Wasis Diop
Sans être une super star comme Youssou N'Dour, Wasis Diop fait partie des artistes africains les plus recherchés et admirés sur la scène musicale internationale. Voyageur infatigable et curieux, Wasis Diop promène en permanence son subtil jeu de guitare et ses compositions raffinées à travers le monde.
Wasis Diop est né vers 1950 à Dakar au Sénégal où son père est un haut dignitaire issu de l'ethnie des Lébou. Wasis est élevé avec ses nombreux frères et sœurs dans le quartier de Colobane. C'est là que vers 14 ans, il se met à la guitare. N'étant pas issu d'une famille de griots, il n'est pas très facile pour lui de se lancer dans la musique. C'est pour cette raison qu'il quitte le Sénégal au tout début des années 1970 pour la France.
Escales et voyages
Vers 1974, Wasis rencontre un autre musicien sénégalais originaire de Guinée-Bissau, Umban Ukset. Ensemble, ils jouent d'abord en duo puis en viennent à créer une véritable formation, West African Cosmos. Bien longtemps avant ce qu'on appelle la world music, West African Cosmos fusionne les sonorités occidentales et africaines et fait de l'afro-jazz. Pendant des années, le groupe ne cesse de tourner à travers le monde et sort un album sur le label CBS.
Wasis Diop quitte le groupe en 1979 pour travailler seul. Il continue cependant de donner quelques concerts avec eux jusqu'en 1981. Mais, cette période est surtout consacrée aux voyages. Il se retrouve au Japon où il rencontre Yasuaki Shimizu, un musicien japonais avant-gardiste et avec lequel, il travaillera souvent dans les années à venir. Mais surtout, entre 1979 et 1980, il s'installe huit mois en Jamaïque où la scène reggae est alors en train de sortir de ses frontières. Très ami de la mère de Bob Marley, Cedella, Wasis se lie aussi d'amitié avec Jimmy Cliff. Il enregistre même un album d'un style étrange, le reggae-punk, avec le groupe Autocar. En 1980, il quitte l'île et s'installe à nouveau en France.
Expériences et rencontres
En 1981, Wasis Diop travaille en duo avec une chanteuse franco-malgache, Marie-France Anglade. Leur collaboration donne l'album "MFA Kera". Dans la foulée, il enregistre en 1982 pour une major le 45 tours "Airport Love Story" sous le nom Wasis et Wasahel. Puis entre 1982 et 1984, il fait de fréquents allers et retours avec Londres où il rencontre le producteur de la chanteuse Sade, Robin Millar. Il sort alors un 45 tours sur le label WEA.
À partir de 1984, il fait une parenthèse cinématographique et écrit un scénario. Mais, le projet n'est pas concrétisé. Retour à la musique vers 1986 grâce à sa rencontre avec Martin Meissonnier. Il apparaît alors sur certaines compilations, celles produites par Radio Nova en France, mais aussi celles produites par Shimizu au Japon.
Un peu découragé par le manque de succès personnel, Wasis Diop songe à la fin des années 1980 à arrêter la musique. Mais en 1989, de nombreux événements le remettent sur les rails, cette fois pour de bon. Signé par le label Dreyfus, il sort un nouveau 45 tours en mai 1989. Dans la foulée, il retourne au Japon enregistrer un album complet avec Shimizu. Un clip et une tournée en novembre confirment son succès extrême-oriental.
Mais le déclic, ce sont les titres que Wasis compose pour Amina, chanteuse d'origine tunisienne et pour la page "people", compagne de Martin Meissonnier. Celle-ci sort un album en 1989, "Yalil", qui renferme deux titres signés Wasis Diop dont "Ma tisane bout". Mais c'est surtout le titre "le Dernier qui a parlé" qui rencontre tous les suffrages et qui mènera même Amina au concours Eurovision de la chanson en mai 1991. Elle remportera la seconde place du concours.
1992 : "Hyènes"
Cette dernière réussite lui permet de prendre son temps pour travailler à sa propre production en solo. En 1990, il retravaille avec Robin Millar sur l'album du Français Pierre Schott.
