Booba
Apparu sur la scène du rap français à la fin des années 1990, Booba en est devenu le personnage central, tant sur le plan artistique en apportant un style qualifié de hardcore qu'en incarnant cette musique avec ses clichés et ses dérives, sans oublier son impressionnante réussite commerciale.
Booba, de son vrai nom Elie Yaffa, nait le 9 décembre 1976 à Sèvres, aux portes de Paris, d'une mère française et d'un père sénégalais. Celui-ci fréquente le milieu artistique comme celui de la nuit, et enregistre même en 1978 sous le nom de Yaffa un 45 tours intitulé "Sexy Danse".
Après le divorce de ses parents, le jeune garçon quitte la région parisienne pour aller vivre avec sa mère sur la Côte d'Azur. À 13 ans, il assiste au concert du groupe de rap français IAM à Nice. Puis, à la faveur d'un échange scolaire qu'il cherche à prolonger, l'adolescent découvre les États-Unis. Ces quelques mois passés à Detroit ont un impact profond sur lui : c'est outre-Atlantique qu'il trouvera ses influences et ses modèles, en particulier dans la culture afro-américaine dont il fait sien l'état d'esprit.
De retour en France, il achève sa scolarité avec un BEP (brevet d'études professionnelles) mais s'investit surtout dans le milieu hip hop. D'abord danseur, celui qui a choisi comme pseudo le prénom d'un cousin sénégalais (Boubacar) s'associe au rappeur Ali en 1994 pour fonder le groupe Lunatic, avec lequel il fréquente différents groupes et collectifs hip hop de Paris et sa banlieue (La Cliqua et le Coup d'Etat phonique, Beat de Boul et les Sages poètes de la rue, Time Bomb) et fait ses premiers enregistrements underground. Le duo effectue ses débuts discographiques officiels en 1996 avec la chanson Le Crime paie – qui donne déjà le ton – parue sur la compilation "Hostile Hip Hop", disque emblématique du rap français de cette époque.
D'autres projets suivent (comme "Les Vrais le savent" sur "L432"), qui renforcent la notoriété du groupe. Et si son activité est toutefois mise en parenthèse durant les dix-huit mois que Booba passe en prison après avoir été condamné pour l'agression d'un chauffeur de taxi, sa crédibilité auprès du public rap en sort renforcé. En 2000, Lunatic peut enfin sortir son premier album "Mauvais Œil", rapidement Disque d'or, une première pour un album rap produit en totale indépendance. Peu de temps après son concert à l’Élysée Montmartre en 2001, qui confirme sa popularité, le duo se sépare.
2002 : "Temps mort"
Les ambitions personnelles de Booba ne tardent pas à se dévoiler avec son album "Temps mort" en 2002. Le succès commercial est au rendez-vous, matérialisé par un Disque d'or, mais un nouvel épisode carcéral le prive de liberté durant quelque mois (mis en examen, pour tentative d'homicide volontaire, il est relaxé en 2003). Son écriture lui vaut les honneurs de la prestigieuse Nouvelle Revue française, référence du monde littéraire, qui lui consacre un article en 2003. Cette même année, Booba est aussi à l'affiche de la bande originale du film "Taxi" et fait salle comble à l'Élysée Montmartre.
Pour son troisième album intitulé "Pantheon" qui sort en 2004, le chef de file du rap hardcore français a créé sa propre structure, Tellac Records. L'artiste se revendique aussi hommes d'affaires et crée sa marque de vêtements, baptisée Unküt. Sa renommée de l'autre côté de la frontière belge l'amène à jouer à l'Ancienne Belgique à Bruxelles.
En 2006, le phénomène Booba prend une ampleur inédite : "Ouest Side" se hisse directement en tête des ventes d'album en France et devient rapidement Disque de diamant. L'univers sombre de l'artiste ne l'empêche pas de reprendre la mélodie de "Mistral gagnant" du chanteur français Renaud pour "Pitbull". Il fait aussi les frais de sa célébrité : sa mère et son frère sont enlevés contre une demande de rançon, mais les kidnappeurs sont finalement arrêtés.
Il abandonne en 2007 son fief des Hauts-de-Seine, département de l'Ouest parisien qui fait partie de son territoire revendiqué, pour s'installer à Miami, en Floride, où il mène une existence conforme à son idée du rêve américain. Il revient l'année suivante avec l'album "0.9", dans lequel il évoque notamment son voyage au Sénégal durant son enfance, et la prise de conscience que cela a suscité ("À dix ans, j'ai vu Gorée. Depuis, mes larmes sont éternelles").
2010 : "Lunatic"
Fidèle à son habitude et aux codes du hip hop, il reste présent artistiquement entre deux albums à travers une série de mixtapes, baptisée "Autopsie", dont le troisième volet paraît en 2009, avant le sixième album officiel en 2010, "Lunatic", en référence au groupe de ses débuts, où il invite les stars du rap américain P. Diddy et Akon à partager avec lui le micro.
L'ambiance futuriste mise en avant dans ses morceaux trouve son prolongement naturel en 2012 dans "Futur", certifié par un triple Disque de platine, où l'usage du logiciel Auto-Tune pour modifier les voix en les robotisant devient de plus en plus récurrent, même sur le titre reggae "Jimmy".
