NTM

© B. Langlois/AFP
Passeport artiste
Date de création:  1989
Membre:  JoeyStarr, Kool Shen
Pays:  France
Langue:  Français
Genre musical:  Rap

La tendance dure du rap français. Issu d'une cité de la banlieue parisienne, NTM reflète le mal de vivre des jeunes qui y vivent, donnant aussi un aperçu de leur quotidien gris et sans avenir. Des textes violents et parfois provocateurs leur valent la reconnaissance de leurs fans mais parfois certains démêlés avec la justice.

Biographie: 

Ce groupe de rap français est au départ constitué de Bruno Lopes, alias Kool Shen, de Didier Morville, alias JoeyStarr et de DJ'S. Le premier est né en 1966 alors que le second est né en 1967. Ils grandissent à Saint-Denis, dans les grands ensembles de cette banlieue parisienne. Kool Shen et JoeyStarr vont à l'école ensemble.

Passionnés par la culture hip hop directement importée des Etats-Unis, Kool Shen et JoeyStarr font la découverte du smurf, danse de rue que pratiquent certains Américains dès 83, sur l'esplanade du Trocadéro à Paris, sur une musique proche de Sugarhill Gang, pionnier du rap d'outre-Atlantique. Impressionnés par cette forme de danse, ils commencent eux-mêmes à smurfer, une nouvelle façon de tuer l'ennui de la banlieue. En 1984, une émission française de télévision lance le phénomène : "Hip Hop" animée par Sidney sert de véritable tremplin.

Les deux amis montent un groupe, Actuel Force et remporte un grand nombre de concours de breakdance en France. Ils tournent ensuite en Europe. Ils se mettent aussi aux graffitis, autre forme d'expression lié au hip hop. Le rap d'expression française fait alors son apparition. Ses adeptes sont assez septiques car ils ont du mal à imaginer que l'on puisse véritablement adapter le rap dans une autre langue que l'anglais. Les premiers textes de Kool Shen et de JoeyStarr sont écrits en 1989, lancés comme des défis.

Ils sont alors invités à venir rapper en direct sur une radio FM parisienne. Ils sont accompagnés d'un DJ, DJ'S. Ils participent quelques mois plus tard à la Coupe de Paris des DJ's puis font la première partie d'un groupe français, la Souris Déglinguée à l'Olympia.

Des textes violents et noirs

Représentant la tendance dure (hardcore) du rap français, NTM ("Nique Ta Mère", invective en cours dans les banlieues et que la maison de disques voudra quelque peu aseptiser en ajoutant "Suprême" devant l'abrégé) insuffle un esprit de révolte face aux injustices sociales et politiques.

Leurs textes violents et noirs sont à l'image du désespoir et de l'avenir compromis des jeunes des cités. Le rap pour NTM est un moyen de s'exprimer "haut et clair" comme ils le disent eux-mêmes. En fait, ils ne font que parler de la réalité, telle qu'ils la connaissent, avec leur propre langage.

En 1990, ils enregistrent leur premier titre "Je rappe" pour la compilation "Rapatittude" chez Label Noir. Ils partent ensuite en tournée en province avec tous les autres artistes ayant participé à la compilation. A ce moment-là, ils signent avec une multinationale du disque, Sony, et sa filiale, Epic.

Un premier maxi de quatre titres "Le Monde de demain" sort en 1990, coïncidant avec les affrontements entre jeunes et policiers dans la banlieue lyonnaise à Vaulx-en-Velin et aussi avec les manifestations estudiantines à Paris. Plus de 50.000 exemplaires du maxi sont vendus.

1991 : "Authentik"

En mars 1991, débute la tournée qui préfigure la sortie en juin du premier album de NTM "Authentik". En juillet, ils se produisent à New York, au Palladium en compagnie de Son of Barzek, à l'occasion du "New Music Seminar". Deux simples sortent cette année-là, "Authentik" et "Soul Soul" tous deux remixés par Kirk Yano. Le 24 janvier 1992, ils clôturent leur tournée par un passage au Zénith à Paris devant une foule déchaînée. L'album s'est vendu à 70.000 exemplaires et un maxi inédit "Boogie man", avec deux inédits live enregistrés au Zénith sort à ce moment-là.

