord en tant qu'auteur-compositeur. En 1987, il collabore avec la chanteuse Émeline Michel pour laquelle il écrit un titre qui remporte un succès certain, "Plezi mize". Puis, c'est son jeune frère Emmanuel qui remporte le concours "Konkou Mizik" avec le titre "Lage L".
Passer du rôle strict d'auteur-compositeur à celui de chanteur se fait à la faveur de circonstances inattendues : en décembre 1987, il rédige les paroles de "Nwel Anmé" ("Noël amer"), un titre de Noël critique envers le pouvoir en place. En studio, tout le monde attend Manno Charlemagne qui est censé l'interpréter, mais celui-ci préfère ne pas venir, informé que les autorités le recherchent. Beethova le remplace alors au pied levé. C'est un énorme succès.
L'année suivante, il est élu Meilleur jeune chanteur par le jury du concours Découvertes RFI dont le président est Manu Dibango, très impressionné par cette nouvelle voix.
Premiers enregistrements
En 1990, Beethova sort une cassette de ses tout premiers enregistrements, "Le Chant de liberté". Il est désormais un artiste très connu en Haïti. Lorsqu'en juillet 1991, les Antillais de Malavoi font une tournée sur l'île, Beethova Obas se lie d'amitié avec Paulo Rosine. Ce dernier est très intéressé par le talent du jeune Haïtien et le convie à participer à l'enregistrement de leur prochain album, "Matebis". À cette occasion, Beethova suit le groupe dans une triomphale tournée antillaise et française. Son duo avec Malavoi l'introduit sur la scène world-music internationale et lui permet de rencontrer tous ceux qui vont pouvoir l'aider à produire son premier album.
Après un retour au calme en Haïti, l'île connaît un putsch politique en 1992 et le retour au pouvoir des militaires. Beethova Obas part alors s'installer quelque temps entre New York et Porto Rico. Le prêtre-président Jean-Bertrand Aristide retrouve son poste en 1994, et par la même occasion, Manno Charlemagne devient maire de Port-au-Prince. Beethova rentre donc au pays avec un album prêt à voir le jour. C'est ainsi que paraît cette même année "Si", un deuxième disque mais un premier CD. L'accueil est excellent. Si à Haïti on n'a pas attendu "Si" pour découvrir le talent du jeune trentenaire, en Europe, et en particulier en France, c'est une vraie révélation. La critique comme le public sont emballés par la beauté de la voix, la finesse des compositions et la beauté des mélodies. Entre blues, jazz créole et danse aux senteurs brésiliennes, cet album rassemble un tas d'influences très délicatement mêlées. La partition de piano est assurée par un éminent membre de Malavoi, Mario Canonge. Cette fois, Beethova affirme définitivement son talent original.
Une vraie carrière internationale se dessine alors. On le voit sur les scènes des plus grands festivals francophones dont Bourges ou La Rochelle en France. Mais aussi, dans les clubs parisiens dont la Chapelle des Lombards (avril 1994) ou le Hot Brass (13 avril 1995) ou encore sur la scène du Café de la Danse en novembre 1996.
1996 : "Pa Prese"
Dans la lignée du premier CD, en paraît un second en octobre 1996, "Pa Prese". Entièrement en créole, à l'exception de deux titres en français, "Pa Prese" impose un répertoire tout en émotions. Il s'entoure d'une équipe de choc. Outre Mario Canonge de nouveau à ses côtés, on trouve le gratin des musiciens afro-antillais de Paris dont les bassistes Thierry Fanfan (Martinique) et Étienne M'Bappé (Cameroun).
La petite salle du sentier des Halles l'accueille du 3 au 14 février 1998. Puis, après une tournée antillaise en juin, il s'envole pour le festival Pirineos Sur en Espagne et le Festival Nuits d'Afrique de Montréal en juillet .
En 1999, il sort son quatrième album "Planet là" consacré à l'environnement, thème qui lui est cher, puis participe en 2001 au projet "Haïtian Troubadour" qui regroupe les meilleurs artistes haïtiens sur lequel il interprète le titre "Kalot".