Le collectif 92i (en référence au numéro du département des Hauts-de-Seine), qui regroupe autour de Booba d'autres rappeurs des mêmes localités, se structure en 2014 en label pour permettre aux protégés de B2O (son diminutif) de prendre son envol en bénéficiant de son soutien, à l'image du rappeur belge Damso et de sa compatriote Shay. L'artiste businessman lance aussi son média en ligne OKLM.
L'autoproclamé "Duc de Boulogne" (le titre de roi étant déjà pris par le rappeur Zoxea, membre des Sages poètes de la rue), mégalomane assumé, intitule en 2015 son huitième album "D.U.C." avec l'intention de marquer les esprits. Un nouveau Disque de platine atteste d'une indéniable adhésion populaire, quand bien même les textes du rappeur nécessitent souvent des références spécifiques pour être compréhensibles. À travers le morceau "Mon pays", sur lequel il sample et détourne la mélodie de "Rive gauche" d'Alain Souchon, le rappeur prend ses distances avec sa terre natale en des termes volontiers vulgaires.
Moins de huit mois s'écoulent avant la sortie, fin 2015, de "Nero Nemesis", conçu dans l'ombre et commercialisé délibérément le même jour que celui de son concurrent Rohff : il remet ainsi la confrontation sur le terrain artistique alors que les provocations de longue date entre les deux hommes avaient dérapé, Rohff ayant agressé en 2014 un employé de la boutique Unküt de Booba.
L'album, qui sera Disque de platine, contient notamment un remix d'un morceau de Sidiki Diabaté, jeune star du Mali et fils du joueur de kora Toumani Diabaté, un duo avec le rappeur belge d'origine congolaise Damso ainsi qu'un hommage au groupe Assassin, pionnier du rap français.
Pour frapper fort, une tournée d'une dizaine de dates démarre à l'AccorHotels Arena de Paris (ex-Bercy) dès le lendemain de la sortie de l'album, avant de passer par la Belgique et le Suisse. En octobre 2016, il donne son premier concert au Sénégal, au Monument de la renaissance africaine à Dakar. Il répond aussi à l'invitation du Congolais Fally Ipupa pour interpréter avec lui le morceau "Kiname" sur l'album "Tokooos" de la star de Kinshasa.
2017 : "Trone"
À l'affiche en 2017 de quelques festivals internationaux, tels que celui de Carthage en Tunisie, Mawazine au Maroc ou Dour en Belgique, le rappeur propose en fin d'année son nouvel album intitulé "Trone", allusion claire à son statut de roi du rap français – confirmé dans les faits par un triple Disque de platine obtenu en quelques mois. L'artiste collabore à nouveau avec Sidiki Diabaté et Damso, et fait appel au hitmaker Dany Synthé (Maitre Gims, Black M, MHD).
En août 2018, c'est dans la rubrique des faits divers qu'il s'illustre encore, après avoir pris part à une bagarre dans un aéroport parisien avec le rappeur Kaaris, un de ses ex-protégés devenu rival. Libérés après vingt jours de détention provisoire, ils sont tous deux condamnés à une lourde amende et de la prison avec sursis. Quatre jours après le jugement, Booba fait une nouvelle démonstration de force en se produisant à l'U Arena, la plus grande salle d'Europe près de Paris, devant plus de 30 000 spectateurs.
Le phénomène Booba se mesure aussi à l'aune d'autres performances, sur le plan commercial : entre 2016 et 2018, 11 de ses singles ont été certifiés Disque d'or en France, 12 ont été Disques de platine et 5 ont atteint le Disque de diamant !
Présent en 2019 grâce à plusieurs singles comme "Glaive" et "Arc-en-ciel", écrit à l’origine pour la chanteuse Alizée, ou encore sur un titre du rappeur Niska, Booba est programmé cette année-là dans quelques festivals majeurs, comme les Vieilles Charrues en Bretagne, ainsi qu’à Liège en Belgique.
La série des featurings continue en 2020, pour le compte entre autres des rappeurs Leto et Green Montana, tandis que sa chanson "Dolce Vita" fait allusion à la mort de l’Afro-américain George Floyd lors de son interpellation aux États-Unis (“le genou sur la ge-gor, j’avais pas mots”), point de départ du mouvement Black Lives Matter.
2021 : "Ultra"
En mars 2021, il sort l’album "Ultra" qu’il présente comme le dernier de sa carrière et avec lequel il obtient un Disque de platine. Pour ces quatorze nouveaux titres, il a fait appel à différents compositeurs, comme Dany Synthé, et invité à ses côtés les chanteurs et rappeurs Gato, Bramsito, SDM, Maes ou la Russo-Tunisienne Elia, bon nombre d’entre eux étant signés sur les différents labels de B2O. les punchlines bien senties sont encore là, mais l'album est placé tout de même sous le signe de l'apaisement.
Après être remonté sur scène en juin en Belgique à l’occasion du Dour Festival, puis aux Francofolies de La Rochelle (pendant lesquelles un clash l'opposant à Vald a eu lieu), Booba occupe aussi l’espace médiatique en s’en prenant aux influenceurs présents sur les réseaux sociaux, nouveau cheval de bataille qu’il entend mener en déposant des actions en justice pour escroquerie en bande organisée et pratiques commerciales trompeuses.
Le 3 septembre 2022, l’artiste réussit un nouveau challenge en organisant un concert au Stade de France, devant près de 80 000 spectateurs.
Janvier 2023