Le premier album tant attendu sort en 1992. C'est en fait une musique de film, mais si personnelle qu'elle est considérée comme un album solo. De plus, le réalisateur du film, "Hyènes", n'est autre que le propre frère de Wasis, Djibril Diop Mambety. Les deux frères sont très proches et cet album est le résultat d'une symbiose autant artistique que fraternelle. On y trouve le talent délicat de Wasis Diop et son sens de la synthèse des cultures. Flamenco ou cornemuses celtiques trouvent leur place tout naturellement sur ce disque auprès de la kora traditionnelle et des sonorités gutturales de la langue wolof dont la voix grave de l'artiste se fait l'écho. Ce travail est célébré par la critique et permet à Wasis Diop d'accéder à une certaine notoriété publique.
Essai transformé en 1995 avec un deuxième album, et un tout premier 100% Wasis Diop. C'est avec son ami Yasuaki Shimizu qu'il produit ce CD, "No Sant" (Quel est mon nom ?). On y retrouve les influences celtiques de "Hyènes". Quant aux invités, on croise le Congolais (ex-Zaïrois) Lokua Kanza et la jeune chanteuse ghanéenne francophone, Lena Fiagbe, qui accompagne Wasis sur les titres "African Dream" et "No Sant". Ce dernier titre rencontre d'ailleurs un succès certain sur la scène internationale.
En juin 1995, Wasis est à Paris sur la scène du Petit Journal Montparnasse avant d'assurer la première partie du Sud-Africain Johnny Clegg. L'année suivante, c'est avec une formation acoustique qu'il tourne et fait étape entre autres, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, en banlieue parisienne, en décembre 1996.
On le retrouve sur sa terre sénégalaise en mai 1997 pour le festival de jazz de Saint-Louis.
Désormais considéré comme un des principaux noms de la scène africaine internationale, Wasis Diop sort son troisième album à l'automne 1998. Nommé "Toxu", cet album a un son très synthétique dû à la production du Béninois Wally Badarou. Le ton est très occidental et on est assez loin de "Hyènes" en dépit de la présence du duo malien, Amadou et Mariam. Après Lena Fiagbe, c'est l'Américaine Beth Hirsch (entendue sur l'album de Air) qui partage un duo avec le Sénégalais. Enfin, Wasis se paie même la présence de l'ex-Talking Heads, David Byrne pour une reprise de "Once in a lifetime".
Cinéma
Les musiques pour le cinéma et la télévision, qui lui donnent une grande liberté musicale, représentent une partie grandissante de sa production. Avant de connaître le succès avec la musique, Wasis Diop a commencé comme acteur dans Badou Boy (1970), un des premiers films de son frère réalisateur, Djibril Diop Mambéty. Il joue encore occasionnellement, dans "Les princes noirs de St Germain des Près" (de Ben Diogaye Beye, 1975), "Le onzième commandement" (Mama Keita, 1998) et "Fleurs de sang" (Myriam Mézières, 2002).
C’est en 1992 qu’il passe à la composition pour un autre film de son frère, "Hyènes" ("Ramatou" en wolof), devenu depuis un classique du cinéma africain. Il écrit ensuite la musique d’une dizaine de films dont "TGV" (1998), "la Petite vendeuse de soleil" (1999), "Ndeysaan-Le prix du pardon" (2002), "Djogo-Les couilles de l'éléphant" (2002), d’une vingtaine de documentaires et de plusieurs téléfilms. La reprise d’une de ses chansons, "Everything ...Is Never Quite Enough", dans le remake de "l'Affaire Thomas Crown" de John Mc Tiernan en 1999 lui ouvre les portes de l’Amérique.
En hommage à son talent, le cinéma MK2 Bibliothèque, à Paris, l'invite en mars 2004 à jouer en direct la musique de "Hyènes". Et pendant le festival de Cannes sa musique est diffusée sur les bornes d'écoute de la Croisette, en même temps que celle d'autres compositeurs célèbres comme Lalo Schifrin, Joe Hisaishi, ou Maurice Jarre. Par ailleurs, un court-métrage dont il a composé la musique, "Le sifflet" d’As Thiam, est présenté sur le marché du film et sélectionné pour d’autres festivals.
2004 restera comme une année fertile puisque deux autres longs-métrages bénéficient de ses compositions: "Amours d'enfants" de Ben Diogaye Beye et "Africa Paradis" de Sylvestre Amoussou.
