Berry, le nouveau charme de la mélancolie
Son premier album, Mademoiselle, compte parmi les révélations de ce début d’année : Berry, une nouvelle merveille du folk à la française.
"N’ayez pas peur du bonheur/Il n’existe pas/Ni ici ni ailleurs/Nous allons mourir demain/Ne dites plus rien/Le bonheur conjugal/Restera de l’artisanat local". S’il n’y avait eu, il y a quelques années, la voix fragile de Carla Bruni chantant Quelqu’un m’a dit, cela aurait pu être avec Berry, avec son Bonheur, que l’on aurait goûté pour la première fois en France un folk aussi gracieux, aussi bouleversant, aussi léger et profond à la fois, aussi souriant et désespéré dans le même couplet. Un prodige d’équilibre et de sincérité comme il n’en paraît pas souvent, un disque enregistré dans un salon à la campagne et arrivé un peu par surprise sur le catalogue d’Universal, qui compte parmi les chocs de ce début d’année et pourrait bien inaugurer une carrière.
Berry, donc, sait laisser tomber la goutte d’encre noire sur le croquis au fusain, elle sait éclairer la courte image qui laisse deviner le drame sous la ouate paresseuse du folk, elle sait rendre bouleversante une petite phrase de rien, portée par un accord anodin. Un talent rare, et qui dépasse la vague néo-folk qui depuis quelques années inonde la France.
Au commencement, une jeune femme née dans une famille un peu bohème, dans laquelle " tout le monde chante et plutôt bien. On a toujours eu accès à la musique, au théâtre, à la danse – une chance." Elle est un peu comédienne et son ami Manou fait du jazz. "En fin de soirée, on faisait une ou deux chansons, comme ça… Et puis Lionel Dudognon, guitariste qui fréquentait le même cabaret à Poitiers nous a entendu et nous a dit : 'vous devriez faire quelque chose de ces chansons. Venez chez moi et on va travailler.' A force qu’il nous dise que nous étions des flemmards, et puisque l’on n’avait pas de boulot, on s’est dit que l’on allait faire un été de chansons, pour nous amuser. La fabrication des chansons n’a pas été marrante-marrante, Manou et moi nous sommes beaucoup rentrés dedans. A la fin de l’été, nous sommes allés chez Lionel lui faire voir nos bouts de trucs en lui demandant si c’était vraiment des chansons. A partir de là, on a essayé de savourer chaque journée…"
Berry pose sa voix aux fragilités bien assumées sur des mélodies à peine habillées d’un peu de guitare ou de percussions. Parfois, un copain passe par le salon de Lionel : un sax ou des chœurs en lingala s’installent dans ses chansons. "A douze chansons, on a dit : ' on arrête, on va quand même rendre sa maison à Lionel.'" Ils pensent envoyer les maquettes aux maisons de disques, comme tous les amateurs. Mais le frère de Manou travaille dans une crèche, près de la place de la République, à Paris, où une salariée d’Universal dépose son enfant. Il passe un disque, à tout hasard… et quelques jours plus tard Berry signe chez Mercury, en même temps qu’elle trouve un manageur et tourneur pour s’occuper de sa carrière.
Tapis rouge… On demande à Berry de choisir les musiciens qui interviendront sur l’enregistrement définitif de l’album."Pour la basse et la batterie, on a cherché sur les albums français que l’on aime. Et partout il y avait Laurent Vernerey et Denis Benarrosh. Quand ils sont arrivés en studio, on leur a dit : 'Vous êtes sur tous les disques qu’on aime.' Ils ont répondu : 'On est aussi sur tous les disques que vous détestez.' Aux plus capés des musiciens de studio de leur génération s’ajoute le pianiste Laurent de Wilde… "Une succession de cadeaux dont on n’avait jamais rêvé…" A l’automne 2007, alors que commencent à circuler dans le métier les premières copies de l’album Mademoiselle, Berry commence à assurer des premières partie d’Abd Al Malik, Michel Delpech, Bazbaz, Vincent Baguian… Un apprentissage que la jeune chanteuse ("vers les trente ans") vit comme un autre émerveillement.
Certes d’une moindre puissance que celui qui a accompagné la sortie de l’album A Mouthful de The Do, le mois dernier, le buzz qui précède Berry est de ceux qui annoncent le succès. "Ce que j’aimerais, c’est que l’on vende juste de quoi avoir le droit d’en faire un deuxième." Une perspective qui éveille chez la chanteuse des sentiments qui tranchent avec le spleen de ses chansons. "Je n’ai pas fini d’être bluffée par ce qui nous arrive. Ma mélancolie est obligée de rompre." Elle a un petit rire. "Je vais apprendre la samba, mettre des chorégraphies sur scène.
Berry Mademoiselle (Mercury-Universal) 2008.