1993 : "1993… j'appuie sur la gâchette"

L'année suivante voit la publication du nouvel opus des rappeurs de Saint-Denis. "1993… j'appuie sur la gâchette". Un titre choc attire particulièrement l'attention : "Police". NTM accuse ici les forces de l'ordre d'abuser de leurs pouvoirs, dans des termes violents. Une enquête judiciaire est ouverte à leur encontre, qui n'aura pas de suite. Pourtant, les radios en profitent pour les boycotter et ne plus passer leurs titres sur les ondes. En mars, sort pourtant le simple "J'appuie sur la gâchette", l'histoire d'un suicide.

En mars 1994, les NTM se produisent pour quatre soirs dont un au Palais des Sports à Paris. En effet, les organisateurs de concerts ne sont pas rassurés quand il s'agit de rap, et ne veulent pas prendre de risque.

En juin, ils entrent en studio à New York puis à Paris pour la préparation de leur nouvel album. Le 10 février 1995 sort le premier simple "Tout n'est pas si facile" extrait de "Paris sous les bombes" qui lui, sort en mars. DJ'S a quitté le groupe et se trouve remplacé par DJ Clyde. Les revendications égalitaires sont toujours aussi présentes et ces faiseurs de rimes urbaines sont toujours aussi subversifs.

La production est mieux assurée et le niveau musical, plus élevé. "Tout n'est pas si facile", un titre nostalgique qui raconte les premières années du mouvement hip hop devient le premier tube, suivi par "La Fièvre" qui est programmé sur toutes les radios. Belle revanche pour ceux qui, il n'y a pas si longtemps, étaient boycottés par les médias. Ils vendront en fait, plus de 250.000 exemplaires de l'album. Ils enchaînent ensuite sur une tournée française qui les mènent du Festival du Printemps de Bourges en avril, aux Francofolies de la Rochelle en juillet. Le 9 juin, ils enflamment le Zénith à Paris.

La chanson "Police" leur vaut une nouvelle fois de gros ennuis : le 14 juillet 1995, les NTM participent au "Rendez-vous de la Liberté" organisé dans le sud de la France à la Seyne-sur-mer par SOS Racisme. Dans la salle, plusieurs policiers s'indignent des propos violents et diffamatoires à leur encontre, précédents la chanson.

Le groupe est inculpé pour "outrage à personnes détentrices de l'autorité publique" en mai 96 et condamné en novembre à six mois de prison dont trois mois fermes et une interdiction d'exercer leur métier en France pendant six mois. Après appel, la peine est réduite à deux mois de prison avec sursis et une forte amende. Entre temps, le débat est devenu national : doit-on condamner un groupe qui malgré des propos outranciers, exprime la réalité telle qu'il la voit et rend compte de la violence et du malaise des banlieues.

1998 : "NTM"

Après la réalisation d'un remix du morceau "Affirmative Action" avec le rappeur new-yorkais Nas, NTM envisage la production d'un quatrième album. C'est pendant l'été 1997 que NTM commence le travail de studio à Puteaux en banlieue parisienne. De nombreux amis passent et donnent directement leur avis, permettant ainsi à Kool Shen et JoeyStarr d'avoir un certain retour avant même la sortie effective de l'album, qui a finalement lieu le 21 avril 98. Intitulé sobrement "NTM", il semble refléter une certaine maturation dans le travail des deux rappeurs. Le simple "Laisse pas traîner ton fils" ou le titre "Pose ton gun" donnent une certaine idée de la nouvelle orientation du groupe qui fait figure maintenant de vétéran du hip hop français.

Une tournée démarre à l'automne avec deux passages au Zénith de Paris en novembre.

Défrayant la chronique judiciaire, JoeyStarr se voit condamné le 24 février 1999, par le tribunal de Montpellier à deux mois de prison ferme et une amende de 30.000 francs pour l'agression d'une hôtesse de l'air dans le hall d'un hôtel (fait qui remonte à novembre 1998), contribuant ainsi à renforcer cette réputation de "mauvais garçon" qui le poursuit depuis les débuts du groupe. Quatre mois plus tard, c'est à six mois ferme que le condamne le tribunal de Bobigny en banlieue parisienne, pour violence sur son ex-compagne (laquelle l'agressera violemment aussi quelques mois plus tard).