Vivant alors entre les Caraïbes et les États-Unis, il joue lors du festival de Jazz de Montréal en juin 2001.
Présent en 2003 sur la compilation "Découvrir" réunissant une sélection de lauréats du Prix RFI Musiques du Monde, le chanteur haïtien fait paraître la même année son cinquième album "Kè’m poze" dans lequel il reprend entre autres un titre de sa compatriote Toto Bissainthe. L'artiste s'appuie sur des rythmes cubains, brésiliens et bien sûr haïtiens pour créer un style appelé "cubhabra".
En février 2006, il est nommé ambassadeur de la paix par l'Organisation des États d'Amérique (OEA) et pilote le Grand concert pour la paix qui se tient à Port-au-Prince le 25 mars devant plus de dix mille personnes. Pour l'occasion, il interprète son nouveau morceau "Gad Devan".
En 2007, il fête ses deux décennies de chanson en se produisant notamment en Belgique, où il s'est entretemps installé en famille, et au Canada.
2010 : "Futur"
Après avoir pris part coup sur coup au festival Vibrations Caraïbes à Paris et à un grand concert pour Haïti organisé au Zénith en 2008, il met sur le marché son album "Futur" en 2010, quelques mois après le tremblement de terre qui a fait près de 280 000 victimes dans son pays.
Pour ce disque, il a enregistré les violons de l'orchestre philharmonique de Wroclaw en Pologne, cherchant à rappeler ainsi les liens méconnus que cet état d'Europe entretient avec son peuple depuis l'époque napoléonienne. Parmi les douze titres figure "Yo", un titre en duo avec Jocelyne Béroard, de Kassav', dont le texte est signé par l'écrivain Patrick Chamoiseau, ou encore "Rien à cirer", clin d'œil à la chanson "African Tour" de Francis Cabrel.
Durant les années suivantes, il est régulièrement invité à jouer aux Antilles françaises, à Paris et en Haïti, notamment en 2014 dans le cadre d'un concert pour la paix à l'initiative de la Minustah (Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti).
En 2015, il s'investit aux côtés de la chanteuse TiCorn dans un hommage à leur compatriote Jean-Claude Martineau en arrangeant et en interprétant plusieurs de ses chansons sur le CD "Zanmi Nou".
Le chanteur participe ensuite à un autre projet discographique collectif baptisé "Vwa Ayiti Pou Lapé" (Les Voix d'Haïti pour la paix), sous la conduite de la Minustah. Le lancement du CD a lieu lors de la Journée internationale de la paix en 2016.
Ambassadeur de son pays dont il défend inlassablement la cause dans des événements caritatifs, à l'image des Voix d'Haïti qui se déroulent à Paris en 2017, il est programmé en 2018 au Festival international de jazz de Port-au-Prince (Papjazz), puis au festival Haïti en folie à Montréal (Canada).
L'année suivante, il continue de célébrer ses "trente ans de carrière" en se produisant à plusieurs reprises sur sa terre natale et joue également au festival Tanmpo Jazz Créole en Guadeloupe ou au festival Sons croisés créoles à Paris.
2020 : "Bon Bagay"
En novembre 2020 paraît son nouvel album intitulé "Bon Bagay" ("des gens biens", en français), un titre destiné à rendre aux Haïtiens leur fierté souvent mise à mal. Réalisé par le pianiste de jazz français David Fackeure, il bénéficie sur plusieurs titres de la présence des musiciens antillais de référence que sont les frères Jean-Philippe et Thierry Fanfant à la batterie et la basse.
Dans un registre acoustique qu'il affectionne, le chanteur ajoute à son propre répertoire une adaptation d'un morceau du Brésilien Gilberto Gil et reprend une chanson de la Guyanaise Josy Masse. Le mois suivant, il se rend en Haïti pour prendre part sur scène aux Rencontres des musiques du monde.
Janvier 2021