Tue-Loup
La création de Tue-Loup se fait officiellement fin 1995. C’est avant tout la réunion de quatre amis, Xavier Plumas (chant/ textes/ guitare acoustique), Thierry Plouze (guitare électrique), Stéphane Gosnet (basse) et Romain Allanot (batterie). Les quatre copains se connaissent depuis plusieurs années, ils ont entre 20 et 30 ans, sont vaguement étudiants, puis chômeurs, et au fil des journées passées à écouter de la musique, laissent mûrir l’envie de tenter leur chance. Ils n’ont rien à perdre, chacun apportant à son échelle son expérience musicale.
À vrai dire, le groupe est encore en formation. Stéphane est bassiste en phase d’apprentissage, il a acheté un instrument pour être dans le groupe, Romain, batteur depuis dix ans passionné de jazz, s’équipe à peine. Xavier, le cousin du précédent, quant à lui écrit des chansons depuis une dizaine d’années qu’il bourlingue quand Thierry s’est fait la main, et joue encore, dans le groupe de bal familial. Mais sur la réussite de quelques bœufs ensemble et aux mêmes avis flous sur la vie, ils décident de jouer tous les quatre et ainsi concrétiser quelque chose ensemble. L’instant magique est là, palpable, et les décisions tombent. Dans les 3 prochains mois, ils se promettent la réalisation d’un disque, pour eux, pour se faire plaisir.
Les débuts
Le groupe tire son nom du lieu-dit Tue-loup, une ferme de la Sarthe située à Dollon, ainsi nommée parce qu’assurent les anciens, on y aurait jadis sacrifié le dernier loup de la région (certains racontent par ailleurs que l’histoire est une fantaisie du groupe…). Entre les vaches et les prés, rares sont les voisins qui viendront se plaindre du bruit. Située à une trentaine de kilomètres du Mans, c’est ici que vit Thierry, c’est ici que le groupe enregistre, après quelques sessions improvisées, son premier album aujourd’hui uniquement vendu à leurs concerts.
Auto-produit grâce à une souscription, avec un matériel emprunté, il sera mis sur bandes en deux jours. Sorti en avril 1996, édité à 600 exemplaires, il est envoyé à un seul journal, Les Inrockuptibles, et à une seule maison de disques, PIAS. Une affaire de passionné, un coup de tête de Xavier qui décide de prendre les devants sans même en parler au reste du groupe.
Pourquoi PIAS ? Le label fait selon Xavier, un travail fantastique dans le domaine du rock indépendant américain avec l’importation de groupes comme Palace, Swell, Smoke…Ce sont donc forcément des gens bien. Seul hic, dans la précipitation aucune coordonnée n’apparaît, et c’est suite à un appel à témoin que le label retrouvera leur trace. Pendant les six mois de la souscription, ils composent les morceaux qui formeront leur deuxième album enregistré dans les mêmes conditions que le premier.
La rencontre du groupe avec l’ingénieur du son Robin Dallier, ayant déjà collaboré avec Papa Wemba et Ismaël Lô, véritable cinquième membre du groupe, marque l’étape décisive pour le groupe où celui-ci, trouvant ainsi le son nerveux et compact qui sied à leur personnalité. Celui-ci apporte au groupe toute la sophistication de son petit studio mobile, installé illico à la ferme. Il sera enregistré en cinq jours. Et au dernier moment, à l’enregistrement du dernier morceau, la mécanique s’enclenche: l’album est chroniqué dans les Inrocks et la maison de disques propose de produire ce second forfait intitulé "La Bancale". PIAS, qui connaît à l’époque le succès avec Miossec, alloue un budget de 150 000 francs. Le groupe signe par la même occasion pour trois disques.
À la sortie de "La Bancale", le 31 mars 1998, ils entament dans la foulée, leur première tournée hexagonale d’une vingtaine de dates. Mais le groupe a peu de concerts au compteur. À la différence des jeunes groupes où la scène fait office de révélateur et créé la rumeur, le disque prend la relève. La scène, cette torture, un exercice au début encore difficile. Leur premier concert remonte au soir des 24 heures du Mans crû 1996, dans un bar. Le second, le lendemain du premier, pour les 75 ans de la grand-mère de Xavier. C’est d’ailleurs pour elle que le groupe a inclus l’antique "Mon amant de Saint-Jean" à son répertoire. Cette reprise abrasive d’une valse légendaire écrite en 1942 par Lucienne Delyle deviendra leur premier single. Le clip, leur premier, tourné à Sainte-Jamme-sur-Sarthe, est signée Jean-Michel Bensoussan.
