Didier Awadi
Pionnier du rap en Afrique, co-fondateur du groupe Positive Black Soul avec lequel il s’est d’abord fait connaître à la fin des années 1990, le Sénégalais Didier Awadi est devenu l’un des porte-parole les plus écoutés de la jeunesse de son continent. Sa démarche autant artistique que militante a fait de lui un élément fédérateur de la scène rap africaine.
Didier Awadi naît en 1969 à Dakar où il grandit au sein d’une famille d’instituteurs. À l’église et à la maison, son père béninois joue de l’orgue. Dès le début des années 80, le jeune adolescent est attiré par un tout autre genre de musique : le rap. Influencé par les Américains d’Afrika Bambaata, le Français Sidney et les précurseurs ivoiriens d’Abidjan City Breakers, il commence par organiser des spectacles de breakdance et de smurf dans son lycée. Son premier groupe de rap, le Syndicate, fusionne en 1989 avec la formation concurrente des King MC de Doug E. Tee pour donner naissance à Positive Black Soul (PBS). Abandonnant ses études à l’université, Didier Awadi se consacre à la musique avec son complice. La qualité de leurs prestations n’échappe pas à MC Solaar qui les remarque en 1992 à Dakar et leur donne l’occasion de se produire à plusieurs reprises en Europe.
L'album "Boul Falé" en 1994 leur ouvre de nouvelles portes : PBS rejoint l’année suivante les rangs du prestigieux label Island de Chris Blackwell et démarre une carrière internationale, qui confirme son statut de référence du rap en Afrique.
2001 : "Parole d’honneur – Kaddu Gor"
Après treize années passées avec PBS, Didier Awadi choisit de poursuivre sa route en solo, sans pour autant mettre officiellement un terme à l’existence du groupe. Sa première cassette paraît en décembre 2001. Disponible uniquement en Afrique de l’Ouest, "Parole d’honneur – Kaddu Gor" contient notamment des remixes des chansons d’Alpha Blondy, Salif Keita et Omar Pene. En février 2002, le rappeur présente ses nouveaux titres sur la scène du Centre culturel français de Dakar. Son adhésion aux thèmes développés par les altermondialistes l’amène à se rendre quelques jours plus tard au Forum Social mondial de Porto Alegre au Brésil.
Récompensé en octobre 2003 à Dakar par le Prix RFI Musiques du Monde que lui attribue le jury présidé par son compatriote Youssou N'Dour, le rappeur sénégalais vient jouer à Paris le mois suivant, avant de retourner dans la capitale sénégalaise pour prendre part en décembre au festival Africa Fête. Un autre prix lui est remis en 2004 au Mali où il reçoit le Tamani d’or du meilleur musicien de rap africain.
2004 : "Un autre monde est possible"
Son second album – le premier commercialisé à l’échelle internationale – sort au Sénégal le 20 décembre 2004, suivi neuf jours plus tard par un concert au stade Iba Mar Diop de Dakar. Enregistré en grande partie au Studio Sankara qu’Awadi à monté à Dakar, bénéficiant de l’apport d’instruments tels que la kora, "Un autre monde est possible" résume les critiques et les espoirs du rappeur qui a repris a son compte la devise des altermondialistes. Sur la chanson "Stoppez les criminels", il partage le micro avec Tiken Jah Fakoly, qui milite pour les mêmes causes. En retour, le reggaeman ivoirien invite Awadi sur son album "Coup de Gueule" pour le morceau "Quitte le pouvoir" que les deux artistes interprètent ensemble sur scène à Dakar en mars 2005 à l’occasion du festival Africa Live.
Nommé par le Sénégal et par la France au grade de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres, Didier Awadi effectue au cours des mois de mai et juin 2005 une tournée dans treize pays d’Afrique et de l’océan Indien : Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, l'île Maurice… Les ateliers qu’il anime, en parallèle à ses concerts, lui donnent l’opportunité de rencontrer dans chaque ville les principaux acteurs de la scène rap locale. Il joue également au Brésil avant de retraverser l’Atlantique dans la foulée pour deux concerts à Brazzaville, au Congo, fin novembre.
2006 : "Sunugaal"
L’année 2006 débute par un concert à la Maroquinerie, à Paris. En juillet, son troisième album intitulé "Sunugaal" sort sur le marché sénégalais avant d’être commercialisé dans les autres états d’Afrique de l’Ouest. Dans la chanson-titre, Didier Awadi évoque les raisons qui poussent ses compatriotes candidats à l’émigration clandestine à monter dans de grandes et dangereuses pirogues et montre du doigt les dirigeants de son pays qui n’ont pas tenu leurs promesses. Les artistes ivoiriens Soum Bill et DJ Bombastic participent également à ce disque disponible hors d’Afrique uniquement en téléchargement légal.