En avril 2000, un documentaire intitulé "Authentiques" réalisé par Saer et Alain Chabat sort quelques temps avant un double live, prévu de longue date. C'est l'heure des bilans. Après dix ans d'activité, les rumeurs de séparation commencent à circuler. Joey Starr est encore aux prises avec la justice tandis que Kool Shen travaille sur un album solo et manage avec sérieux son label IV My People.

Mais JoeyStarr n'est pas en reste. Lui aussi a monté son label, B.O.S.S. Le 7 novembre 2000, les deux compères que l'on ne voyait plus ensemble depuis un moment (les rumeurs de split de NTM allant bon train) sortent un maxi, premier d'une série de quatre intitulée "NTM le clash". Les DJs et compositeurs des deux écuries, IV My People et B.O.S.S. s'affrontent musicalement sur des remixes du groupe. La compilation générique qui rassemble l'ensemble des morceaux et qui sort en février 2001, atteint les 200.000 copies vendues en six mois. En juillet, l'album est mis sur le marché européen.

Solo

C'est JoeyStarr qui apparaît le premier en solo en 2002, mais seulement via un single extrait de la bande originale du film "Astérix et Obélix : mission Cléopâtre" d'Alain Chabat, carton de la fin de l'hiver 2002. La chanson, "Gaz-l", est de plus, bien loin de l'énergie du répertoire de NTM. Dans les médias, il apparaît plus serein et participe à diverses émissions de télévision "grand public", ce qu'il n'aurait jamais fait quelques années plus tôt.

Cependant une scène issue d'un documentaire sur les gens qui vivent la nuit brise cette nouvelle image : on y voit JoeyStarr chez lui avec ses amis brutaliser un singe dont les cris le dérangent. D'une certaine façon, ce fait divers participe à la légende mais continue de faire de lui un "artiste maudit".

L'autre actualité de Joey Starr se partage entre une émission de radio qu'il présente en direct une fois par semaine depuis sa maison de Saint-Ouen près de Paris. Entouré d'une communauté de rappeurs, il tient l'antenne plusieurs heures, la nuit, pour une station spécialisée en rap. En outre, il est aussi chef d'entreprise via une marque, Com-8, distribuée dans sa propre boutique de vêtements streetwear dans le quartier des Halles à Paris.

En 2004, Kool Shen dégaine à son tour un disque en solo baptisé "Dernier Round". Il est produit par Madzim et Sec Undo, les compositeurs de IV My People, le label indépendant que le rappeur manage avec passion. Sur "Dernier Round", Kool Shen affirme un peu plus sa personnalité. Un flow précis et clair, des morceaux tantôt rentre-dedans ("On a enfoncé des portes", "Two Shouts") tantôt nostalgiques. Voire poignant avec "Un ange dans le ciel", titre dédié à Lady Vee, danseuse du NTM des débuts et longtemps compagne du rappeur, décédée en 2003 dans un accident de voiture.

La "Mauvaise réputation" de JoeyStarr

En août 2006, JoeyStarr revient sous les feux de la critique avec un livre : "Mauvaise réputation" ou le récit de la vie du chanteur par le critique de rock français Philippe Manœuvre. La turbulente moitié de NTM raconte son enfance à Saint-Denis, son service militaire, ses concours de danse et l’essor du hip hop français, l’aventure NTM et sa version sur les raisons de la séparation du duo, qu’il n’avait jamais confiées jusqu’à présent. Dans le même temps, Joey Starr sort une compilation de dix-huit titres qui ont selon lui marqué le rap et le r'n'b, regroupés sous le nom de "My Play List By Joey Starr". 

Le 23 octobre de cette même année, JoeyStarr donne un concert à l’Olympia, à Paris, pour marquer la sortie de son premier album solo "Gare au jaguarr". Teinté de rock, de calypso et de hip hop, il est d’une étonnante richesse musicale. Sur le titre "Bad Boy", Joey Starr règle avec véhémence et sans le nommer ses comptes avec Kool Shen : "On a grandi ensemble, on a construit ensemble, et ton putain d’égoïsme a brûlé l’ensemble".

Le morceau "Gare au jaguarr" - qui reprend sans autorisation la trame et le refrain du "Gare au gorille" de Georges Brassens - lui attire les foudres des ayants droits du chanteur décédé. Saisie en référé, la justice française impose à JoeyStarr de retirer le disque des magasins et d’en proposer une nouvelle version dans les meilleurs délais.