L’identité musicienne
À sa sortie déjà beau succès critique, la tournée hisse "La Bancale" au rayon des 12.000 exemplaires. La musique est devenue un métier pour tous. Et reconnue de tous bords. Ils sont ainsi lauréats en janvier 1999 du FAIR, Le Fonds d’Aide et d’Initiative Rock. Celui-ci les a désignés aux côtés d’Alexandre Varlet, LT. NO, Tahiti 80 et autres. L’association créée en 1989 à la demande du ministère de la Culture, a pour but le soutien au démarrage de carrière d’artistes ou de groupes musicaux français ou résidant en France. Les quatre pôles d’aide dont bénéficient les gagnants et donc Tue-Loup, sont une aide financière comprise entre 4500 et 6000 euros, promotionnelle, à travers l’édition d’une compilation gratuite, ainsi que d’une formation et de conseil en management. Ils apparaîtront sur la compilation "Fair 99" aux côtés des autres artistes sélectionnés.
Aux premiers rayons de soleil de l’été 1999, changement de décors et d’atmosphère: malgré toutes les contraintes que cela implique, ils refusent d’enregistrer dans un vrai studio. Mais avant tout, il est nécessaire de changer d’air pour continuer à créer. Le groupe part alors enregistrer son troisième album "La Belle Inutile" au Maroc. Après avoir songé à l’Espagne et au Portugal, s’ils y arrêtent leur choix, c’est parce qu’ils aiment voyager sans en avoir toujours pour autant les moyens.
Le Maroc offre tout le dépaysement, même aux bourses modestes. Et l’occasion se présente d’y aller pour travailler, tout autant que pour les vacances. Ils profitent du budget débloqué par PIAS à la réalisation de ce troisième album et prennent possession du riad à ciel ouvert de la médina de Marrakech, prêté par la chanteuse Sapho, où ils installent leur ingénieur du son et leur propre matériel. Le premier apport du pays sera les oiseaux que le groupe enregistre en même temps que ses chansons. Des micros sont installés un peu partout dans la maison afin de saisir l’ambiance du lieu. Les nids pullulent dans la maison, et comme les piaillements ne polluent pas le son, ils seront conservés.
Initialement nommé "Merlin" l’album tient son titre "La Belle Inutile" du nom d’un lieu-dit à Connerré sur la nationale entre Le Mans et Paris que le groupe traverse toujours en se rendant à Tue-Loup. L’album sort le 9 novembre 1999. Le groupe entame alors sa tournée la plus importante, soit 2 ans à quadriller le territoire francophone. L’année suivante sera consacrée à la composition du prochain album.
Mauvais garçon(s)
Courant 2002, changement de label, Tue-Loup quitte PIAS pour Le Village Vert. Sur lequel sort le dernier album en date, "Penya" - mauvais garçon en patois sarthois - le 8 octobre 2002. Mixé dans la ferme familiale du lieu-dit. Avec notamment un titre d’Alain Peters, "Rest’là Maloya" chanteur réunionnais dont les enregistrements commencent tout juste à être exhumés.
Nouveau bassiste, Eric Doboka, et autre nouvel arrivant aux claviers, Christian d’Asfeld. Enregistré pour la première fois en studio, mais produit et mixé à domicile, l’album ose les influences comme celles rap-littéraire avec la collaboration de Rom Liteau au micro, le piano de Bill Evans, et les climats jazzy. L’heure est à l’ouverture et aux concerts jusqu’en mai 2004.
Le label Le Village Vert publie un nouvel album de Tue-Loup en 2004 : "Tout nu", disque dans lequel Xavier Plumas, Thierry Plouze et la choriste Babeth Contet revisitent le répertoire du groupe en acoustique. En avril 2005, le chanteur de Tue-Loup s'émancipe et sort un album solo, "Les Anges à la sieste", sous le nom de Fulbert.
2005 : "Rachel au rocher"
Il rempile dans la foulée pour le sixième opus de Tue-Loup, enregistré comme les autres dans une maison de campagne sarthoise. "Rachel au rocher" porte l'étiquette de Naïve. Le piano y prend une place plus grande que dans les précédents albums et, sur les onze chansons, la moitié est le fruit d'improvisations réalisées lors des répétitions du groupe, l'idée étant de conserver le maximum de spontanéité. Ballades folk ("Corps de bête", "Je n'ai pas soupé"), guitares acérées ("le Martin pêcheur"), ambiance jazzy ("Je m'aplatis"), cabaret ("Elias") ou instrumental rock ("Pas d'chant, pas d'krumar")… "Rachel au rocher" est riche en styles.