En février 2007, on retrouve l’altermondialiste Awadi sur le morceau collectif "Décolonisons !" de la compilation du même nom qui soutient l’action de l’association Survie. Au même moment, le rappeur sénégalais est à Zanzibar où il est venu jouer dans le cadre du festival Sauti Za Busara.
Le 10 mai, journée commémorative de l’abolition de l’esclavage, démarre la tournée française du "Requiem noir", un spectacle musical auquel participe Didier Awadi. D’abord présentée à Dakar en décembre 2006 à l’occasion des célébrations du centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, cette création vise à honorer la mémoire des victimes de l’esclavage, deux cents ans après l’abolition de la traite des Noirs par l’Angleterre.
En parallèle, l’artiste sénégalais se produit sous son nom au festival Musiques Métisses d’Angoulême, puis s’envole en juin vers l’Afrique où il est à l’affiche des festivals Gabao Hip Hop à Libreville et Couleurs urbaines à Yaoundé
2007 : "Présidents d'Afrique"
De retour en France, il présente le spectacle multimédia "Présidents d’Afrique" le 14 octobre 2007 dans la salle parisienne du Bataclan. Ce projet, sur lequel il travaille depuis quatre ans et qui est aussi décliné sous la forme d’un album à paraître en 2008, est une œuvre politico-musicale basée sur des samples de discours tenus par les leaders du continent et de la diaspora. Quelques jours plus tard, il clôture la septième édition du festival burkinabé Waga Hip Hop où il s’était déjà rendu en 2005.
C’est avec un nouveau cheval de bataille– un de plus ! – que Didier Awadi revient dans l’actualité dès les premiers jours de l’année 2008. La chanson "On ne signe pas", mise en ligne sur son site Internet, dénonce les accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique). Des rappeurs originaires d’une dizaine d’états africains rejoignent son initiative, donnant à son combat une dimension panafricaine.
Le 22 avril 2009, Didier Awadi sort une version de "Sunugaal" spécialement calibrée pour le marché européen. Ce disque comprend en plus quelques titres inédits. Le 14 août 2009, le rappeur fête au Sénégal les vingt ans du Positive Black Soul, en donnant un concert événement avec son ancien compère Doug E. Tee.
En avril 2010, Didier Awadi sort enfin, sur disque et au Sénégal, "Présidents d’Afrique". Fusion entre rap et musiques traditionnelles, ce nouveau disque de douze titres rend hommage aux pères fondateurs de l’Afrique : Nelson Mandela, Thomas Sankara, Patrice Lumbumba, Aimé Césaire… chaque morceau contient des extraits de discours des grands hommes.
L’ambition de Didier Awadi avec ce projet ? Questionner les jeunes générations sur ce qu’il reste des rêves africains cinquante ans après les indépendances, en rendant "accessible l’histoire à tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique". On retrouve d'ailleurs sur cet opus, quelques jeunes artistes du continent, tels que Tatapound du Mali, Lexxus Legal de RDC ou Smockey du Burkina Faso qui viennent apporter leur contribution personnelle à ce projet. Cet album sort quelques mois plus tard en France et donne l’occasion à son auteur de se produire à nouveau devant ses compatriotes à l'Institut français de Dakar en septembre.
Son documentaire "Le point de vue du Lion", qui traite de l’émigration africaine vers l’Occident et sur lequel il travaille depuis 2006, est projeté lors du Festival international du film à Cannes en mai 2011, dans le cadre des Cinémas du monde. Quelques semaines plus tard, il est invité pour donner un concert lors de la Fête de la musique à Nouakchott, en Mauritanie, avant de se produire au Gabon puis de participer à la 3e édition du Fesman (Festival mondial des arts nègres) qui se déroule à Dakar en toute fin d’année.
2013 : "Révolution"
Son album "Ma révolution", qui parait en juin 2013, fait la synthèse de ses préoccupations politico-économiques. Celui qui revendique l’influence du révolutionnaire Thomas Sankara, ancien chef d’État du Burkina Faso, dénonce les élections faussement démocratiques, alerte sur la situation au Congo, chante la paix en Casamance (en s’appuyant sur "E’mma", succès de Touré Kunda). Sur le plan musical, l’artiste exprime davantage sa culture reggae sur certains titres, en intégrant une section de cuivres et en s’assurant notamment les services du Jamaïcain Tyrone Downie, anciens claviers de Bob Marley. Sa compatriote Viviane Chedid, figure du mbalax sénégalais, et le rappeur haïtien Wyclef Jean font aussi partie des invités de l’album.
