Da Silva, le forçat de la route
Après la sortie de son premier album, Décembre en été, Da Silva a enquillé sur une tournée de 107 dates en un peu moins d’un an. Six mois après avoir quitté son tour-bus, il est de retour avec De beaux jours à venir, un deuxième disque résolument intimiste mais promis à un avenir explosif sur scène.
Il faut bien l’avouer Emmanuel Da Silva n’est pas très grand. Mais une fois que son regard a capté le vôtre, la taille n’a plus d’importance. Ses yeux clairs translucides irradient d’une volonté à toute épreuve. Une envie d’avancer tout droit, quoiqu’il arrive, qui se retrouve dans le format même de ce deuxième album. Douze titres, trente quatre minutes, une concision héritée de son passé punk. "Je n’aime pas diluer, avoue-t-il. Je m’en fous qu’il y ait couple-refrain-couplet-refrain-pont etc. Moi, c’est vraiment l’émotion et le déroulé de la chanson qui m’importe."
Da Silva a une nouvelle fois enregistré chez lui, Renaud Letang ajoutant par la suite ses arrangements en studio. De beaux jours à venir affiche une orchestration légère mais terriblement efficace : "Je suis assez minimaliste. Si une chanson fonctionne avec un glockenspiel et un ukulélé, je ne vois pas pourquoi j’irais mettre un orchestre philharmonique !", affirme le chanteur. Ancien VRP, il avait composé son premier album entre deux rendez-vous. Depuis sa sortie en 2005, Décembre en été s’est écoulé à plus de 100.000 exemplaires. Malgré le succès, Da Silva n’a rien changé à son mode de conception. De beaux jours à venir est né sur la route, mais cette fois-ci entre deux concerts. Emmanuel vit son plaisir à fond, sans calculer : "Il y a 15 ans, je faisais du punk. Aujourd’hui, je ne sais pas trop ce que je fais, une espèce de chanson rock. Je continue à jouer ce qui me fait vibrer. Je ne me pose pas trop de questions, je ne réfléchis pas la musique, c’est instinctif."
Retourner un chapiteau
Elevé dans la Nièvre, ce Breton d’adoption revendique une écriture brute, au ton assez sombre : "Je suis un mélancolique, je n’y peux rien. Comme le dit Miossec : 'la mélancolie c’est communiste, tout le monde y a droit de temps en temps'. Je ne me vois pas faire du ska festif, je suis assez joyeux mais avec une certaine nostalgie. Je ne connais pas la date de ces Beaux jours à venir mais l’espoir, c’est important. Ça ne veut pas dire qu’aujourd’hui tout est morose, juste que ça pourrait être un peu plus beau." Quelque part entre Louise Attaque et Cali, il livre des petits moments de noirceur qu’on ne peut s'empêcher de fredonner - des titres doux-amers comme l’impeccable Tout va pour le mieux ou l’immédiat La Fuite.
Mais prenez garde, une fois en concert, Da Silva est tout autre. Il le confie, l’œil gourmand : "J’aime bien que la scène soit différente du disque. Je fais des chansons, je les habille d’une certaine façon. J’ai envie d’être proche de l’auditeur. De mettre le texte en avant. Ensuite sur scène, j’ai besoin de contact, c’est direct et là on rhabille les chansons." Rien n’est jamais vraiment planifié, le tatoué ne joue pas systématiquement la bête de scène bondissante : "Ça dépend des soirs. Je me laisse porter par la musique, les émotions. La salle, le lieu, l’heure où tu joues, tout te conditionne en fait. Je me souviens une fois nous avons joué à Valenciennes dans une salle boisée et très feutrée. Tu joues plus en douceur. Parfois, tu arrives, il est 17h c’est plein à craquer, il y a 5.000 personnes sous un chapiteau et là paf, tu envoies le charbon." C’était en avril 2006, alors quasi inconnu, Da Silva avait retourné le Phénix au Printemps de Bourges. "Mes chansons, elles ont cet avantage que je peux les rejouer comme je veux, en mettant l’énergie soit dans l’interprétation soit directement dans la puissance."
La moitié de sa vie dans la musique
Repartir pour, au bas mot, un an et demi de tournée ne lui fait pas peur. Pire, il attend cette épopée avec impatience : "Ça ne me gène pas, je suis ravi. J’aime la route. J’aime jouer, je fais de la musique pour ça : les voyages, les lieux différents, les rencontres. Tu peux jouer cinq fois dans la même salle, ça ne sera jamais pareil même si tu mets le même public."
Après de multiples petits boulots et maintes aventures avortées, Da Silva tient maintenant son succès. Même s’il sait que rien n’est jamais acquis : "Oui je peux retourner à l’usine, vendre des paquets de nouilles dans les supermarchés ou n’importe quoi d’autre, ça ne me poserait aucun problème. Auteurs, compositeurs, artistes, comédiens, tous les métiers qui ont un rapport à l’art, je ne vois pas pourquoi on travaillerait moins que les autres. Moi je travaille tous les jours, j’ai le luxe de faire ce qui me plait. Je n’ai pas fait de la musique pour la notoriété ou l’argent, sinon ça ne ferait pas 17 ans, plus de la moitié de ma vie, que j’en joue."
Da Silva De beaux jours à venir (Tôt ou tard) 2007
Jusqu'au 28 avril au Café de la Danse à Paris