Gnawa Diffusion
Le métissage n'a jamais pris un sens aussi fort que lorsqu'on aborde la petite histoire de Gnawa Diffusion. Emmenée par Amazigh Kateb, cette bande de copains est originaire de Grenoble dans le Sud-Est de la France.
Les membres du groupe sont issus de différents horizons, un peu plus loin au large de la Méditerranée. Rap, ragga, reggae, jazz, raï, on trouve de tout chez Gnawa Diffusion. Gnawa comme le peuple du Soudan occidental déporté en Afrique du Nord au XVIe siècle par des seigneurs de Fès et d'Alger. S'ils ont été islamisés, ils n'en ont pas moins gardé leur croyance dans leurs dieux africains.
Combatif
Cette épopée est le reflet symbolique de ce que les immigrés en France ont vécu. C'est Amazigh lui-même qui le déclare et le clame. Il se sent proche de ces hommes déracinés. Fils du célèbre écrivain algérien Kateb Yacine, débarqué en 88 en France à l'âge de seize ans, il développe très vite une philosophie de combatif voir de contestataire. La situation doit changer et les inégalités disparaître. Gnawa Diffusion est le moteur indispensable pour faire passer le message de la contestation.
Le groupe existe depuis 1992. Les textes sont écrits et chantés par Amazigh en trois langues, l'arabe, le français et l'anglais. Côté disque, c'est en 93 que sort un CD cinq titres intitulé "Légitime différence" qui leur permet de se lancer sur scène. Commence alors une série de concerts en France avec des artistes comme FFF, Zebda, Massilia Sound System ou Princess Erika.
Ombre-elle
Remarqué parmi les nouveaux groupes qui allient musique métissée et revendications hexagonales, Gnawa sort un véritable album en 97 en même temps que sa popularité grandit. Avec "Algéria" chez GDO Records et le simple "Ombre-elle", la critique et le public sont au rendez-vous.
Entre acoustique et électrique, le voyage musical prend toute son ampleur avec la prestation du groupe sur scène, comme son passage de deux jours à la grande Halle de la Villette à Paris dans le cadre des "Rencontres des Cultures Urbaines" en novembre 1997. Et pour se faire connaître et reconnaître, rien ne vaut les tournées : l'année 1998 est réservée à ça avec la tournée "Chibani Tour" qui rend hommage aux cultures passées. Avec un sens de la fête certain, le groupe réunit 5000 personnes chez eux, à Grenoble, au printemps 1998.
C'est en janvier 1999 que Gnawa se lance dans l'enregistrement d'un second album qui voit le jour en mai sous le nom de "Bab El Oued-Kingston". Toujours habité par le métissage des cultures, leur travail puise cette fois très loin dans les racines. Preuve en est ce titre, "Chara'Allah", vieux de trois siècles.
Dès la sortie du disque, démarre à Toulouse une tournée qui les mènera en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et dans de nombreux festivals estivaux jusqu'à la fin 1999.
On les retrouve en juin 2000 avec un nouvel album, "Bab El Oued 2". Cette année-là, ils tournent en Algérie en fin d'année avant d'y revenir en 2001 pour une série de concerts.
De cette épopée algérienne, ils graveront un double disque live Live DZ, premier disque live enregistré lors d'une tournée en Algérie.
2003 : "Souk System"
Quatre musiciens sont partis et d'autres ont intégré le groupe. Gnawa Diffusion se compose dorénavant de Pierre et Philippe Bonnet (batterie et basse), Pierre Feugier (guitare), Mohamed Abdenour (banjo, mandole), Abdel Aziz Maysour (guembri), Salah Meguiba (clavier et percus) et toujours Amazigh Kateb.
Le nouvel opus des Grenoblois, "Souk System" sort en juin 2003. Chantés en français, anglais, arabe, les textes semblent plus politiques que dans les précédents albums. Ils font référence en grande partie à l'actualité internationale, entre dénonciation et satire. La recette musicale elle, est toujours plus ou moins la même, reggae, ragga, châabi et musique gnawa.
Le groupe part dès les mois d'été en tournée, en France, au Maroc et en Algérie. À l'automne, il donne une série de concerts en France, accompagné de chanteuses du Sud-ouest algérien dans une création intitulée "Nakhla".
En 2005, en marge des activités de Gnawa Diffusion, Amazigh Kateb participe au projet "Désert Rebel". Avec, entre autres, Guizmo (du groupe Tryo) et Daniel Jamet (ex-Mano Negra), il part au Niger enregistrer un album aux côtés d'Abdallah Ag Oumbadougou, un ancien combattant touareg. Ce projet, basé sur le concept de la "culture équitable", rassemble des musiciens du Nord et du Sud. Les recettes de la vente du disque servent à financer des projets d'accès à la culture.
En 2006, Amazigh retrouve ses compagnons de Gnawa Diffusion pour fêter leurs 10 ans de carrière. En avril, ils entament une tournée qui les mène en Europe, en Afrique, en Asie et en Scandinavie. La tournée est prévue pour durer jusqu'à l'été 2007.
2007 : pause
En 2007, Gnawa Diffusion décide d'arrêter l'aventure. Le groupe donne une émouvante tournée d'adieux à partir du mois de mars, qui le conduit partout en France ainsi qu'en Algérie. En parallèle sort "Fucking cowboys", un CD/DVD live enregistré le 25 novembre 2006 à l'Élysée Montmartre, à Paris. Celui-ci contient en bonus plusieurs traces des différents retours du groupe en Algérie en 2000 ou encore en 2001 après les affrontements meurtriers en Kabylie, ainsi que des extraits d'un concert survolté dans une maison de redressement algérienne.
En 2009, Amazigh Kateb démarre une carrière en solo. Il est l'auteur d'un album autoproduit, "Marchez noir".
Fin 2011, à l’occasion de sa participation au festival Africolor en région parisienne, le chanteur annonce la reformation prochaine du groupe, qui fêtera ses 20 ans et célébrera les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie avec un nouvel album.
Cet anniversaire commence par la parution de la compilation "Audio-Globine : 20 ans d’âge", accompagnée par une tournée qui fait étape en France et passe par le Canada, mais aussi le Japon et l’Algérie. Un nouvel album est commercialisé en novembre 2012. Intitulé "Shock El Hal". Ce projet possède les mêmes qualités militantes mises en avant par le groupe depuis ses débuts et intègre dans sa réflexion le Printemps arabe qui a débuté en 2010. Il contient aussi une reprise de la "Chanson pour l’Auvergnat" de Georges Brassens.
L’année suivante, Gnawa Diffusion donne une douzaine de concerts, en France, en Suisse et au Maroc pour le festival Mawazine à Rabat. On le retrouve en 2014 à nouveau dans le royaume chérifien ainsi qu’en Tunisie, où il revient en 2015, après s’être produit en Algérie à Alger et Oran.
En 2017, il est à l’affiche de la vingtième édition du Festival gnaoua et musiques du monde d’Essaouira au Maroc.
Après avoir été peu actif sur scène pendant quelques années, le groupe retrouve un nouvel élan en 2019 en repartant sur les routes pour une quinzaine de concerts, mais voit ensuite ses plans contrariés par la pandémie de Covid-19. Programmé lors de la quarante-cinquième édition du festival Musiques Métisses en septembre 2021, il célèbre ses trente ans en live en 2022 dans le cadre d’une nouvelle tournée, prélude à un nouvel album annoncé.
Juin 2022