La tournée qui suit passe par le Québec pour Les Nuits d’Afrique, le Bénin, le Maroc, le Burkina Faso pour le Festival de la liberté d’expression et de presse. Après avoir pris part au festival Par ici Dakar, organisé à l'Institut des cultures d'islam à Paris, il est invité à Bamako pour jouer aux côtés des artistes maliens durant le Concert de la réconciliation nationale. Il donne son dernier live de l’année pour le Concert de l’amitié à Dakar. L’Unesco le nomme cette année-là membre du Comité scientifique international du projet "La Route de l’esclave".
En 2014, Awadi prend place dans le jury de l’émission de télévision Island Africa Talent, qui réunit une douzaine de jeunes artistes du continent pendant plus de deux mois. Après s’être produit à Kigali, au Rwanda, ainsi qu’en Mauritanie, il retrouve en décembre son ancien complice Doug E Tee pour reformer temporairement PBS (Positive Black Soul) et célébrer ainsi les 25 ans du groupe, en enregistrant pour l’occasion le mini-album "25 Years" et en se produisant au Monument de la renaissance à Dakar. Cette année-là, on l’a aussi entendu en featuring sur les albums "Recto Vèso" du rappeur slammeur haïtien BIC Tizon Difé et "Sun & Moon" du groupe israélien Black Guru, ainsi que sur le single "Africa Stop Ebola" au sein d’un collectif ad hoc qui réunit une dizaine de chanteurs africains de premier plan.
Après avoir donné en 2015 des concerts entre autres au Niger, en Italie, au Cap-Vert et au Canada, il joue en 2016 en clôture du festival Ciné Droit Libre à Dakar, mais aussi en Suisse, ainsi que dans la capitale sénégalaise pour une nouvelle prestation de PBS. Celui qui fait plus que jamais office de grand frère dans le monde du hip hop africain est invité à partager le micro par les Maliens Tal B et Mastger Soumy sur leurs albums respectifs, mais aussi par le chanteur ivoirien Soum Bill ou le reggaeman suisse Junior Tshaka.
En septembre 2017, Awadi fait partie des artistes programmés pour la Nuit du Mali, qui se tient à l’AccorHotels Arena (ex-Bercy) à Paris. Quelques semaines plus tard, il est à Ouagadougou pour un grand concert collectif destiné à soutenir le projet de mémorial Thomas Sankara.
On le voit aussi cette année-là dans le long métrage "Bienvenue au Gondwana" du Nigérien Mamane où il joue son propre rôle et chante aux côtés de Tiken Jah Fakoly.
2018 : "Made in Africa"
Sur son sixième album "Made in Africa", commercialisé en avril 2018, l’influence de Sankara est à nouveau mise en avant, dans le titre du projet mais aussi à travers plusieurs interludes qui reprennent des extraits de discours de l’ancien chef d’État assassiné en 1987. Pour l’accompagner sur les 23 titres qui alternent les sonorités afro-hip hop et reggae, Awadi a invité le Malien Vieux Farka Touré, l’Ivoirien Alpha Blondy, le Jamaïcain Sizzla, son compatriote Ismaël Lô, l’Ougandais Eddy Kenzo ou encore la Suédoise d’origine sénégalaise Mary Ndiaye.
Il rend aussi hommage au chanteur Omar Pène, leader du Super Diamono qui compte parmi ses modèles, à travers la chanson "Ndaanane". Son compatriote reggaeman Natty Jean, membre du groupe français Danakil, l'invite sur son album "Imagine" pour poser sur la chanson "Prezident".
En novembre 2018, il se produit à l'Institut français de Dakar, puis en Casamance et en Gambie.
Début 2019, il participe au single collectif À travers les Vagues au profit de l'ONG SOS Méditerranée qui vient en aide aux rescapés en mer cherchant à rejoindre l'Europe à partie des côtés africaines. L'artiste militant est aussi programmé à la huitième édition du Festival international de la liberté d'expression et de presse (Filpe) qui se tient en septembre au Burkina Faso, ainsi qu'au Dakar Music Festival organisé en novembre, puis en RDC à Goma en février 2020 lors du Festival Amani destiné à promouvoir une paix durable dans la région.
L'apparition de l'épidémie de coronavirus sur son continent, dans les semaines qui suivent, l'amène très vite à s'engager pour sensibiliser et récolter des fonds, que ce soit avec le projet musical collectif Covid-19 ou avec d'autres artistes de renom comme Youssou N'Dour réunis sous le nom de Daan Corona.
Septembre 2020