Le 17 février 2007, Joey Starr se produit à l’Olympia, accompagné des rockers d’Enhancer.

La reformation de NTM

A l’automne 2007, le Suprême NTM renaît de ses cendres sous la forme d’un best of. Le premier du duo. Il mêle enregistrements studio et des live de "Seine-Saint-Denis Style", "Ma Benz" ou encore "La fièvre". Un DVD capté lors d’un concert brûlant à Avranches, en 1997, agrémente le tout. Kool Shen et JoeyStarr donnent séparément les interviews liées à la sortie de ce disque, considéré comme un évènement pour une génération de fans.

Il faut attendre 2008 pour revoir les deux rappeurs ensemble. Ils annoncent en mars qu’ils se reforment pour une série de concerts. Il faut y voir derrière l’influence de Sébastien Farran, producteur de spectacles, manager de JoeyStarr et ami de Kool Shen, qui couvait ce rêve depuis longtemps.

Les premières retrouvailles du duo se font sur le plateau télé de la chaîne Canal +. Les vrais concerts ne démarrent qu’au mois de septembre, avec cinq dates à l’immense Palais Omnisports de Paris-Bercy. DJs, danseuses, choristes, écrans vidéo, le show est imposant, à la mesure du "buzz" créé autour de cet évènement.  S’ensuit une tournée dans toute la France.

2009 : deuxième solo pour Kool Shen

Les retrouvailles de NTM avec son public sont brutalement interrompues, suite à la condamnation de Joey Starr à six mois de prison ferme pour violences. Kool Shen se produit donc seul sur plusieurs festivals en France, Suisse et Belgique pendant l'été 2009. Le 2 novembre, il sort un second album solo nommé "Crise de conscience". Le quadragénaire y évoque le climat social avec une plume concernée loin des clichés manichéens. Il dresse un tableau noir de la société et se livre à l'introspection sur quelques morceaux ("Jusqu'au bout", "J'ai jamais eu besoin"). JoeyStarr pose sa grosse voix sur une chanson au titre prémonitoire : "J'reviens". Deux mois plus tard, le 8 janvier 2010, celui-ci est libéré de prison.

Après quelques dates dans des festivals, Le 19 juin 2010, le duo donne un concert au Parc des Princes, à Paris, mu par "une grosse envie d'entendre la clameur du stade". Kool Shen et JoeyStarr scandent leurs tubes avec une débauche d'énergie et de mise en scène. Le titre "Tout n'est pas si facile" est accompagné d'une troupe de danseurs acrobates, "Qu'est-ce qu'on attend ?" de fumigènes qui brûlent sur la pelouse et "Ma Benz" de deux Mercedes qui roulent sur la scène. Après l'interruption forcée de sa tournée de reformation, NTM prend sa revanche avec un plaisir évident.

Les deux hommes poursuivent leurs activités artistiques, chacun de leur côté : cinéma, télévision, albums solo, etc.

Pour célébrer les trente ans d'existence du groupe, Kool Shen et JoeyStarr décident de remonter sur scène. Trois concerts sont programmés à l'AccordHotels Arena en mars 2018. D'autres concerts ont lieu dans de grandes salles françaises ainsi que dans des festivals.

2019 : fin de l'aventure

"Plus de disque, plus de concert ensemble" : le duo annonce la fin de l'aventure "NTM" en mars 2019. Pour fêter cela, une mini-tournée de 14 dates est organisée : de Solidays aux Eurockéennes de Belfort, en passant par Beauregard, les rappeurs "mettent le feu" sur les scènes des festivals.

Ils se produisent un peu plus tard à Lyon, Nantes, Bordeaux, puis en Amérique latine (Mexico city, Bogota et Santiago) ainsi qu'à Bruxelles et Genève.

Ils finissent en apothéose les 22 et 23 novembre à l'AccordHotels Arena à Paris devant un public fervent et passionné de presque 20000 personnes chaque soir. 

A peu près au même moment, sort une autobiographie officielle de NTM, écrite avec le concours d'Olivier Cachin (Michel Lafon).

Décembre 2019

Discographie
ANTHOLOGIE
Intégrale - 2018 - Legacy Recordings
BEST OF
Compilation - 2007 - Jive Epic
LIVE
Live - 1999 - Epic
SUPREME NTM
Album - 1998 - Epic
LIVE ZÉNITH 95
Live - 1995 - Epic
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