Le 2 décembre 2005, Tue-Loup présente sa nouvelle création à la Maroquinerie, à Paris, avant de se produire au Transmusicales de Rennes dans le cadre de Bars en Trans. Une tournée démarre au milieu du mois de janvier 2006, avec un détour par La Réunion en mars pour un festival hommage au poète et musicien réunionnais Alain Peters.
2007 : "Le lac de Fish"
Le 15 octobre 2007, les quadras de Tue-Loup livrent douze nouvelles chansons sur "Le lac de Fish". Ils ont encore changé d'écurie : cette fois-ci, c'est le micro-label T-Rec qui les produit. Un label monté par Cyril Bilbeaud, ancien tour manager du groupe. La critique apprécie la tristesse et les belles tonalités folk, pop et bossa de ce septième album. Le groupe ne décroche cependant pas beaucoup de dates de concerts.
Le premier album solo de Xavier Plumas, "La gueule du couguar", sort l’année suivante.
Cette escapade offre une respiration à Tue-Loup, dont le huitième disque, "Le goût du bonbon", arrive le 14 septembre 2009. Enregistré peu avant "Le lac de Fish", "Le goût du bonbon" a été initialement écrit pour le slameur Rom Liteau. Il fait d’ailleurs la part belle à la poésie abstraite de ce dernier. Ce disque compte aussi avec la batterie de Thomas Belhom et l’apparition d’un petit nouveau : Thomas Fiancette qui remplace Romain Allanot derrière les fûts. Une fois de plus, le succès d’estime est au rendez-vous, mais Tue-Loup a bien du mal à retrouver le devant de la scène.
2012 : "9"
Dans l’ombre, ses membres multiplient les projets. Ils continuent d’écrire et d’enregistrer les titres qui composeront leurs prochains disques. À chaque fois ou presque, ils sont néanmoins contraints de tout recommencer à zéro vis-à-vis de l’industrie musicale. Cette fois-ci, c’est T-Rec, leur label, qui connaît de sérieuses difficultés financières. "9", la neuvième réalisation de Tue-Loup, attendra donc près de trois ans dans les cartons, alors que Xavier Plumas et Stéphane Plouze lancent une souscription dans l’espoir de sortir ces chansons pour un cercle confidentiel.
"9" trouve finalement sa place dans les bacs le 12 novembre 2012, grâce au tourneur Dessous de Scène.
Mis en boîte à la maison, ce disque très électrique laisse une large place à des parties instrumentales planantes. Les textes sont comme d’habitude, travaillés par la morte-saison et un côté terrien. Après cette sortie, Tue-Loup se produit le 11 décembre 2012 au Point Ephémère, à Paris, et écrit sans bruit la suite de ses aventures.
En 2014, Xavier Plumas sort son deuxième album solo, "Le cabinet vaudou des curiosités d’Adèle". Sa réalisation est financée par souscription via un site de financement participatif.
À la faveur d’un voyage à Lisbonne, Xavier Plumas trouve l’inspiration pour de nouvelles compositions pour Tue-Loup. "Ramo", le 10e album du groupe, sort en mars 2016. Morceaux aériens et mélancoliques nimbent cet opus, où le piano se fait plus présent que sur les précédents. Les critiques élogieuses leur offrent un peu plus d’exposition qu’auparavant et le groupe entame une série de concerts, qui passe par Paris (au zèbre de Belleville) le 31 mars.
En 2017, le groupe s'aventure sur un autre chemin en publiant l'album de reprises "Total musette". Xavier et sa bande revisitent des chansons populaires comme "La plus bath des javas" interprétée initialement par Georgius, "La foule" célébrée par Édith Piaf, "Viva España" popularisée par Georgette Plana ou encore "La fille que j'aime" de François Béranger.
Quelques concerts accompagneront la sortie de cet album qui engage les protagonistes sur une voie un peu plus festive. Xavier Plumas sort un album solo en 2018 "Mayerling".
2021 : "La peau des arbres"
Avec un nouvel album "La peau des arbres" sorti en 2021, le groupe revient à des musiques qu'il connaît bien, proches de la folk américaine, version Lambchop. Les textes évoquent la nature ("Large ciel" ou "Siagne"). Ils sont imprégnés d'une atmosphère aérienne et poétique. Si les paroles et musiques des différents morceaux sont presque toutes signées Xavier Plumas, ses acolytes Alexandre Berton (batterie), Eric Doboka (basse) et Thierry Plouze (guitare) s'en emparent et apportent leurs propres couleurs aux arrangements. Cette entreprise collective est élaborée dans une ambiance amicale.
Avec la pandémie de Covid-19, il n'est pas facile de se produire en concert, mais on voit tout de même le groupe sur quelques scènes françaises en 2021.
Janvier 2022