Higelin père et fils
On s’en réjouissait comme d’un des possibles événements de ce 30e Printemps : les programmateurs avaient placé, hier soir, Arthur H et Jacques Higelin à la même affiche. En 1977, Arthur avait neuf ans. Son père était à l’affiche du premier Printemps dont sa mère était l’attachée de presse. En cette édition qui se refuse à la célébration explicite de l’anniversaire, c’était un joli regard en coin vers le passé.
Hélas, les deux chanteurs n’ont pas paru sur la même scène, malgré Le Destin du voyageur, beau dialogue entre le fils et son père paru sur le dernier album d’Arthur, Adieu tristesse. On les y entend chanter en duo « Il faut du temps pour se retrouver », mais on n’ose trop commenter ici leur histoire, tant la carrière de l’un et l’autre les ont vus éloignés avec soin des colonnes people des journaux. Resteront donc deux concerts, le même soir dans la même salle, des anecdotes délicieuses comme la panne de courant pendant le spectacle d’Arthur H – « j’ai chanté tellement bien que l’électricité est jalouse », lance-t-il quand le son est rebranché. Ou Higelin faisant allusion à sa longue tournée avec les chansons de Trenet en lançant « des fois, tu as envie de montrer qui tu es vraiment » – une déclaration effarante, quand on sait son obsession de lui-même. Décousu, heurté, le concert d’Higelin aura été tout du long sur le fil, malgré quelques moments de grâce et de poésie vraie. Malmenant ses chansons (avec aux rappels une étonnante série de trous de mémoire sur Champagne), malmenant ses roadies, malmenant sa guitare, malmenant l’équilibre bipède, malmenant même son public, pourtant patient et indulgent. Seul élément de stabilité et de fidélité dans son concert, l’inaltérable Mahut aux percussions et à la harpe, sauvant régulièrement Higelin de ses embardées incontrôlées.
En début de soirée, Arthur H aura au contraire démontré la puissance d’une liberté bien construite, étendant régulièrement ses chansons jusqu’à ce qu’elles deviennent des oratorios aux larges échappées instrumentales en quartet, comme The Lady of Shangai ou Des roses pour madame X. Jouant des confrontations de textures musicales et rythmiques comme des musiciens d’électro, accumulant les effets romanesques comme dans un cabaret tsigane, ses musiciens et lui incarnent superbement la richesse postmoderne de la chanson d’aujourd’hui, qui joue autant de son érudition que des sensations les plus simples.