En 2005, Wasis Diop se consacre à la création avec d'autres artistes comme Zé Manel, Koulsy Lamko ou Germaine Acogny, de "Bintou Were, l'Opéra du Sahel". Il en assure la direction musicale. La première du spectacle est donnée à Bamako au Mali en février 2007. En octobre, c'est à Paris au Théâtre du Châtelet, que l'on peut applaudir cet opéra africain.
2008 : "Judu Bek"
Après un long silence discographique, Wasis Diop publie en mai 2008 un nouvel album intitulé "Judu Bek" ("la joie de vivre"). Plutôt acoustique, ce disque ouvre une fenêtre sur l'univers riche de Wasis Diop. Il fait appel à ses souvenirs d'enfance, raconte aussi sa vision du monde ou rend hommage à ses proches disparus (comme dans la reprise de Leonard Cohen "Hallelujah" rebaptisée "L'Ange Djibril", évocation de son frère Djibril Diop Mambety mort en 1998). Avec cet album très personnel, aux ambiances ouatées, chanté en français et en wolof, Wasis Diop offre une vision moderne de la musique africaine. Pour le mixage, Wasis a fait appel à Oz Fritz, collaborateur récurrent de Tom Waits.
Peu après la sortie de cet opus, Wasis Diop commence à donner quelques concerts en Europe.
Entre 2010 et 2013, Wasis Diop opère à un retour aux sources : la musique de film. Ainsi, il composera des titres pour les films "Un homme qui crie" et "Grigris" du Tchadien Mahamat Saleh Haroun, ainsi que pour "Un pas en avant, les dessous de la corruption" du cinéaste béninois Sylvestre Amoussou.
Lors de la 22e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Burkina Faso) en 2011, Wasis Diop reçoit le prix de la Meilleure musique de long-métrage pour l’ensemble de sa contribution au cinéma africain. À cette occasion, on découvre son documentaire sur le plasticien sénégalais Joe Ouakam. En 2013, il fait partie des artistes invités par le groupe français Deep Forest pour participer à l’album "Deep Africa".
2014 : "Séquences"
Le 20 octobre 2014, l’une des voix emblématiques de la musique sénégalaise sort un nouvel album "Séquences" qui réunit ses plus grandes compositions musicales. Ainsi, les seize titres nous font voyager du Sénégal à la France, en passant par le Tchad et Hollywood. Un périple à l’image de ce pionnier de la world music. Impressionnante, la compilation propose également trois musiques inédites, "Parler", "Lima Laloon" et "Mbok" ; évoquant la société de consommation et l’amitié.
S’il apparaît en 2015 comme choriste sur une version de sa propre chanson "Let It Go" reprise par son compatriote Faada Freddy (de Daara-J Family) sur son album "Gospel Journey", c’est surtout dans le monde du cinéma que Wasis Diop continue à œuvrer au cours des années suivantes. Pour le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun, il signe ainsi successivement les musiques du film documentaire "Hissein Habré, une tragédie tchadienne", sélectionné au Festival de Cannes en 2016, puis "Une saison en France" (avec Sandrine Bonnaire et le musicien Bibi Tanga) en 2017. Après le décès de Joe Ouakam, il lui consacre un second documentaire baptisé "17 rue Jules Ferry" en 2018.
2021 : "De la glace dans la gazelle"
À l’Institut français de Dakar, il donne un concert en février 2020, au cours duquel il dévoile des chansons de son album à venir qui paraît en 2021. "De la glace dans la Gazelle" est un disque sans batterie, avec une guitare, des voix et des percussions. Le titre est une métaphore qui fait référence à la venue en France de son auteur, qui laissait derrière lui sa terre africaine. À travers ses nouvelles chansons, Wasis Diop rend notamment hommage au tambour-major sénégalais Doudou N’Diaye Rose ainsi qu’au réalisateur français Jean Rouch, figure du cinéma ethnographique, ou encore à Soundiata Keita, fondateur de l’empire mandingue.
La même année, il travaille à nouveau pour le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun et compose la bande originale du film "Lingui, les liens sacrés", en compétition au Festival de Cannes.
En 2022, il remonte sur scène à Dakar et à Saint-Louis dans son pays natal puis se produit à Bruxelles en Belgique.
Juin 2022