Zizi Jeanmaire sur scène
La représentante quasi exclusive du music-hall à la française, Zizi Jeanmaire, est de retour sur scène à l'amphithéâtre de l'Opéra Bastille à Paris pour neuf représentations, entre chanson et danse.
Alors que sort un album de chansons nouvelles et de reprises aux Disques Yvon Chateigner, la grande Zizi Jeanmaire nous revient sur une scène parisienne pour plusieurs représentations qui se veulent exceptionnelles. En effet, à plus de 70 ans, la chanteuse et danseuse offre un spectacle à sa mesure, brillant, réglé au millimètre prêt et chaleureux.
C'est qu'elle est attendue, Zizi. Un public très éclectique, branché ou fidèle est venu l'espace d'un soir rêver les yeux ouverts et s'attendrir sur cette éternelle séductrice. Habillée d'une robe noire moulante et chaussée d'escarpins, elle fait son entrée sur la Vie Zizi de Serge Gainsbourg avant d'entamer avec sa gouaille habituelle, la très célèbre Croqueuse de diamants. Le poète Raymond Queneau l'avait écrite pour un ballet que Roland Petit, son mari, avait mis en scène et qui comportait cette chanson. A l'occasion, elle avait travaillé sa voix, elle qui depuis son plus jeune âge travaillait la danse classique.
Passant du clinquant au grave, Zizi chante D'aventure en aventure de Serge Lama marquant ainsi son réel talent d'interprète. Un peu plus tard, elle en fera encore la démonstration avec une autre chanson de Gainsbourg les Bleus, une histoire de coups reçus que l'auteur compare avec poésie à des émeraudes et des améthystes. Assise sobrement sur une chaise, Zizi Jeanmaire magnifie le sordide et l'abominable. L'assistance ne s'y trompe pas et l'ovationne comme elle le fera aussi, après J'suis snob de Boris Vian. A ce moment-là du spectacle, Zizi en profite pour rendre hommage à celui, dit-elle avec un air mutin, "qui avait un faible pour moi".
Puisant allègrement et pour le bonheur de chacun dans la chanson d'auteur, elle n'interprète que deux titres plus récents dans ce tour de chant, Verser une larme pour Lucifer et Entre rires et chagrin, deux textes de sa fille Valentine Petit, mis en musique avec talent par Richard Galliano. Les cinq musiciens dont l'accordéoniste Jean-Jacques Franchin sont pour beaucoup dans la réussite musicale de ce spectacle.
Mais que serait Zizi sans la danse ? Impossible à imaginer. C'est avec beaucoup de classe qu'elle relève sa robe Saint-Laurent la transformant ainsi en justaucorps de circonstance. Autre accessoire indispensable, un magnifique boa gris et long de plusieurs mètres apparaît comme par enchantement pour habiller un peu plus la diva. Et la voilà partie dans un de ces numéros de danse, version revue de Broadway où avec Roland Petit, elle a travaillé plusieurs fois. Une quinzaine de jeunes danseurs viennent compléter le tableau. Ce sera Smoke gets in your eyes, un standard américain revisité par Gainsbourg toujours, puis quinze minutes d'hommage à Duke Ellington pendant lequel Roland Petit, metteur en scène et chorégraphe du spectacle, nous donnera à admirer ses talents.
Après une heure et demi de ravissement, le final que tout le monde attend est incontournable. Mon truc en plumes, chanson emblème de Zizi Jeanmaire qu'elle semble interpréter avec toujours autant d'enthousiasme est un moment de magie comme on les aime. Les plumes d'autruche roses rendues vivantes par les danseurs, qui virevoltent, s'envolent, jouent à cache-cache, habillent une dernière fois les étoiles du music-hall. Zizi reviendra pour un rappel et s'éclipsera finalement, à regret, les bras chargés de bouquets de fleurs offerts par des admirateurs.
Zizi Jeanmaire jusqu'au 18 novembre à l'Amphithéâtre de l'Opéra de Paris, Zizi Jeanmaire (Disques Yvon Chateigner) 2000