Zao
Avant tout, c'est l'humour qui caractérise le style de Zao. Mais plus qu'un simple amuseur, Zao est un révélateur des maux et des problèmes de son continent. Par le biais du rire et de l'ironie, il fait passer un message politisé et profondément ancré dans son époque.
C'est le 24 mars 1953 que naît Casimir Zoba à Goma Tsé-Tsé, un district de Brazzaville, capitale du Congo. La musique fait partie de son enfance puisque son père est un grand amateur de sanza, sorte de petit piano à touches métalliques. Comme de nombreux enfants en Afrique, Casimir fait son éducation musicale dans les chorales religieuses et les ballets traditionnels dès l'âge de 12 ans. C'est une révélation puisque au lycée, il devient membre de plusieurs groupes et ensembles dont les Adhérents ou les Gloria. Son enthousiasme pour la musique est tel que ses parents trouvent que les études y perdent un peu… De 1973 à 1975, Casimir dit Zao chante dans la très chrétienne chorale de l'Église des Trois Martyrs, histoire de le remettre un peu dans le droit chemin.
Instituteur
Mais, le naturel revient au galop puisque lorsqu'il a une vingtaine d'années, il est recruté par l'ensemble Les Anges, en tant que percussionniste. Sous régime marxiste, le Congo envoie ses groupes vedettes, dont Les Anges, chanter dans les pays "frères" : l'URSS, Cuba, la RDA, le Nigeria. En dépit de ce succès sur la scène musicale, Zao se destine à l'enseignement et intègre l'école normale des instituteurs en 1978.
Il continue parallèlement avec les Anges jusqu'au début des années 1980, époque où il commence à chanter seul. Il ne tarde pas à être repéré puisqu'en 1982, Zao reçoit le prix Découverte de Radio France Internationale, en particulier grâce au titre "Sorcier ensorcelé". Le style Zao est jeté. Une forme très humoristique et très second degré qui habille des chansons aux thèmes parfois très sensibles, voire tabou en Afrique comme la sorcellerie. L'humour est sans aucun doute le pilier de son succès.
Combattant
Ce Prix est suivi dans la foulée du Prix de la meilleure chanson au Festival des musiques d'Afrique centrale en 1983. Cette fois, c'est la chanson "Corbillard" qui frappe le jury par son thème inhabituel. Dans ce texte, Zao raconte l'histoire d'un mort qui ne veut pas aller au cimetière et qui tente donc de convaincre son corbillard de ne pas l'y emmener ! Ce succès séduit le label français Barclay qui signe Zao l'année suivante. Un tout premier album sort en 1984 sous le nom de "Ancien combattant", titre éponyme qui devient un des plus fameux morceaux du chanteur et son premier tube. Antimilitariste, cette chanson aborde un sujet tabou sous un angle caricatural et provocateur. À la fois engagé et burlesque, Zao se détache du paysage musical africain, et en particulier congolais, généralement plus dévoué au soukouss.
Ce premier album mène tout naturellement Zao vers Paris, même si, jamais il ne s'y installera vraiment, contrairement à d'autres musiciens africains. En 1985, il est invité du Festival Nord-Sud près de Paris. L'année suivante, il sort son deuxième album, "Soulard", et joue dans de nombreux petits clubs parisiens. Jusqu'à la fin des années 1980, Zao sort un disque presque tous les ans. En 1988, c'est "Moustique" qui renferme le titre "Apartheid", texte qui fustige à la façon de Zao le régime ségrégationniste encore en vigueur en Afrique du Sud à cette époque. Puis en 1989, on retrouve son humour dévastateur avec l'album "Patron".
Fort de son succès, Zao devient producteur et se consacre en particulier à la musique traditionnelle de son pays. Au tout début des années 1990, il produit un célèbre joueur de sanza, Antoine Moundanda.
Zao l'Africain
Il reprend la route en 1991 avec une formation de 18 musiciens. On le voit alors au Bataclan de Paris en première partie du Zaïrois Ray Lema, dont Zao se sent proche, non par le style, mais par le fait d'avoir fait une autre musique que le soukouss congolais ou la rumba zaïroise la plus courante. Ils ont tous deux une passion pour les sons traditionnels et ont exploité d'autres routes musicales.
Il retrouve le Bataclan en décembre 1993 à l'occasion de la sortie de son album "Zao". Tenté par les nouvelles technologies, il passe ses titres "Ancien combattant" et "Moustique" à la moulinette des remixes. Ces nouvelles versions modernisées ne sont pas toujours du goût de ses fans africains qui pourtant, se précipitent à chacun de ses passages. Zao tourne beaucoup en Afrique. Souvent affublé de déguisements, ses spectacles ravissent les foules. Le sida, les femmes, la bureaucratie, la corruption, Zao aborde nombreux sujets sensibles en Afrique. Mais grâce à son humour, le message passe.
