Christophe

Christophe © DR

Icône de la chanson française panoramique, Christophe nous fait patienter en attendant un nouvel album, avec un retour sur ses hymnes, renforcés de raretés et publiés dans un best of.

Le mystérieux chanteur à moustaches enchanta les sixties, les seventies, et le début des années 2000 (lors d’un retour fracassant dont on espère le deuxième chapitre). Malheureusement, Christophe souffrait d’un manque cruel d’exposition, en dépit de la qualité mythique de ses enregistrements, et de l’influence majeure qu’il continue d’exercer, en même temps qu’une fascination indubitable, sur une flopée de chanteurs d’aujourd’hui.

En 2004, son label historique, Dreyfus, remédiait enfin à ce vide scandaleux en rééditant huit de ses albums, en versions remastérisées, mais, hélas, sans les pochettes originales. Aujourd’hui, le parcours vers cet univers unique continue grâce à ce judicieux best of qui visite quelques-uns de ses grands hits (19, exactement) parmi lesquels certains qui n’existèrent que sur des 45 tours, et donc restaient absents des albums récemment ressuscités.

Cette poignée de chansons majuscules est par définition un raccourci brutal d’une carrière dont certains pans sont restés obscurs, mais on y trouve des gemmes essentielles. Le blues estival et préliminaire Aline ("Et j’ai crié, crié… Aline, pour qu’elle revienne", comme un hommage à lire entre les lignes du tube de plage pour les grands “shouters” du rhythm & blues dont il collectionne les 78 tours originaux). Et puis ces cathédrales de violons et de guitares rythmiques que sont Les Mots Bleus, Les Paradis Perdus, Le Dernier des Bevilacqua, nés d’une collaboration, ou plutôt d’une osmose, avec comme parolier un Jean-Michel Jarre pré-synthétiseur, véritables démonstrations d’une essence pop à la française, mues par cette voix de cristal pur, tout en pathos déchirant.

Tout au long de 40 années de carrière chaotique et merveilleuse, le Beau Bizarre, personnage à part dans l’histoire de la chanson française, mais qui d’évidence hante les territoires inaccessibles à d’autres que Gainsbourg, Polnareff, ou Dutronc, a cherché, inlassablement, à construire des symphonies de poches.

Les aficionados ou les curieux s’empresseront d’acquérir la version luxe de ce best of, qui propose un second CD avec sept titres supplémentaires, tous sortis en 45 tours dans les années 70, mais aussi douze versions italiennes de certains de ses grands hits. Il était coutumier, en ces temps pré-européens des sixties, d’enregistrer dans des langues étrangères. Mais Christophe Bevilacqua est italien, et son interprétation dans la langue de ses origines a le velouté tendu d’un design de Pininfarina, qu’il est enchanteur de découvrir aujourd’hui.

Christophe Best Of (Dreyfus Music/Sony-BMG) 2006