Sa carrière se déroule surtout en Afrique et ses passages en Europe sont de plus en plus rares. En 1997, c'est une tournée des CCF (Centres Culturels Français) qui accueille l'artiste (Bénin, Burkina Faso, …).
En 1998, alors que le pays est en pleine guerre civile, Zao est obligé de quitter Makélékélé, le quartier de Brazzaville qu'il habite. Il se réfugie avec sa famille dans les forêts du Sud du pays pendant plus de huit mois. Vivant dans des conditions difficiles, son fils âgé de quatre ans perd la vie.
"Renaissance" un nouvel album aux treize titres originaux, dont "Lampe tempête" sort en 2000, mais ne rencontre pas le succès escompté. En août 2003, il revient donner un concert en France aux Escales de Saint-Nazaire, prélude à une future tournée. Il rencontre des difficultés avec les autorités françaises quand ses huit musiciens se volatilisent au moment de retourner dans leur pays. Le considérant comme complice dans cette affaire, l'ambassade de France à Brazzaville ne veut plus lui délivrer de visa pour un certain temps.
On le retrouve à Dakar au Sénégal pour Africa Fête en décembre 2004. À ce moment-là, il évoque son découragement par rapport au milieu de la musique. Il envisage de se retirer.
2006 : "l'Aiguille"
Heureusement, il retrouve sa verve pour un nouvel album qui sort en mai 2006 chez Lusafrica. L'album "l'Aiguille" est enregistré dans la capitale congolaise. En français ou en lingala, les thèmes abordés peuvent être graves comme dans "L'aiguille" ou "Mon enfant". Mais il distille aussi son humour légendaire comme dans "Elle a deux diables" ou "Ze t'aime".
En juin, il se produit à Marseille pour l'Africa Fête. On le retrouve le 21 juin pour la Fête de la Musique à Djibouti.
Avec d’autres grands noms de la musique africaine, il participe au bal organisé le 13 juillet 2007 à Paris sur la place de la Bastille, et se rend en Belgique pour le festival Esperanzah ! L’année suivante, nommé directeur artistique du Fespam (Festival panafricain de la musique), qui se tient à Brazzaville, il se produit aussi au Maroc lors du festival Mawazine ainsi qu’en France.
Du Gabon (2010) à la Nouvelle-Calédonie (2012), sa carrière internationale se poursuit en le menant régulièrement en Europe, comme c’est à nouveau le cas en décembre 2014 pour le festival Africolor qui coïncide avec la sortie de son nouvel album intitulé "Nouveau Combattant". Au-delà du clin d’œil à son tube "Ancien Combattant" paru trois décennies plus tôt, le chanteur réaffirme ses positions pacifistes. Il rend aussi hommage à son compatriote Léon Malonga, musicien qu’il avait commencé à produire à la fin des années 90 avant que le projet soit interrompu par la guerre civile.
Lors de la venue à Brazzaville de Stromae pour un grand concert en 2015, Zao fait la surprise au chanteur belgo-rwandais, qui le cite souvent parmi ses références, de monter sur scène pour y interpréter "Soulard", source d’inspiration du tube "Formidable".
En avril 2017, il fête ses 35 ans de carrière devant son public à Brazzaville et à Pointe-Noire, et reçoit les insignes de commandeur de l’Ordre du mérite congolais.
À l’affiche de l’édition 2018 du festival Amani organisé à Goma en RDC, il se produit également au Rwanda voisin dans le cadre du Fespad (Festival panafricain de la danse) et répond favorablement à l’invitation de l’artiste hip hop congolais Master D pour un featuring sur la chanson "LMEM (Le monde est méchant)".
Tandis qu’il célèbre ses 66 ans sur scène dans la capitale congolaise en 2019, il sort un nouvel album baptisé "Liberté" destiné au marché domestique et contenant une quinzaine de chansons.
À l’initiative de deux jeunes artistes de son pays, on le retrouve au micro en 2021 sur le titre "La poupée de Mossaka" de Laïla And The Groove ainsi que sur une version revisitée de son titre "Soulard" signée par Young Ace Wayé, lauréat du Prix RFI Découvertes 2020.
En décembre 2021, il commercialise "Kwiti Kwiti", un nouvel album de dix chansons.
Mai 2022